L'essentiel

  • Suite à l'apparition d'un nouveau service anti-fraude à la DGFiP, 46 000 déclarations ont été corrigées en 2024 pour une valeur de 151 millions d'euros, une augmentation de 12% par rapport à 2023.
  • La loi de finances 2025 donne à la DGFiP encore d'autres outils supplémentaires pour lutter contre la fraude aux crédits d'impôt et contre les usurpations de coordonnées bancaires.
  • La nouvelle « procédure flash » va permettre à la DGFiP d'empêcher le remboursement de sommes indûment déclarées.

C'est une mesure du budget 2025 qui était passée inaperçue. La loi de finances, entrée en vigueur tardivement, mi-février, à l'issue d'une interminable navette parlementaire, prévoit en son article 60 un élargissement de la palette anti-fraude à la disposition du fisc. Cet article de loi vise notamment les crédits d'impôt frauduleux.

Plus concrètement, la loi de finances permet à la Direction générale des finances publiques (DGFiP) de réclamer des justificatifs complémentaires au contribuable avant même l'établissement d'un premier avis d'imposition. Ainsi sollicité, le contribuable a alors 30 jours pour prouver la réalité des dépenses et charges qu'il a déclarées. Si la réponse est insuffisante ou en absence de réponse, l'avis d'impôt est édité sans prendre en compte le crédit d'impôt... et ce dernier n'est donc pas versé automatiquement au cœur de l'été.

« Les fraudes concernées portent principalement sur les réductions et crédits d'impôt pour services à la personne, le prélèvement à la source et les virements frauduleux, ces derniers étant empêchés grâce au blocage des RIB suspects »

Cette discrète disposition, le ministère des Comptes publics l'a pour la première fois mise en avant dans son bilan 2024 de la lutte contre la fraude fiscale, publié mi-mars. Bercy y annonce le lancement, dès la campagne 2025 de l'impôt sur le revenu, d'une « procédure flash » qui permettra « de faire obstacle à la restitution de sommes indues en présence de déclarations manifestement frauduleuses telles que les usurpations d'identité ou de compte bancaire ».

L'accélération, en 2025, de la politique anti-fraude lancée fin 2023

S'agit-il donc d'une procédure ciblant les crédits d'impôt frauduleux ? Les faux RIB ? « Les fraudes concernées portent principalement sur les réductions et crédits d'impôt pour services à la personne (RICI), le prélèvement à la source (PAS) et les virements frauduleux, ces derniers étant empêchés grâce au blocage des RIB suspects », répond Clément Carrue, responsable adjoint de la stratégie à la DGFiP.

Cette nouveauté est, dans les faits, l'extension d'une surveillance de plus en plus accrue ces dernières années sur les abus visant les avantages fiscaux.

Impôt sur le revenu. Oubli, erreur ou stratégie fiscale ? Pourquoi les corrections se multiplient

Au printemps 2023, suite à un signalement syndical, la DGFiP expliquait à MoneyVox « que les parcours en ligne de dépôt des déclarations » initiales, au printemps, et correctives, chaque été et à l'automne, « ont été l'objet d'un renforcement significatif en 2022 par différents contrôles informatiques pour anticiper les tentatives de fraudes ». Avant d'annoncer « de nouveaux contrôles » renforçant « significativement le dispositif déjà existant des contrôles préventifs ». Depuis, Bercy a donc lancé son plan anti-fraude sociale et fiscale en juin 2023. Et la loi de finances pour 2025 a ouvert de nouvelles portes à cet arsenal anti-fraude.

La généralisation des « virements automatiques » a entraîné « une augmentation corrélative des tentatives de fraude lors des déclarations »

Le porte-parole de la DGFiP, Clément Carrue, explique à MoneyVox que cette montée de la fraude aux avantages fiscaux est un dégât collatéral de la « dématérialisation croissante » de la gestion fiscale (prélèvement à la source, avance immédiate de crédit d'impôt, etc.) : ainsi la généralisation des « virements automatiques » a entraîné « une augmentation corrélative des tentatives de fraude lors des déclarations, , dans l'espoir d'obtenir des restitutions indues ou de détourner une partie des sommes ».

En clair, surestimer volontairement des dépenses ouvrant droit à crédit d'impôt - ce qui est une fraude fiscale - vise à obtenir un remboursement du fisc à la fin juillet ou au début août.

Impôt sur le revenu : toutes les dates clés en 2025

« Environ 46 000 déclarations ont été corrigées avant leur prise en charge en 2024, représentant un enjeu financier global de 151 millions d'euros, dont 17 millions corrigés en faveur des usagers »

« Fin 2023, une cellule nationale dédiée à la lutte contre la fraude déclarative des particuliers a été créée au sein du service de la gestion fiscale », détaille Clément Carrue. « Grâce aux actions coordonnées de cette cellule et des services locaux, environ 46 000 déclarations ont été corrigées avant leur prise en charge en 2024, représentant un enjeu financier global de 151 millions d'euros, dont 17 millions corrigés en faveur des usagers », poursuit ce porte-parole de la DGFiP, soulignant ainsi que cette action « permet non seulement de limiter la fraude, mais aussi de corriger et de prévenir les erreurs commises de bonne foi par les usagers ».

Résultat : « une progression de 5 000 déclarations corrigées par rapport à 2023, soit une hausse de 12%. »

Fraude détectée = 10% de majoration d'impôt !

La nouvelle « procédure flash », qui sera ainsi déployée dès la déclaration 2025 portant sur les revenus 2024, ouverte à compter du jeudi 10 avril, va permettre d'aller encore plus loin que le flot de corrections de l'an passé : cette fois, sans attendre une correction de la déclaration, la DGFiP pourra éluder ce qu'elle considère comme frauduleux (« en présence d'indices de nature à faire naître un doute sérieux », précise la DGFiP) dans la déclaration. L'avis d'impôt, et surtout la restitution d'impôt du milieu d'été, ne tiendront pas compte de ces montants suspects.

Clément Carrue en profite pour mettre en garde tout contribuable tenté par une déclaration faussée : « En cas de détection d'une fraude manifeste dans les déclarations de revenus, les services pourront appliquer la majoration de 10% prévue à l'article 1758 A du Code général des impôts. En effet, cet article prévoit que les inexactitudes relevées dans les déclarations qui doivent être déposées en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu qui ont pour effet de majorer une créance au profit du contribuable, donnent lieu au versement d'une majoration égale à 10% de la créance indue. » Les fraudeurs sont prévenus...