Lier la réforme des retraites avec le "problème majeur" de l'emploi des seniors doit être "au coeur du débat" sur les retraites en France, sinon "il sera difficile d'avancer", ont estimé lundi deux spécialistes des systèmes de retraites au sein de l'OCDE.

A l'heure où les concertations entre les partenaires sociaux et le gouvernement français sur la réforme des retraites viennent de débuter, deux spécialistes des systèmes de retraites au sein de l'OCDE ont estimé qu'il était nécessaire de lier ce débat à l'emploi chez les seniors.

« Si la réforme des retraites en France est si difficile même si tout le monde a en tête les éléments démographiques, c'est qu'on a un problème majeur d'emploi des seniors. Le coeur du débat doit être de lier la réforme des retraites avec l'emploi des seniors, sinon il sera difficile d'avancer », a noté Martine Durand devant l'Association des journalistes de l'information sociale (Ajis).

Et d'évoquer une interrogation souvent citée : « s'il y a une augmentation de l'âge légal de départ en retraite, mais si c'est pour que les gens se retrouvent au chômage, en quoi cela va-t-il améliorer le système de protection sociale ? ».

En France, a souligné cette experte, « les entreprises et les syndicats sont d'accord pour faire partir les seniors parce qu'on considère que le marché du travail et les conditions de travail pour les seniors ne sont pas bonnes et qu'on ne souhaite plus travailler après un certain âge ».

En plus d'« augmenter l'emploi des seniors », la nouvelle réforme des retraites en France doit « assurer l'équilibre financier du système sans avoir d'effet désincitatif sur le marché du travail », a considéré Mme Durand, en ajoutant qu'« une trop forte hausse des cotisations alourdirait le coût du travail ce qui n'est pas jouable à terme pour la compétitivité ».

Dans l'OCDE, « la majorité des pays ont fait plutôt des réformes à petits pas en changeant des paramètres, comme la France qui a déjà changé pas mal son système », a-t-elle observé, en notant que la plupart ont « pratiquement joué sur tous les paramètres, pas seulement sur l'âge et sur la durée de travail, mais aussi sur une hausse des cotisations ou une baisse du taux de remplacement ».

Et « dans beaucoup de cas où la réforme des retraites a été un succès, il y a eu une longue concertation entre tous les partis politiques, comme en Suède », a précisé sa collègue Monika Queisser, notant qu'« en Suède, où la réforme est souvent citée en exemple, il a fallu presque 14 ans pour arriver à des résultats ».

Les systèmes de retraites doivent permettre d'« éviter la pauvreté », d'assurer « l'équité intergénérationnelle et intragénérationnelle » et de « trouver une viabilité financière à long terme », ont jugé ces deux expertes, en notant qu'il est « très difficile d'atteindre tous ces objectifs en même temps ».

Pour Mme Queisser, la France compte « plus de filets de sécurité que d'autres pays » pour éviter la paupérisation des personnes n'ayant pas travaillé assez pour avoir une retraite minimale pour vivre.

Quant à la prise en compte de la pénibilité du travail pour la retraite, elle a jugé « difficile de définir les professions pénibles », d'autant que « la pénibilité n'est plus seulement physique mais aussi liée au stress au travail ».