Tout est parti d'une polémique. Voilà deux ans et demi, au printemps 2022, La Banque Postale a été jetée sur la place publique pour avoir facturé 138 euros à la famille d'un enfant décédé, au titre des frais de traitement d'une succession alors que l'enfant ne possédait, en tout et pour tout, qu'un Livret A.
A l'époque, la filiale du groupe La Poste a pris pour toutes les autres. Car cette pratique tarifaire, parfaitement légale, était généralisée dans les banques françaises. Et elle le reste en 2024. Selon notre relevé des plaquettes tarifaires en vigueur au 1er novembre 2024, l'intégralité des 122 établissements de notre panel facturent ces frais de traitement des successions. Dans le cas de figure que nous avons retenu pour notre étude annuelle, celui d'une succession simple de 15 000 euros (1), le coût moyen s'établit à 194,12 euros. Il est en baisse de 7,7% par rapport au relevé effectué pour la même période l'an passé.
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Plus de détails sur les frais de succession
* Calculs effectués pour la succession d'un défunt majeur rapidement menée à terme (moins d'un an) ; le compte bancaire du bénéficiaire des fonds est domicilié dans un autre établissement que celui du défunt. « - » si calcul impossible : manque de données, structure tarifaire trop complexe...
Une baisse en trompe-l'œil
Comment analyser ce repli ? Correspond-il à une prise de conscience de l'incompréhension, voire la colère, que génère cette ligne de frais parmi les clients ? Sans doute en partie. Mais le mouvement est loin d'être générale. Cette baisse moyenne est le fait d'un unique groupe bancaire. En 2024, les banques régionales du Crédit Mutuel Alliance Fédérale, ainsi que sa filiale, le CIC, ont aligné leur tarification à la baisse, au moins pour les petites et moyennes successions. Le seuil d'exonération a été remonté à 10 000 euros (contre 2 000 euros auparavant). Au-delà de cette somme, ces enseignes facturent 1% du montant de la succession, avec un plafond de perception relevé de 150 à 1 000 euros. Surtout, elles ont supprimé les frais de virement, autrefois facturés 150 euros, ce qui contribue à diviser la facture par deux dans le scénario que nous avons retenu (2).
Le Crédit Mutuel Alliance Fédérale semble ainsi s'être mis par avance en conformité avec la (probable) future réglementation sur le sujet. Après la médiatisation de l'affaire de La Banque Postale en 2022, le ministre de l'Économie de l'époque, Bruno Le Maire, avait demandé aux banques de faire preuve de modération. Sans grand succès : le tarif moyen d'une succession simple de 15 000 euros avait certes baissé de 3,7% en 2022, mais était resté stable en 2023.
Dans ce contexte, la députée socialiste Christine Pirès-Beaune a depuis déposé une proposition de loi, qui prévoit d'interdire la perception de ces frais pour les successions inférieures à 5 909 euros et pour les défunts mineurs, et de les plafonner à 1% du montant de la succession. L'examen de ce texte, passé en première lecture devant les deux chambres, a été interrompu en juin par la dissolution, mais devrait reprendre prochainement.
Héritage : une très bonne nouvelle pour les frais de succession
Traitement bancaire d'une succession, qu'est-ce que ça veut dire ?
Les banques sont rarement explicites sur le travail que nécessite de leur côté le traitement d'une succession (et qui justifie les frais ponctionnés). La Caisse d'Epargne Midi-Pyrénées fait par exemple preuve de pédagogie en détaillant, dans sa dernière brochure en date, les actions rétribuées par ces frais de succession. Voici ce qu'elle écrit : « Le traitement bancaire d'une succession comprend différentes étapes dont quelques exemples ci‑dessous :
- enregistrement du décès et gestion du dossier
- protection, sécurisation et clôture des comptes du défunt
- production de(s) arrêté(s) de compte(s) au jour du décès
- relations avec les tiers gestionnaires de produits (assureurs, gestionnaire de valeurs mobilières, organismes de financement spécialisé...) ;
- correspondance et échanges avec notaire, ayants‑droits...
- réponse aux sollicitations de l'administration fiscale. »
La sensation de l'arbitraire persiste
Le Crédit Mutuel Alliance Fédérale, avec son tarif unifié et globalement en baisse, est une exception. Chez BPCE, autre grand réseau mutualiste, on observe à l'inverse des tendances contradictoires. Quelques banques affichent des baisses (-22% à la Banque Populaire du Sud, à la Banque Dupuy de Parseval, au Crédit Maritime Méditerranée ou à la Banque Marze, notamment), mais également des hausses spectaculaires. La palme revient à la Caisse d'Epargne Midi-Pyrénées, qui augmente de 80% (de 125 à 225 euros) les frais ponctionnés dans le cadre de notre scénario.
Le signal de modération envoyé par les pouvoirs publics n'est pas non plus parvenu jusqu'au Crédit Agricole. Les hausses de prix y ont été nombreuses en 2024. Les plus spectaculaires sont intervenues au Crédit Agricole Loire et Haute-Loire (+26,5% dans notre modèle de calcul), au Crédit Agricole de Martinique (+35,6%) et au Crédit Agricole de Guyane (+47,2%). Trois établissements qui ont en commun de facturer désormais dès le 1er euro (plus de seuil d'exonération) et d'avoir augmenté leur pourcentage de perception, de 0,79% à 1% pour le premier et de 1%... à 3% pour les deux autres. A contre-courant complet, donc, du cadre proposé par la future loi.
De manière générale, la sensation d'une facturation arbitraire et injuste reste dominante. Dans notre scénario, la succession du défunt sera sans frais dans une seule banque (BoursoBank), mais coûtera jusqu'à 450 euros chez Allianz Banque ou dans les Crédits Agricoles Martinique et Guyane !
Crédit Agricole, LCL... Le top 5 des banques où mourir coûte une blinde
Banque | Frais au 1er novembre 2024 |
---|---|
Top 5 des banques les plus chères | |
Allianz Banque | 450 € |
Crédit Agricole Martinique-Guyane | 450 € |
Crédit Agricole Languedoc | 390 € |
Crédit Agricole Guadeloupe | 338 € |
LCL | 310 € |
Top 5 des banques les moins chères | |
BoursoBank | 0 € |
Crédit Agricole Nord Est | 75 € |
Crédit Agricole Ile-de-France | 82,80 € |
Banque de Savoie | 125 € |
Crédit Agricole Charente-Périgord Louvre Banque Privée | 135 € |
Source : plaquettes tarifaires des banques.
Relevé, comparatif et calcul des frais de succession effectué par MoneyVox.
Défunts mineurs : le grand flou demeure
Parmi les demandes des pouvoirs publics à l'égard des banques en 2022 figurait celle de ne plus facturer de frais pour le traitement des successions des clients mineurs. Ont-elles obtempéré ? Difficile à dire. De plus en plus de banques font apparaître dans leur plaquette la mention d'une exonération pour les mineurs. Mais, en 2024, elles sont encore 71 sur 122 à ne pas le faire. Cela ne signifie pas qu'elles facturent les frais pour les défunts mineurs. Mais ce silence leur laisse la possibilité de le faire.
Succession : la « taxe sur le deuil » pour les mineurs décédés encore facturée par des banques
(1) Succession « simple » de 15 000 euros, concernant un défunt majeur, avec plusieurs produits bancaires, réglée en moins d'un an, et dont les fonds sont envoyés dans un autre établissement que celui du défunt. (2) Sept banques seulement continuent à facturer ce virement final : Crédit Agricole Centre Loire, Crédit Agricole Centre Ouest, Crédit Agricole Corse, Crédit Agricole Nord Midi-Pyrénées, Crédit Agricole Pyrénées Gascogne, Crédit Agricole Sud Méditerranée, Monabanq.