Garder de l'argent liquide chez soi plutôt que de le déposer sur son compte bancaire, son Livret A ou encore l'investir dans une assurance vie, c'est un réflexe adopté par de nombreux Français. Et qui pourrait devenir encore plus systématique, selon un sondage (1) réalisé par l'institut YouGov, pour MoneyVox.
A la question, « Conservez-vous de l'argent liquide chez vous à des fins de précaution ou d'épargne », 26% des sondés répondent par l'affirmative, tandis que 74% indiquent ne pas avoir de cash à la maison. Des données qui rejoignent une récente enquête de la Banque centrale européenne (BCE) selon laquelle 26% des Français reconnaissent conserver des espèces à domicile en tant que réserve de précaution ou d'épargne alternative.
Les crises amplifient la thésaurisation
« Parmi les Français déclarant thésauriser en 2024, près du tiers (30%) conserve moins de 100 euros et, à l'autre bout de l'échelle, près du quart (23%) déclare garder plus de 500 euros », souligne cette enquête. « Toutefois, depuis deux ans, les Français ont tendance à conserver des montants plus importants ».
Et à en croire notre sondage YouGov, la tendance pourrait se confirmer. 25% du panel fait savoir qu'il prévoit même de conserver davantage d'argent liquide au regard du contexte actuel. Du côté de la Banque de France, on nous explique que « le phénomène de thésaurisation des billets est difficilement quantifiable et encore plus difficilement prévisible, tant les variables qui l'expliquent sont nombreuses et complexes (numérisation, contexte géopolitique, inflation...) ». Pour autant, « lors de la crise des subprimes, de la crise du rouble, de la crise Covid ou encore de la guerre en Ukraine », la Banque de France a constaté une « hausse très importante des émissions nettes » de billets, car les particuliers en ont stocké davantage chez eux.
« L'argent liquide apparaît comme une forme de sécurité »
Les 25-34 ans veulent plus de cash
« Retirer de l'argent en période de crise, c'est un réflexe traditionnel », rappelle l'économiste Philippe Crevel. Les retraits en DAB avaient d'ailleurs grimpé de plus de 20% sur certaines zones après l'annonce du premier confinement en mars 2020. « L'argent liquide apparaît comme une forme de sécurité », analyse l'économiste. Et selon notre enquête, ce sont les 25-34 ans qui souhaitent le plus garder davantage d'argent liquide chez eux. C'est le cas de 46% d'entre eux, contre 15% des plus de 55 ans.
« C'est la population qui utilise le moins l'argent liquide pour ses paiements courants, qui est la plus encline à avoir une réserve d'argent en liquide. Et qui par ailleurs achète le plus de cryptomonnaies. J'interprète ces résultats comme une défiance par rapport au système traditionnel financier, souligne Philippe Crevel. Le fait de vouloir garder davantage d'argent liquide chez soi a plus à voir avec la confiance dans les institutions financières qu'avec une question d'âge ». Dans une étude YouGov-Bitpanda réalisée en juillet 2024, 23% des 18-27 ans indiquaient avoir déjà investi dans les cryptomonnaies. La part de la population française détenant des crypto-actifs, serait de 12% selon une étude citée par la Banque de France.
Parmi les principales raisons souvent avancées d'avoir du cash chez soi : parer à une éventuelle faillite du système bancaire. Pour autant, selon Philippe Crevel, « il n'a pas de risque systémique. On a la chance d'avoir des banques qui sont plutôt solides et qui réalisent de bons résultats. » A ses yeux, garder de l'argent chez soi serait même plus risqué : « La probabilité qu'un cambrioleur vole de l'argent liquide est plus élevée qu'une faillite de la banque ».
Le rôle des rumeurs sur les réseaux sociaux
A noter également que certains particuliers ont aussi pu être influencés ces derniers mois, sur les réseaux sociaux, par des rumeurs de réquisition de l'épargne. Un phénomène qui s'est accéléré depuis fin février, alors que l'exécutif souhaite mobiliser des fonds afin de financer un effort accru en matière de défense.
Dans ce contexte, des internautes ont appelé à retirer ses économies des banques pour les mettre hors de portée de l'Etat, craignant qu'il vienne « piquer » leurs économies. Une crainte erronée puisque le ministère de l'Economie a assuré à l'AFP, dans un article sur le sujet, qu'il était « hors de question de confisquer l'épargne de qui que ce soit ». Dans tous les cas, de telles ponctions, seraient d'ailleurs illégales, selon plusieurs experts interrogés par l'AFP.
Les autres enseignements de notre sondage
Les Français refusent que l'argent de leur Livret A finance la défense
(1) L'enquête a été réalisée, par YouGov à la demande de MoneyVox, auprès 1 005 personnes représentatives de la population nationale française âgée de 18 ans et plus. Le sondage a été effectué en ligne, sur le panel propriétaire YouGov France du 11 au 12 mars 2025.