L'assurance vie est un outil de transmission avantageux. Elle permet de profiter d'une fiscalité assouplie au moment de la succession. Connaissez-vous le principe du démembrement de la clause bénéficiaire ? Cette subtilité peut vous permettre de réduire les droits de successions mais aussi de mieux protéger les bénéficiaires. Explications.

Le titulaire d'un contrat d'assurance vie a l'obligation de désigner un ou plusieurs bénéficiaires à qui le capital sera transmis à son décès. Il s'agit de la clause bénéficiaire qui, rappelons-le, peut être modifiée tout au long de la vie du contrat.

Il est d'ailleurs conseillé de faire le point, de temps en temps, à l'occasion par exemple de la réception de votre relevé annuel. Ainsi, vous pourrez vérifier que les bénéficiaires sont toujours ceux que vous souhaitiez initialement. Il est également possible de répartir les sommes transmises selon votre convenance à vos bénéficiaires.

Mais les subtilités de la clause bénéficiaire ne s'arrêtent pas là car elle peut aussi être démembrée afin de désigner et distinguer le nu propriétaire et l'usufruitier des capitaux transmis.

« Le lien familial n'est pas absolument nécessaire pour appliquer le droit de propriété mais pour autant on le rencontre souvent dans un cadre familial. L'usufruitier peut par exemple être le conjoint et le nu-propriétaire l'enfant, ou l'usufruitier l'enfant et le nu-propriétaire le petit-enfant ou encore l'usufruitier un tiers et le nu-propriétaire un autre tiers ou un enfant », explique Alexandre Boutin, directeur ingénierie patrimoniale chez Primonial.

Assurance vie : les trois pièges de la clause bénéficiaire

Nu propriétaire et usufruitier

Nu propriétaire, usufruitier... Voici deux termes que vous n'entendez sûrement pas souvent de la bouche de votre assureur. Mais vous les connaissez peut-être dans un autre cadre : celui de l'immobilier. Si vous êtes propriétaire d'un bien immobilier, vous pouvez le vendre ou le donner ou encore le louer et donc en percevoir les loyers, soit les fruits. L'article 543 du Code civil distingue le droit de propriété (nue-propriété) et le droit de jouissance (usufruit). Il est donc possible de désigner deux personnes distinctes en qualité de nu propriétaire et d'usufruitier.

Vous me direz alors, quel rapport avec la clause bénéficiaire d'une assurance vie ? Le démembrement de la clause bénéficiaire c'est exactement la même chose : cela revient à diviser la propriété du capital et désigner un nu-propriétaire et un usufruitier ou quasi usufruitier. Puisqu'il s'agit de liquidités, on parlera d'ailleurs plus souvent de quasi usufruitier. Contrairement à l'usufruitier, le quasi usufruitier est libre de consommer le bien, soit dans le cas de l'assurance vie, utiliser librement les capitaux.

Prenons un exemple : Mme X détient une assurance vie et désigne son conjoint, M. X, comme quasi usufruitier et sa fille comme nu-propriétaire. Au décès de Mme X, M. X aura donc la possibilité de percevoir et d'utiliser les capitaux transmis. Et c'est seulement au décès de M. X que sa fille percevra alors le capital transmis par Mme X. Et ce, sans taxation supplémentaire.

En effet, la clause bénéficiaire démembrée est un bon moyen de protéger son conjoint qui profitera des liquidités pendant sa vie en tant que quasi-usufruitier. Les bénéficiaires nus-propriétaires bénéficieront d'une créance de restitution au décès de l'usufruitier et récupèreront alors le capital qui leur appartient déjà.

La créance de restitution enregistrée auprès d'un notaire va permettre de protéger le nu-propriétaire. Au décès de l'usufruitier, la somme due est déduite de l'actif successoral et donc permet de limiter les droits de succession.

D'autres cas peuvent justifier l'utilisation d'une clause bénéficiaire démembrée, notamment en cas par exemple d'enfants héritiers issus d'une précédente union. Le conjoint survivant peut alors profiter des liquidités pendant sa vie en tant que quasi usufruitier. Les enfants non-héritiers du conjoint survivant pourront alors récupérer la créance de restitution à son décès. La clause démembrée peut aussi servir à protéger un enfant mineur en confiant la gestion du capital pendant sa minorité à une personne de confiance.

Taux assurance vie : le vrai top 5 des meilleurs rendements 2023

Les avantages fiscaux du démembrement de clause bénéficiaire

Il est d'abord important de rappeler que l'assurance vie en elle-même est déjà un outil de transmission fiscalement avantageux. Pour les primes (les versements) versées avant l'âge de 70 ans sur le contrat par l'assuré, chaque bénéficiaire se voit attribuer un abattement fiscal à hauteur de 152 500 euros. Entre 152 500 euros et 700 000 euros, l'imposition s'élève à 20%. Au-delà de 700 000 euros, la fiscalité appliquée s'élève à 30%.

La fiscalité de l'assurance vie en cas de décès

« Dans le cas d'un démembrement de la clause bénéficiaire de l'assurance vie, l'abattement de 152 500 euros est multiplié en fonction du nombre de couple usufruitier et nu-propriétaire. Si l'assuré a deux enfants qu'il désigne comme nus-propriétaires et qu'il désigne son conjoint comme usufruitier, deux abattements de 152 500 euros seront appliqués : un pour l'usufruitier et le premier nu-propriétaire et le second pour l'usufruitier et le deuxième nu-propriétaire », explique Alexandre Boutin, Directeur ingénierie patrimoniale chez Primonial.

L'abattement est réparti proportionnellement entre le quasi usufruitier et le nu-propriétaire. La répartition se fait en fonction de l'âge de l'usufruitier au moment du décès de l'assuré selon le barème fiscal ci-dessous :

Barème fiscal de l'usufruit et de la nue-propriété
Age de l'usufruitierValeur de l'usufruitValeur de la nue-propriété
Moins de 21 ans90%10%
Entre 21 ans et 30 ans80%20%
Entre 31 ans et 40 ans70%30%
Entre 41 ans et 50 ans60%40%
Entre 51 ans et 60 ans50%50%
Entre 61 ans et 70 ans40%60%
Entre 71 ans et 80 ans30%70%
Entre 81 ans et 90 ans20%80%
Plus de 91 ans10%90%

Reprenons l'exemple de Mme X qui souhaite transmettre la somme de 600 000 euros par le biais d'une clause démembrée avec son conjoint en quasi usufruitier et sa fille en nu-propriétaire.

Par ailleurs, tous les versements ont été effectués avant les 70 ans de Mme X.

Au décès de Mme X, M. X est lui, âgé de 75 ans. La valeur de son usufruit s'élève à 30%, soit 180 000 euros. La valeur de la nue-propriété s'élève quant à elle à 70%, soit 420 000 euros.

M. X étant le conjoint de Mme X, il ne paiera aucun droit de succession. Leur fille, nu-propriétaire, bénéficiera de 70% de l'abattement de 152 500 euros soit 106 750 euros. Elle ne s'acquittera donc d'aucun droit de succession sur ces 106 750 euros. Elle devra en revanche payer 20% de droits de succession sur les 313 250 euros restants, soit 62 650 euros.

La fille de Mme X enregistre une créance de restitution de laquelle les droits de succession auront déjà été déduits. Cette créance de restitution s'élèvera donc à 537 350 euros (et non plus 600 000 euros). Au décès de M. X, leur fille percevra donc 537 350 euros sans taxation supplémentaire.

« Souvent on complète une clause bénéficiaire démembrée avec une clause bénéficiaire en pleine propriété à hauteur du montant de l'abattement restant afin d'optimiser la transmission. Pour ne pas perdre cette part d'abattement », ajoute Alexandre Boutin. En effet, la fille de Mme X n'a utilisé que 70% de l'abattement auquel elle a droit. En ajoutant une transmission par le biais d'une clause en pleine propriété, soit une clause classique d'assurance vie, la fille de Mme X pourra percevoir jusqu'à 45 750 euros sans aucune imposition. Cette transmission en plein propriété peut se faire sur le même contrat d'assurance vie ou sur un contrat différent.

Comparez les meilleures offres d'assurance vie