L'essentiel
- En France, deux régimes reposent sur un principe de capitalisation : la complémentaire des fonctionnaires, et celle des pharmaciens.
- Dans les deux cas, la capitalisation ne représente qu'un complément de retraite, s'ajoutant à la pension de base par répartition.
- Le PER est un exemple de capitalisation, facultatif, mais visant de facto les foyers intéressés par l'avantage fiscal, donc aux revenus plutôt confortables.
Un débat sans fin. Et même les Français ne semblent pas en accord avec eux-mêmes à ce sujet... du moins selon la manière dont on leur pose la question. « Parmi les différentes possibilités suivantes pour financer les retraites, lequel de ces régimes seriez-vous prêt à envisager prioritairement ? », demande l'observatoire BPCE dans la 4e édition de son baromètre assurances (1).
Réponse choisie par 42% des personnes interrogées : « Un financement par « capitalisation », en plus de la retraite de base et complémentaire par répartition », autrement dit une sortie de plan épargne retraite devenant obligatoire... Pas plus de 11% des sondés répondent « un financement uniquement par capitalisation », mais la somme de ces deux réponses permet à l'observatoire BPCE de mettre en avant l'idée que « plus d'un Français sur deux (53%) est favorable à l'introduction de la capitalisation pour financer les retraites ».
Le reste des réponses ? 30% ne répondent pas, et 17% choisissent la troisième réponse possible, c'est-à-dire « un financement par répartition avec une augmentation des charges salariales ».
« Un financement par « capitalisation », en plus de la retraite de base et complémentaire par répartition »
Tout autre sondage. Tout autre commanditaire, la CGT cette fois. Mais l'étude a été réalisée exactement au même moment, au début de printemps 2025 (2). L'Ifop explique à la personne interrogée le principe d'une retraite par capitalisation. Puis pose la question suivante : « Personnellement, avez-vous confiance dans les marchés financiers pour assurer, à travers ce type de système de capitalisation, le financement de votre retraite ? »
Seulement 29% ont confiance ou très confiance, pour 58% de personnes expriment leur faible confiance (« plutôt pas confiance ») ou leur défiance. Et 13% ne répondent pas.
Les Français sont-ils donc favorables à l'idée d'une part de capitalisation dans leur retraite ? Ces deux sondages livrent des réponses contraires. En cela, ils ne font que confirmer deux choses : ce débat est loin d'être tranché d'une part, et la notion de « retraite par capitalisation » est probablement mal comprise d'autre part. Petit exercice de pédagogie.
1 - Qu'entend-on par « retraite par capitalisation » ?
Mettre de l'argent de côté pour ses vieux jours. Voici le grand principe de la capitalisation, qui ressemble trait pour trait à l'idée de l'épargne retraite individuelle.
Si l'on parle de régime de retraite par capitalisation, une définition plus précise passe par l'opposition au système par répartition. La différence fondamentale entre les deux principes repose sur le financement.
Régime financé par répartition : « les cotisations assises sur les revenus du travail une année donnée financent les pensions des retraités de cette même année. L'assuré/actif cotise pour les retraités actuels ; il accepte cet effort parce qu'il attend des générations futures d'actifs qu'elles acceptent de consentir à un effort semblable lorsqu'il aura lui-même atteint l'âge de la retraite », explique le Conseil d'orientation des retraites (COR) dans un récent rapport. C'est le principe de solidarité intergénérationnel.
Régime financé en capitalisation : « les cotisations sont placées (collectivement ou individuellement) dans des actifs, le plus souvent financiers, gérés par des organismes d'assurance ou des organismes dédiés appelés fonds de pension », explique le COR. « Avec le rendement des placements, elles forment un capital, versé à l'affilié à son départ à la retraite, soit de manière forfaitaire, soit sous la forme de flux de rente. »
2 - Quels sont les rares régimes de retraite par capitalisation en France ?
Qui en profite ? En France, deux régimes reposent sur ce principe : la complémentaire des fonctionnaires, le RAFP (régime de la retraite additionnelle de la fonction publique) ; et la Caisse d'assurance vieillesse des pharmaciens (CAVP). Dans les deux cas, la capitalisation vient en complément d'une retraite de base et, dans le cas des pharmaciens libéraux, il s'agit même d'une troisième couche avec la pension de base et une complémentaire par répartition.
Ça fonctionne ? Le RAFP a provisionné 35,4 milliards d'euros selon le rapport du COR publié en juin 2025, pour une valorisation de 47,8 milliards d'euros. D'une échelle plus restreinte, la CAVP peut compter sur 7,4 milliards d'euros d'actifs. « Le versement des pensions est assuré par les revenus financiers du régime », explique dans Capital Régis Pélissier, le directeur de l'Établissement de la RAFP, organisme gérant ce régime lancé en 2005.
Après 20 ans d'existence, grâce aux bonnes performances financières récentes, la pension additionnelle a été bonifiée de 4% en 2025, 6,8% en 2024 et de 5,7% en 2023. L'an passé, les 655 000 bénéficiaires du RAFP ont touché en moyenne 484 euros de rente annuelle. Ou 4 239 euros en une fois, au départ à la retraite, en capital : si vous n'atteignez en effet pas un certain nombre de points, la retraite additionnelle vous est versée en une fois au lieu de la prime annuelle.
Malgré la montée en puissance du régime depuis 20 ans, ces montants restent évidemment encore faibles par rapport à la pension mensuelle des ex-fonctionnaires.
3 - Et le PER, c'est de la capitalisation ?
Oui. Du moins au sens strict de la définition. La différence fondamentale est que le Plan d'épargne retraite individuel est comme son nom l'indique un placement dépendant d'un choix personnel, facultatif. L'incitation à verser sur un PER repose en outre sur un avantage fiscal, la déduction des versements. En cela, le PER individuel vise de fait une population aux revenus plutôt confortables, du moins la part de la population (43%) qui paie l'impôt sur le revenu.
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En revanche, il existe dans certaines entreprises des dispositifs d'épargne retraite plus contraignants. Déjà, le PER d'entreprise collectif, ou Pereco, est certes là encore facultatif mais plus incitatif. En recevant leur intéressement ou participation, notamment, les salariés choisissent ou non de placer leur argent sur ce produit, ou sur un Plan d'épargne entreprise (PEE à horizon plus court, où l'épargne n'est bloquée que 5 ans). S'ils « prennent directement le cash », ils risquent un surplus d'impôt sur le revenu.
Enfin, l'ex « article 83 », transformé le plus souvent en PER entreprise obligatoire, existe dans certaines grandes entreprises. Il s'agit alors d'un plan d'épargne obligatoire : les salariés versent sur ce contrat de retraite collectif des cotisations définies, et ce contrat se transforme en rente viagère à la retraite.
Retraite : quelle rente votre PER vous rapportera à 65 ans ?
(1) Interviews effectuées en ligne du 27 février au 4 mars 2025 auprès d'un échantillon de 2 000 personnes, représentatif de la population âgée de 18 ans et plus, résidant en France métropolitaine. Représentativité assurée par la méthode des quotas appliquée aux critères suivants : sexe, âge, profession, région et catégorie d'agglomération.
(2) L'enquête a été menée auprès d'un échantillon de 2 023 personnes, représentatif de la population résidant en France métropolitaire âgée de 18 ans et plus. La représentativité de l'échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle de la personne interrogée) après stratification par région et taille d'unité urbaine. Les interviews ont été réalisées par questionnaire auto-administré en ligne du 2 au 4 avril 2025.