Les deux forces politiques arrivées en tête du 1er tour des élections législatives, le Rassemblement national et le Nouveau Front Populaire, promettent un retour d'un impôt sur la fortune en cas de victoire. Leurs projets, toutefois, divergent sur de nombreux points.

C'est une thématique qui a fait son retour, dans le monde entier, avec la flambée d'inflation qui a suivi la pandémie de Covid : durcir la fiscalité qui s'applique aux plus riches pour permettre une meilleure redistribution de la richesse créée. De nombreux pays européens (l'Italie, l'Autriche, l'Irlande, etc.) ont, par exemple, mis en place de substantielles taxes sur les superprofits réalisés par les grandes entreprises (celles du secteur de l'énergie en particulier) grâce à la crise.

En France, dans le cadre de la campagne des législatives, la question se pose également d'un retour de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Cette contribution, fléchée sur les ménages très aisés, a disparu en 2017, au moment de l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron, remplacée par un IFI centré sur les uniques biens immobiliers.

En France, les revenus des ménages figurant parmi les 0,1% les plus riches sont ainsi moins taxés, en proportion, que ceux du reste des ménages imposés. C'est notamment pour corriger ce paradoxe que les deux forces arrivées en tête au 1er tour des législatives 2024, le Rassemblement national (33,15% des voix, en comptant les ralliés venus des Républicains) et le Nouveau Front Populaire (27,99%), ont annoncé leur intention de rétablir un impôt fléché sur les plus riches. Leurs projets, toutefois, diffèrent sur plusieurs points.

AU NFP, un ISF élargi

Le retour de l'ISF fait consensus au sein de la coalition de gauche, qui regroupe le Parti Socialiste, Les Ecologistes, le Parti Communiste Français et la France Insoumise. C'est aussi un des piliers de son programme fiscal. Ce n'est cependant pas l'ISF de 2017 que la gauche souhaite rétablir, mais un dispositif renforcé et accompagné d'un volet climatique. Objectif : multiplier par trois les recettes de cet impôt, qui rapportait à l'époque de 4 à 5 milliards d'euros par an.

Pour y parvenir, le NFP compte d'abord agir sur le barème. Celui de l'actuel IFI, hérité de l'ancien ISF, concerne les patrimoines immobiliers dont la valeur nette taxable dépasse 1,3 million d'euros. Les ménages concernés sont alors taxés à partir de 800 000 euros, à un taux progressant de 0,5%, de 800 000 à 1,3 million d'euros, à 1,5% au-delà de 10 millions d'euros.

Pour toucher les plus grandes fortunes, de nouvelles tranches pourraient être créées pour atteindre 3% au-delà de 100 millions d'euros. Le seuil d'entrée dans le dispositif, situé à 1,3 million d'euros, pourrait en revanche être relevé, pour cibler en priorité « les contribuables pour lesquels le système fiscal actuel présente des défaillances », ont expliqué les économistes Julia Cagé et Gabriel Zucma, lors d'un point presse consacré au programme économique et fiscal du NFP.

Concernant l'assiette, la coalition de gauche souhaite l'élargir pour réintégrer le patrimoine financier, mais également y inclure les biens professionnels, sauf pour les dirigeants de PME.

RN : un IFF proche de l'ISF pré-2017

Le Rassemblement national a aussi dans ses cartons, depuis l'élection présidentielle de 2022, un nouvel impôt sur la fortune financière (IFF), que le parti d'extrême-droite a intégré à sa plateforme programmatique pour 2024.

Il est plus proche de l'esprit de l'ISF pré-2017. À commencer par le barème : celui en vigueur pour l'ISF jusqu'en 2017, puis pour l'IFI d'Emmanuel Macron, resterait en place. Pas de nouvelles tranches donc, pour mettre plus à contribution les plus gros patrimoines.

L'assiette, en revanche, serait revue par rapport à l'IFI et se rapprocherait de celle de l'ancien ISF. Le RN affiche notamment son intention d'en exclure la « résidence principale ou unique ». Ce 2e cas de figure concerne les ménages qui détiennent un bien qu'ils n'habitent pas en permanence et qui sont par ailleurs locataires de leur résidence principale. Les biens professionnels seraient également exonérés, comme les parts et actions de TPE, PME et entreprises de taille intermédiaire (ETI), dans la limite de 75% de leur valeur.

Tous les autres actifs seraient en revanche pris en compte : les biens immobiliers destinés à la location, les SCPI, les dépôts bancaires, les biens meubles, les contrats d'assurance vie...