Une proposition de loi, discutée mercredi 9 octobre en séance publique au Sénat, propose d'imposer aux banques de justifier leur décision de résilier le compte d'un usager de manière unilatérale. Objectif : compliquer la tâche de celles qui se délestent des clients pas assez rentables à leur goût.

Les réseaux sociaux regorgent de témoignages d'usagers se retrouvant dans des situations compliquées, voire dramatiques, après avoir subi une fermeture de compte intempestive imposée par leur banque.

Le contrat qui lie une banque à son client, en effet, n'est pas à durée indéterminée. Chacune des deux parties peut, à tout moment, choisir d'y mettre un terme. La banque qui choisit de mettre un client à la porte doit seulement respecter certaines formes. Aviser le client de sa décision par courrier. Puis respecter un délai de préavis d'au moins deux mois dans le cas d'un compte courant.

Rien, en revanche, ne l'oblige à justifier sa décision, ni à son client, ni à aucune autorité administrative. « Il n'y a aucun contrôle et aucune preuve à apporter », expliquait en janvier 2022 à MoneyVox l'universitaire Jérôme Lasserre Capdeville, spécialiste du droit bancaire. « Cela ouvre la porte à de mauvaises pratiques ». Celle, par exemple, qui consiste à congédier un usager, non pas parce qu'il a enfreint ses obligations contractuelles, mais tout simplement parce qu'il est considéré comme insuffisamment rentable par son ex banque.

Ma banque a-t-elle le droit de fermer mon compte du jour au lendemain ?

Justification obligatoire

Ce régime d'opacité a attiré l'attention du sénateur Philippe Folliot, élu du Tarn et membre de l'Alliance centriste. Dans une proposition de loi déposée le 8 avril dernier et envoyée à la commission des finances de la chambre haute, ce dernier a proposé d'imposer aux banques de justifier leur décision, sur demande expresse de l'intéressé. Objectif : compliquer « les fermetures aléatoires ou injustifiées », explique-t-il dans l'exposé des motifs de son texte.

Car si le délai de préavis de deux mois laisse en principe le temps au client éconduit de rebondir dans une autre banque, la tâche n'est pas toujours si simple que cela. Dans son exposé, Philippe Folliot développe notamment le cas des habitants des zones rurales, dont « le choix de l'agence bancaire est souvent limité » et qui se retrouvent contraints de se déplacer dans une autre commune pour trouver une nouvelle banque, ou de se tourner, contre leur gré, vers une banque en ligne, même s'ils « rencontrent des difficultés avec internet ».

Une dérogation au nom de la lutte anti-blanchiment

Le texte originel a été amendé par la Commission des Finances du Sénat, qui l'a examiné le 5 juin dernier.

Elle a introduit un délai de réponse maximum de 15 jours ouvrés à compter de la demande du client. La réponse devra être transmise par écrit, « sur support papier ou sur un autre support durable ».

Elle a surtout introduit une dérogation à l'obligation de justification dans deux cas de figure :

  • lorsque le client refuse ou est dans l'incapacité de fournir à sa banque certains « éléments de connaissance », l'empêchant ainsi de mettre en œuvre son obligation de vigilance dans le cadre de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme ;
  • à la suite d'opérations jugées suspectes ayant fait l'objet d'une déclaration de soupçon à Tracfin, la cellule du ministère de l'Économie chargée de cette lutte.

Dans ces deux cas, les banques auront l'interdiction de donner suite à la demande du client, ce qui limite la portée du texte, discuté mercredi 9 octobre au Sénat.