L'essentiel

  • Les rendements des contrats d'assurances vie de grands noms comme Euro Allocation Long Terme, NeoEuro Garanti et Suravenir Opportunités ont décliné, en raison de mauvaises décisions d'investissement et de l'afflux de capitaux.
  • En réaction à cette situation, il y a eu une augmentation des demandes de fermeture de ces contrats d'assurance vie, tandis que d'autres fonds, plus conventionnels et moins risqués, sont devenus plus populaires.
  • Avant de liquider ou de transférer un contrat d'assurance vie, il est conseillé de prendre en compte plusieurs facteurs, comme l'âge du détenteur ou du contrat, les frais potentiels et les implications fiscales.

Chute de popularité pour les anciennes stars. Depuis cinq ans, le classement des rendements des contrats d'assurances vie a totalement changé. De grands noms comme Euro Allocation Long Terme, NeoEuro Garanti ou encore Suravenir Opportunités ne font désormais même plus partie du top 10 des meilleurs taux !

Que leur arrive-t-il ? Ils sont victimes de ce qui faisait leur succès. Pour améliorer la performance, les gestionnaires ont fait le pari de la diversification. Des poches d'immobilier, d'actions... Venues s'ajouter au stock d'obligations d'État... Un pari longtemps gagnant : vers la fin des années 2010, ils étaient parmi les rares à approcher encore des 3%. De quoi séduire massivement les épargnants.

Sauf que du fait de leur nouveauté, leur encours n'était pas immense. L'afflux de capitaux a eu un effet pervers : les gestionnaires ont été contraints de placer cet argent dans un marché dégradé : titres à faibles rendements, parts de fonds immobiliers tombés dans la crise, produits boursiers incertains... De quoi grever progressivement le résultat annuel. C'est alors le cercle vicieux : un taux bas éloigne la collecte, qui limite la capacité d'investir dans des produits plus rémunérateurs. Pour certains « glorieux anciens », la chute est vertigineuse !

Les demandes de fermeture se multiplient

Entre-temps, la concurrence s'est réinventée. Et notamment deux acteurs : des fonds mutualistes « offensifs », ainsi qu'une nouvelle « nouvelle génération » d'actifs prometteurs. Les investisseurs s'orientant au fil des taux, ces contrats bénéficient à leur tour de versements importants.

« On est dans une période de très forte collecte, avec des cotisations record », annonce Philippe Crevel, économiste et directeur du Cercle de l'Épargne, think tank spécialiste des sujets financiers. Et à ce petit jeu, « les traditionnels reprennent le lead sur le marché ». Il utilise le mot « traditionnel », car ces fonds reviennent aux fondamentaux, avec une exposition forte aux obligations, notamment souveraines (d'État...).

Forcément, pour les anciens épargnants, il y a de quoi faire la grimace. « Les Français sont dubitatifs au sujet des rendements, analyse Philippe Crevel. « Une moitié a l'impression de se faire avoir, l'autre pense que cela dépend de la nature du produit ! » Il faut dire qu'à l'époque, conseillers en gestion de patrimoine, courtiers en ligne et assureurs ne juraient que par les fonds dynamiques.

D'ailleurs, les discours n'évoquaient que très peu, sinon jamais, le risque de retournement. « Pour un public âgé, ces placements étaient vus comme un complément de revenus, sous forme de rendement régulier », indique l'expert du Cercle de l'Épargne. Parfois un peu trop « garantis » par les revendeurs, les 4 à 6% annuels devaient permettre d'améliorer sa retraite...

« Aujourd'hui, tout ceci a disparu. Les performances sont en baisse. Les unités de comptes, notamment immobilières, qui complétaient souvent les contrats, sont en moins-values. » De quoi générer un « fort mouvement de déception » qui a poussé à l'action : selon nos informations, les assureurs concernés constatent un élan de demandes de fermetures !

Changer pour gagner plus

Se précipiter n'est jamais une bonne idée. S'il est normal de désirer une offre plus généreuse, liquider son assurance-vie mérite réflexion, selon son profil et sa situation. Yves Conan, directeur général du courtier en ligne Linxea, mentionne ainsi deux cas où la clôture semble pertinente : si le contrat est très jeune... ou très âgé !

Lorsque la souscription date de moins de quatre ans, l'imposition sur les plus-values est certes maximale (flat tax de 30%). Mais le plus souvent, un investissement récent aura des gains limités, et ne génèrera pas de taxation massive. « Quitte à payer un peu de fiscalité, cela permet de recycler ses fonds pour investir dans un fonds euros plus intéressant », estime Yves Conon.

Il mentionne cas diamétralement opposé : les contrats de plus de huit ans. Cela concerne beaucoup de clients des fonds « dynamiques » commercialisés il y a 10 ou 15 ans... Dans ce cas, l'épargnant bénéficie d'un abattement fiscal annuel à hauteur de 4 600 euros de plus-values. « On peut alors effectuer des rachats progressifs pour vider son assurance vie », reprend Yves Conan. La bonne idée : une sortie par paliers, restant sous le plafond de l'abattement. Jusqu'à la fermeture ?

Philippe Crevel n'y est pas forcément favorable, pour ne pas perdre les avantages fiscaux. Malgré tout, il entend que la réflexion soit légitime. « Un ancien fonds qui livre moins de 1,5%, c'est un delta de 2 ou 3 points avec les meilleurs. Ce n'est pas la même chose ! »

« Quand un fonds est vraiment planté, il va mettre beaucoup de temps à se relever »

Quand se décider ?

Mais à quel moment envoyer le formulaire de rachat ? « Quand les années difficiles se multiplient », juge un gestionnaire de fonds. Il préfère garder l'anonymat, car il ne mâche pas ses mots. « Quand un fonds est vraiment planté, il va mettre beaucoup de temps à se relever. L'assureur ne collectant plus ou peu, on n'aura pas les moyens d'appuyer sur l'accélérateur. » Il évoque par exemple les « vieux » fonds à coussin, « dont le booster ne suffit plus ». Ou les actifs basés sur l'immobilier, « car les perspectives ne sont vraiment pas bonnes ». Dans ces cas, « il est temps de comparer et de changer ! 1 ou 1,15%, il y a mieux à faire ! »

Néanmoins, se baser sur un résultat à court terme est un calcul risqué, selon Gilles Belloir, directeur général du courtier en ligne Placement-Direct. « Il n'est pas souhaitable de se décider à partir après une année décevante. Mieux vaut attendre une tendance sur plusieurs années. Si le rendement reste à la cave, on peut alors viser un fonds plus rémunérateur. »

Le réinvestissement dans un autre fonds sera surtout adapté aux profils « les plus sécuritaires », qui sont prêts à prendre le temps d'étaler les rachats pour bénéficier de l'exonération de 4 600 euros.

Quoiqu'il en soit, un cas ne fait pas débat pour Philippe Crevel : les fonds en « run-off », fermés à la commercialisation. Ne collectant plus, même dans cette période propice, ils n'auront plus la possibilité de se remettre. Or... c'est le cas de beaucoup des stars des années 2010...

« Le risque est également qu'ils ne soient plus prioritaires dans la gestion d'actifs par les compagnies d'assurance. » Il signale ainsi « une pratique ancienne » et récurrente : « dégrader progressivement l'ancienne offre » pour pousser à basculer vers une nouvelle... Et pour accélérer le mouvement, les gestionnaires commencent souvent par le point sensible : les performances...

Ne pas changer pour protéger ses avantages

Il faut d'autant moins foncer dans deux situations : l'âge du détenteur et du contrat.

Quand on a plus de 70 ans, il est urgent de ne rien faire ! Gilles Belloir rappelle que l'assurance vie est aussi « un outil de transmission de patrimoine ». Et offre un avantage majeur : « pour tous les versements effectués avant son 70e anniversaire, un abattement fiscal de 152 500 euros par bénéficiaire est prévu en cas de succession ».

Si l'on réinvestit par la suite, tout change : l'abattement ne sera plus que de 30 500 euros, tous bénéficiaires confondus ! Et attention : quand on ferme son contrat pour en ouvrir un autre, c'est considéré comme un réinvestissement de fonds. Tout changement de contrat peut donc faire perdre l'exonération successorale. Moralité : on ne touche donc plus à rien ! Et tant pis si son fonds ne rapporte plus grand-chose...

Et quand son contrat a 5 ou 6 ans et de belles plus-values, la patience est de mise. « Autant attendre les 8 ans, suggère Gilles Belloir. Et ne plus rien verser dessus : on peut suspendre les versements programmés et les faire basculer sur un nouveau contrat. »

Enfin, le directeur général de Linxea Yves Conan signale que dans certains cas, des jours meilleurs sont possibles. « On peut comprendre que l'on puisse être un peu déçu d'un actif dont le rendement n'est plus forcément en tête de liste. Mais s'il y a un potentiel de recollecte, par exemple avec une offre boost, et que le fonds n'est pas trop gros, il peut retrouver de la performance. »

« Attention à donner de coup de barre brutal. En misant tout d'un coup, on peut se tromper dans l'allocation. »

Vers quoi changer ?

Votre profil est adapté, et vous avez pris la décision de réarbitrer vos économies ? Mieux vaut éviter des déceptions d'ici quelques années, qui vous pousseraient à basculer à nouveau, effaçant encore et encore les avantages fiscaux !

Que cibler pour ne pas se tromper ? Déjà, Cyrille Chartier-Kastler, fondateur du site Good Value for Money, est clair : on ne fonce pas sur les unités de compte ! « Attention à donner de coup de barre brutal. En misant tout d'un coup, on peut se tromper dans l'allocation. » Notamment en cette période de marché illisible.

Les amateurs de sécurité préfèreront évidemment retrouver un nouveau fonds en euros. Et pour Yves Conan, il est temps de revenir à la simplicité. « Je pense qu'aujourd'hui, on peut privilégier les fonds euros purs. Des produits classiques, et non plus thématiques. » Avec un encours solide, « mais pas trop important », qui offre un équilibre entre résilience et capacité d'adaptation. Et pour viser de la performance, il mentionne notamment des fonds « à potentiel », dont le rendement, déjà correct, a un « un potentiel d'accélération grâce à la collecte ». Comme par exemple « Suravenir Opportunités et Netissima », selon lui.

Plusieurs fonds web offrent d'ailleurs des boosters de 1 à 2%, qui permettront probablement d'approcher ou dépasser 4% jusqu'à fin 2026. Ces bonus constituent donc un joli cadeau de bienvenue lors de l'ouverture de contrat. « Cela permet de patienter, le temps que la relution se fasse », glisse le directeur général du courtier en ligne.

Pas vraiment convaincu par les boosts, Cyrille Chartier-Kastler y voit surtout des « sirènes marketing », qui ne « concernent que les versements de l'année, et son calculés au prorata ». De son côté, il préfère les fonds euros qui « délivrent de manière durable des rendements satisfaisants. Notamment les mutuelles du type Mif, Carac, La France Mutualiste, Garance... Leurs actifs sont très bien gérés. C'est plus sécurisant pour le client. »

Une autre option, c'est de viser l'un des nouveaux fonds du marché. Euro +, assuré par Swiss Life et distribué par Placement-Direct, semble ainsi positionné avec 3,6% pour sa première année complète. Euro Nouvelle Génération (Spirica) a pris la bonne direction en offrant 3,13% depuis deux ans. Objectif Climat, du même assureur, débute sur une année 2024 partielle à 3,31%.

Est-ce la solution miracle ? Yves Conan reconnaît les « super performances » des nouveaux venus, mais demande à voir la suite. « Il faudra être vigilant sur la collecte et les investissements. » Pour éviter que l'histoire se répète. « Un gestionnaire doit être capable de piloter les versements pour éviter de dégrader la performance. Cela peut passer par des conditions en unités de compte, des fermetures temporaires. »

Attention aux frais

Pour changer de manière douce, on peut être tenté par le transfert « Pacte ». « Dans un monde parfait, la Loi Pacte permet d'aller vers un contrat plus intéressant au sein du même assureur », précise Gilles Belloir.

L'intérêt peut être multiple : trouver un fonds euros plus performant, réduire les conditions de frais... Le tout, sans perdre les avantages fiscaux ! » Mais le monde des assurances n'est pas parfait. « Je serais curieux de savoir si Swiss accepte la transférabilité vers le nouveau contrat Euro +, glisse Cyrille Chartier-Kastler. Je ne suis pas sûr que cela fonctionne... » Philippe Crevel en sourit. « J'ai essayé un transfert « Loi Pacte », je n'ai pas réussi ! » Pourtant, la loi interdit aux assureurs de refuser. « Mais dans la pratique, ils le font très souvent ! »

« Les performances passées ne préjugent pas des performances futures »

Pour orienter sa recherche, Gilles Belloir ajoute un point de vigilance : les éventuels frais sur versement, qui « demanderont du temps pour être amortis »... Son discours est clair : « Mieux vaut un contrat sans frais ! » Ou a minima, tenter de le négocier. Philippe Crevel certifie que c'est possible, selon son investissement. « Si l'on a un petit bas de laine, on est en position de force face à un assureur. Ce n'est pas pareil d'arriver avec 1 000 ou 100 000 euros ! » Car en cette période de taux élevés, les gestionnaires sont en « chasse de rendement ». Il sera plus facile d'obtenir « de meilleures conditions ».

Vous avez trouvé votre bonheur ? Vous êtes prêt à plaquer votre assureur ? Gilles Belloir a un dernier conseil. « Ne pas oublier que pour les fonds euros, on ne connaît le taux qu'à l'issue de l'année. » Même si certaines offres boost mentionnent des performances totales potentielles, rien n'est contractuel. Autant attendre quelques années de tendance positive avant de signer.

En n'oubliant pas une certitude : les stars d'un jour seront forcément remplacées. « Sur une courte période, on peut battre le marché, tranche Philippe Crevel. Sur le long terme, c'est quand même très très rare. » Les documents d'information le disent bien : « les performances passées ne préjugent pas des performances futures ».

Les meilleures assurances vie à frais réduits