SCPI : l'offensive sans frais de BoursoBank

INFO MONEYVOX. Ce jeudi 16 mai, BoursoBank démarre la commercialisation de SCPI dans son portail Boursomarkets. Fidèle à son ADN, la banque en ligne a poussé deux assureurs, Swiss Life AM et Sofidy, à imaginer des produits sans frais d'entrée. En exclusivité, Moneyvox vous dévoile les secrets de cette nouvelle offre.

Notre information n'était pas erronée. Au mois de novembre, Moneyvox révélait que BoursoBank (ex Boursorama) souhaitait développer une offre de Sociétés Civiles de Placement Immobilier (SCPI). Jusque-là, la banque en ligne avait délaissé ces produits de pierre-papier permettant d'investir dans l'immobilier professionnel en vue d'obtenir des loyers.

« On était un peu passé à côté, il était temps d'en avoir », admet le directeur général Benoît Grisoni. « Cela manquait dans notre arsenal », confirme Xavier Prin, directeur marketing. Une absence dommageable : ce produit a connu des collectes annuelles record dans la dernière décennie, dépassant régulièrement les 5 milliards d'euros. « Nous savions que certains de nos clients étaient intéressés par ce type d'offres et investissaient en dehors de notre plateforme », regrette Laurent Vedeilhie, responsable épargne.

La concurrence s'est en effet structurée depuis longtemps pour vendre massivement la pierre-papier. « Le pourcentage de ce sous-jacent dans la collecte de l'assurance vie était très important, voire un peu perturbant, s'étonne Benoît Grisoni. L'explication, c'est sans doute la contrainte. » À ses yeux, les obligations d'unités de compte pour accéder aux fonds euros a pu entraîner « un déport naturel vers l'immobilier. » « Au niveau risque, c'est le produit le plus proche du fonds euros dans l'esprit des gens. Tout le monde comprend l'immobilier, un produit de bon père de famille, avec un cycle de 30 ans de hausse... »

Retard gagnant

Il fallait donc corriger le tir. Il y a un peu plus d'un an, alors que l'explosion des taux d'intérêt provoquait un décrochage des prix de l'immobilier (notamment chez nos voisins européens), BoursoBank a identifié un market timing idéal. « Il faut être humble, ce n'est pas du tout fait exprès, reconnaît Benoît Grisoni. Mais la période était globalement intéressante. C'est l'avantage d'être un peu en retard ! »

La chute des prix offre en effet des opportunités à ne pas manquer. « Récemment, des achats se sont situés à des niveaux de rendement de 8 à 10% », estime Laurent Vedeilhie. Pour profiter de cet effet levier, impossible de se contenter de distribuer des SCPI déjà existantes, dont beaucoup sont actuellement en difficulté. BoursoBank a donc impulsé la création de nouveaux produits calibrés pour ces conditions favorables, s'appuyant sur des tactiques porteuses : diversité des secteurs d'activités, périmètre européen...

Objectif 0%

L'acteur du web souhaitait respecter son ADN de « banque la moins chère ». Or depuis 60 ans, le marché des SCPI n'a pas beaucoup bougé : la quasi-totalité des produits impose de lourds frais d'entrée, de l'ordre de 10 à 12%. « Des frais d'un Ancien Monde », glisse un spécialiste maison.

Après avoir consulté pendant de longs mois les acteurs du marché, le directoire a acquis une conviction : « moins de frais, cela favorise la performance ». Il s'est donc fixé un cap : tendre vers une offre à 0% de commission de souscription. Ce n'est pas une première : 4 jeunes SCPI proposent déjà le 0% (Novaxia Neo, Iroko Zen, Remake Live et Upeka d'Axipit).

S'inspirant de leur modèle, la banque a choisi de s'appuyer sur deux acteurs majeurs : Swiss Life AM et Sofidy. « Sofidy est une entreprise reconnue en France, Swiss Life AM est leader européen de l'immobilier, justifie Laurent Vedeilhie. Nous voulions nous associer avec de belles signatures, bénéficiant d'un bel historique, pour apporter une réassurance supplémentaire. » Pour limiter encore les risques, les partenaires ont accepté d'amorcer la collecte avec 10 à 15 millions d'euros de fonds propres. Une trésorerie de départ facilitant de premières acquisitions.

Changement de dogme

Le paradoxe, c'est que ces gestionnaires proposent déjà des SCPI « à frais d'entrée ». Pour travailler avec le pure player financier, il a fallu changer de dogme. Swiss Life AM a très vite joué le jeu en concevant Mistral Sélection, sa première SCPI à 0%. Un choix stratégique, selon Aurélie Fouilleron, directrice commerciale et marketing de l'asset manager. « Nous sommes très bien positionnés sur le marché institutionnel, mais la collecte est limitée sur le grand public. C'est donc une opportunité d'étendre notre position de marché avec la puissance d'une marque très bien installée. Pour nous, c'est un fer de lance pour croître. »

Pour Sofidy, l'enjeu était différent : ses SCPI avec frais ont pignon sur rue auprès des particuliers. Afficher le « sans frais » aurait mis le gestionnaire en porte-à-faux avec ses clients. Une solution a donc été trouvée : créer Sofidynamic, une SCPI aux frais limités (2,4% TTC). Et laisser BoursoBank rembourser cette commission sous forme de cashback.

« Il va falloir expliquer les risques du produit, le positionnement sur le long terme. On ne va pas voir des gens passer du Livret A aux SCPI ! »

Objectifs de TRI élevés

Pour autant, la banque s'est montrée vigilante sur le modèle économique des véhicules. Dans le cas du « sans frais d'entrée », les gestionnaires se rémunèrent uniquement sur les loyers, les acquisitions et ventes... Les deux nouvelles SCPI affichent donc des frais de gestion supérieurs aux véhicules « classiques ». « Nous nous sommes assurés que cela ne dépassait pas une certaine limite, pour ne pas détruire la promesse au global », promet Laurent Vedeilhie.

« Invisibles », ces frais sont ponctionnés avant distribution des loyers, ce qui pourrait limiter le rendement dans un scénario défavorable. Mais l'optimisme règne : les objectifs de taux de rendement annuel (TRI) sont largement au-dessus de la moyenne du marché : 7% pour Sofidynamic et 6,4% pour Mistral Sélection.

En contrepartie, il y a quelques contraintes : 4 mois sans loyer du côté de Swiss Life AM, 5 pour Sofidy. Une pénalité de 6% en cas de sortie avant 6 ans pour Mistral Selection, et 8 ans pour Sofidynamic. Compréhensible, pour des produits visant le long terme.

Immobilier locatif : ces SCPI qui vous versent un revenu dès le premier mois

La surprise, c'est que malgré son investissement dans la création de ces SCPI, BoursoBank n'a pas imposé de distribution exclusive. C'est peut-être un choix tactique : plus la commercialisation sera large, plus la collecte sera importante, et plus les investissements opportunistes seront rapides... De quoi sécuriser une meilleure rentabilité.

Public averti

Faut-il imaginer un succès immédiat ? Malgré des ambitions à long terme, Benoît Grisoni tient à nuancer les choses. « Cela prendra sans doute du temps. La SCPI reste un produit complexe qui n'arrive pas tout de suite dans le parcours client. Cela nécessite d'avoir passé un cap, de rechercher une diversification. » On le voit souvent comme un « fond de portefeuille », représentant 10 à 15% de l'investissement des clients. La raison : sa complexité ! « Cela cible avant tout un public averti, rappelle le directeur général. La mécanique de rendement n'est pas la même, avec un système de loyers trimestriels. La valorisation du prix des parts est un sujet complexe qui fait débat... »

Et si la banque compte plus de 6 millions de clients, seuls 400 000 possèdent une assurance vie, et 850 000 un compte titres. « Il va falloir expliquer les risques du produit, le positionnement sur le long terme. On ne va pas voir des gens passer du Livret A aux SCPI ! », souligne Benoît Grisoni.

La banque compte ainsi développer des modules d'éducation financière : vidéos, explications, webinaires, contacts directs... Il faudra bien cela : la fiscalité des loyers au titre des revenus fonciers, la revente des parts au marché secondaire ou la variation de la valorisation sont des sujets obscurs pour un débutant. Les partenaires seront ainsi mobilisés pour l'accompagnement des clients.

Prochaine étape : Assurance vie et PER

Pour le moment, les produits sont uniquement accessibles en achat direct au sein du portail Boursomarkets, réunissant les actifs sans frais. La mise minimum est modérée : 180 euros pour Mistral Sélection, 300 euros pour Sofidynamic. Le circuit d'achat se veut simplifié au maximum : digitalisation à 100%, signature électronique... « Un client qui le souhaite pourra acquérir des parts en moins d'une minute, test d'aptitude compris ! », certifie Laurent Vedeilhie.

Mais BoursoBank promet une disponibilité en assurance vie et PER d'ici « quelques mois ». « Cela dépendra de nos partenaires assureurs, note le responsable épargne. Ils sont un peu frileux avec l'évolution du contexte de cette classe d'actifs. »

La banque, déjà en retard de quelques années, a préféré ne pas attendre. « Si l'on reste dans l'engrenage des producteurs, assureurs, régulateurs... À la fin, on ne se lance jamais », sourit Benoît Grisoni. C'est ce qui explique des objectifs mesurés les premiers mois. « L'intégration à l'enveloppe de l'assurance vie et l'épargne retraite sera une étape indispensable. Même si l'on a la crédibilité d'une marque connue et deux partenaires de qualité, on ne va pas exploser le marché tout de suite ! »

BoursoBank va proposer également dans son catalogue d'autres SCPI de Swiss Life AM et Sofidy, même si elles comportent les fameux frais. « Nous mettrons plus en avant nos deux offres, qui devraient représenter 80% de la collecte », indique Benoît Grisoni. Mais il ne souhaite pas laisser de côté les clients désirant acquérir des produits spécifiques. « On préfère qu'ils le fassent chez nous qu'ailleurs ! »

Gestion pilotée et packs crédit + SCPI

Une fois l'offre installée, de nouvelles idées seront développées pour attirer la clientèle. Le directeur marketing, Xavier Prin, explique ainsi que les SCPI seront bientôt intégrées à de nouvelles offres de « gestion déléguée multi assets » : des stratégies d'allocations à la diversification très élargie, selon divers profils de risque. La cible : les clients, notamment jeunes, qui n'ont « pas le temps ou la compétence de gérer leur épargne ».

À plus long terme, Benoît Grisoni suggère une autre idée très « différenciante » : des packages « crédits + SCPI » ! « In fine, un crédit remboursé chaque trimestre par les loyers, c'est très intéressant pour un client. C'est l'effet levier, la boule de neige magique ! » Actuellement, les taux d'intérêt ne sont pas assez intéressants pour que ce soit attractif. « Mais si les choses évoluent, nous avons tous les outils pour proposer cette offre, glisse Laurent Vedeilhie. Sauf erreur de notre part, nous n'avons pas identifié de solution équivalente 100% digitale à des prix décents. »

Restera à imaginer comment concilier parcours emprunteur et investisseur, et ajouter dans l'équation l'évolution du rendement, du prix des parts, la fiscalité... Bref, un casse-tête... qui n'est pas pour tout de suite.

Immobilier locatif : acheter des parts de SCPI à crédit, est-ce vraiment une bonne idée ?

Quoi qu'il en soit, BoursoBank frappe un grand coup en devenant la première banque à parier sur les SCPI sans frais. De quoi donner des sueurs froides à tout un marché, habitué au confort des commissions d'acquisition. Car l'arrivée sur la place d'un établissement aux 6 millions de clients, accompagné de deux « majors » de la pierre-papier change la donne. On assiste peut-être aux prémices d'une révolution.