C'est soit trop, soit pas assez. Quand elles sont médiatisées, les revalorisations annuelles des retraites crispent, clivent, divisent... et ne laissent clairement pas indifférent. L'exemple le plus flagrant est la bataille qui s'est nouée à l'occasion du budget 2025 de la Sécurité sociale, avec report de 6 mois et sous-indexation à 1,8%, puis hausse différenciée selon le niveau de revenu, puis la revalorisation mathématique et réglementaire, de 2,2% pour le régime général (Assurance retraite), par défaut, faute de loi adoptée au 1er janvier. Mais l'exemple de la hausse de 5,3% en 2024 est toute aussi net : cette augmentation a été jugée trop importante, disproportionnée... alors qu'elle n'était que la conséquence de l'effet de retard de la formule de calcul, avec un certain délai de prise en compte de l'inflation.
« Le retour de l'inflation a ainsi ouvert un débat sur les règles d'indexation des pensions »
Soit pas assez. « Par défaut, les retraites de base sont revalorisées selon l'évolution des prix plutôt que des salaires. Le retour de l'inflation a ainsi ouvert un débat sur les règles d'indexation des pensions », rappelle très justement l'Insee en préambule de son analyse publiée ce mercredi 30 avril sur les revalorisations de retraite. Plus précisément, « les retraites de base sont indexées sur les prix depuis 1987 dans le secteur privé, et depuis 2003 dans la fonction publique ». L'indexation n'est toutefois pas exactement la réplique de l'évolution des prix, avec des formules complexes accusant un temps de retard. Il n'empêche : le grand principe est le suivi de l'inflation.
Faut-il indexer les retraites sur les salaires ?
Serait-ce plus juste d'indexer sur les salaires ? Et serait-ce mieux pour l'économie, se demande aussi l'Insee. Verdict ? Le propos de l'Insee, dans cette analyse, reste très « macro-économique », donc très peu concret et bien plus marqué par des projections budgétaires. En bref : l'évolution resterait assez proche mais indexer pleinement sur les salaires aurait pour conséquence de favoriser les retraités... et serait donc défavorable pour le budget des caisses de retraite. À terme, les pensions atteindraient « 69,3% du salaire moyen des actifs en emploi en 2070 (contre 66,6% en 2023) ».
L'Insee prend alors le modèle d'une indexation telle que l'Agirc-Arrco, la complémentaire du privé : la formule mêle à la fois inflation, évolution des salaires... et équilibre budgétaire (la fameuse « règle d'or » de l'Agirc-Arrco permettant de ne jamais être déficitaire en ayant toujours des réserves couvrant « au moins six mois de versements des pensions »). Pour quel impact concret ? Les projections de l'Insee ne montrent rien de très impressionnant à court terme, beaucoup plus net à l'horizon 2070 en cas de forte croissance... tout en soulignant les immenses modifications qu'impliqueraient un tel changement de mode de calcul.
À long terme, certains modèles de revalorisation impliquent toutefois un plus fort décrochage des retraités ayant un niveau de vie plus bas. Surtout si la croissance est forte. Maintenir une revalorisation indexée uniquement sur les prix est défavorable à long terme pour le niveau de vie des retraités, si la croissance est forte car dans ce cas, les salaires des actifs progressent plus vite. Les auteurs de cette analyse soulignent aussi l'importance de dispositifs tels que le minimum contributif (MiCo) actuel, ré-indexé désormais sur le Smic (à 85%), pour éviter les décrochages de niveau de vie.
Nouvelles projections du COR en juin 2025
L'étude se conclut sur la phrase suivante, soulignant l'immense complexité du sujet : « Tous ces aspects [effets redistributifs et petites retraites, etc.] nécessiteraient des travaux d'expertise supplémentaires. » Le débat est loin d'être clos. Cette étude de l'Insee est publiée quelques semaines après un rapport de la Cour des comptes pointant le manque d'équité et les limites de l'indexation actuelle. Ces travaux visent notamment à alimenter les négociations actuelles des syndicats (de salariés et du patronat) autour d'une éventuelle reprise de la réforme des retraites. Le toujours très attendu rapport annuel du Conseil d'orientation des retraites (COR) sera lui publié en juin.