Le relèvement automatique au 1er octobre n'aura que temporairement calmé les ardeurs autour du taux de l'usure, qui fixe le seuil maximum auquel les banques ont le droit de prêter. Cette fois, c'est le ministre du Logement qui se met à la table des négociations avec la Banque de France.

« La revalorisation du taux d'usure intervenue à compter du 1er octobre a certes permis un accroissement des taux des crédits immobiliers : mais la nouvelle phase de relèvement des taux de la Banque centrale européenne a pesé sur les marges des banques » : ce constat, c'est l'observatoire Crédit Logement-CSA, la référence du secteur, qui le dresse dans son analyse du mois d'octobre pour les prêts immobiliers. Selon cet observatoire, dont les moyennes portent sur les dossiers ficelés dans les banques lors du mois écoulé (1), le taux moyen pour un prêt sur 25 ans est de 2,17%, en sachant que les deux tiers des crédits sont accordés sur des durées supérieures à 20 ans et donc proches de 25 ans, la durée maximale. Or, le taux d'usure pour cette durée de prêt est de 3,05%, en sachant que le taux d'usure est lui un taux « tout compris » qui intègre en sus l'assurance emprunteur ou encore la garantie.

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Malgré la nette hausse automatique du 1er octobre, « relèvement bien proportionné » selon le gouverneur de la Banque de France, la marge de manœuvre est mince et, comme l'explique l'observatoire Crédit Logement-CSA, cela se fait au détriment d'emprunteurs modestes mis à l'écart de l'accès au prêt immobilier. Extraits de l'analyse de l'observatoire : « Les revenus des emprunteurs s'élèvent plus rapidement que par le passé (...) La contraction de l'offre bancaire a affectée une clientèle plus modeste (...) Cette évolution illustre les difficultés de réalisation des projets immobiliers nourris par de très nombreux ménages, ceux dont l'apport personnel est désormais jugé insuffisant. »

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Olivier Klein veut « échanger régulièrement » avec la Banque de France

Depuis plusieurs semaines voire mois, les courtiers en crédit sont en première ligne sur ce dossier, pour réclamer un assouplissement du taux de l'usure. Petit à petit, ils semblent trouver des relais au plus haut niveau. Le ministre du Logement Olivier Klein a ainsi glissé fin octobre sur BFM Business : « Il faut voir si le mode de calcul du taux d'usure tous les trimestres n'est pas trop long, voir si on peut être plus en phase avec le quotidien et la réalité. » Une révision tous les mois ? Il annonçait à l'occasion une rencontre à venir avec François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France. Rencontre qui s'est tenue cette semaine.

« Nous sommes vigilants à la question de l'accès au crédit immobilier »

Quelle a été l'issue de la discussion ? Mystère... Le ministre a uniquement livré ce commentaire laconique au Figaro : « Nous sommes vigilants à la question de l'accès au crédit immobilier notamment pour les primo-accédants. » Il assure qu'il va « échanger régulièrement dans les prochains mois » avec François Villeroy de Galhau.

Mais qui a réellement la main sur le taux de l'usure ? Le rôle de la Banque de France est évident, puisque c'est elle qui livre les taux mis à jour chaque trimestre. Mais du côté de la Banque de France, le gouverneur répète que l'institution ne fait qu'« appliquer les règles existantes ». Pour les changer, la Banque de France renvoie la balle à Bercy et aux parlementaires... Mi-septembre, le ministère de l'Economie reconnaissait des discussions poussées avec la Banque de France au sujet du taux de l'usure, avec un possible « schéma » d'action communiqué courant octobre. Les tractations sont probablement toujours en cours...

Seule certitude : si les règles n'évoluent pas d'ici la fin de l'année, la prochaine hausse du seuil de l'usure interviendra automatiquement au 1er janvier 2023. Comme celui du 1er octobre, le relèvement sera nécessairement significatif.

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(1) Les statistiques de Crédit Logement-CSA reposent sur le flux de prêts ayant obtenu une garantie auprès de l'organisme Crédit Logement (co-détenu par les grandes banques françaises), ce qui signifie que ces dossiers ont été initiés par les emprunteurs voici déjà plusieurs semaines. Et que les fonds seront débloqués dans 1, 2 ou 3 mois selon les cas.