Avec la poursuite de l'interminable réflexion autour du nom du prochain Premier ministre, trois dossiers épineux restent en suspens : le sort des réformes des retraites et de l'assurance chômage, et la question délicate de l'emploi des seniors.

Retraites : « la grande interrogation »

Abrogation, suspension, nouvelle réforme ? Un an après son entrée en vigueur, le flou règne sur l'avenir de la très contestée réforme des retraites, qui décale progressivement l'âge légal de départ à 64 ans. Le Nouveau Front populaire (NFP), comme le RN, promettent de revenir à 62 ans, des voix socialistes ou centristes plaident plutôt pour rediscuter des paramètres, les macronistes font des 64 ans une « ligne rouge ».

D'ici fin 2024, « 840 000 personnes » seront déjà parties à la retraite avec les nouvelles règles selon le directeur de la Caisse nationale d'Assurance vieillesse (Cnav), Renaud Villard. Quelque 685 000 ont déjà bénéficié en 2023 d'une majoration de leur « petite pension » - principale « mesure sociale » de la réforme - et 1,1 million d'autres, au dossier plus complexe à recalculer, seront à leur tour revalorisées cet automne.

En cas d'abrogation, qu'adviendra-t-il ? « C'est la grande interrogation » pour de nombreux Français, notamment « les futurs pensionnés » ou « ceux qui ont décalé » leur départ d'un ou deux trimestres, relève Karim El Hachmi, représentant de l'Unsa à la Cnav, qui souligne « les inquiétudes » des salariés de la Caisse s'il fallait reparamétrer le système.

La réforme des retraites, enjeu majeur pour nommer un Premier ministre

« Rien n'est impossible », a assuré cette semaine au Parisien Renaud Villard, à condition que le calendrier ne soit pas « trop brutal ». Plusieurs syndicats, comme FO et son représentant Michel Beaugas, plaident pour « abroger » la mesure phare, mais pas forcément ses contreparties sociales, et trouver de « nouvelles recettes » pour financer le régime. La majorité et la droite appellent, elles, au « sérieux » budgétaire : même avec la réforme, le Conseil d'orientation sur les retraites (COR) prévoit un déficit à 0,4 point de PIB en 2030.

Assurance chômage : « en suspens »

Que va-t-il se passer pour les chômeurs allocataires après le 31 octobre ? La réforme durcissant les conditions d'accès et les règles d'indemnisation a été suspendue au soir du premier tour des législatives, fin juin, et les règles actuelles prolongées à deux reprises. L'ensemble des syndicats avait dénoncé « la réforme la plus inutile, la plus injuste et la plus violente jamais vue ».

Un accord avait été négocié par plusieurs d'entre eux avec le patronat à l'automne 2023, mais sa validation dépendait d'autres discussions entre partenaires sociaux sur l'emploi des seniors, qui ont capoté au printemps. « Si, aujourd'hui, on a toujours en suspens une réforme de l'assurance chômage, c'est bien qu'on veut aller faire les poches des chômeurs pour payer d'autres choses », a estimé mercredi sur Franceinfo la secrétaire générale de la CFDT Marylise Léon.

Assurance chômage : un nouveau décret fixe les règles jusqu'au 31 octobre

« Il faut que l'on applique l'accord signé par les partenaires sociaux l'année dernière », dit-elle. Au Medef on plaide aussi pour revenir à l'accord de 2023, car « on ne va pas renégocier quelque chose sur lequel tout le monde était d'accord ». « On demande à ce qu'on nous redonne la main », et que s'ouvre une nouvelle négociation, affirme de son côté à l'AFP Michel Beaugas (FO).

Emploi des seniors : « inaboutie »

Le président du Medef, Patrick Martin, a proposé, fin août, de reprendre la négociation « inaboutie » sur l'emploi des seniors.

Cette négociation pour un « pacte de la vie au travail », destinée à aider au maintien des seniors dans l'emploi, avait échoué en avril, après plus de trois mois de discussions laborieuses. « Il y a beaucoup de grain à moudre », veut-on croire au Medef sans préciser à ce stade quelles pourraient être les nouvelles propositions de l'organisation patronale, qui veut renégocier dans le cadre d'un « agenda autonome », sans cadrage gouvernemental.

Côté syndical, l'idée de rouvrir ce débat n'est pas accueillie négativement, notamment par la CFDT. Mais, affirme Sandrine Mourey, négociatrice CGT, le patronat a « quand même un peu torpillé la négociation ». « Que proposent-ils de nouveau ? », demande la syndicaliste, notant qu'ils ne veulent pas de « contraintes pour les entreprises ».

Jean-François Foucard (CFE-CGC) ne voit pas « ce qui aurait fondamentalement fait changer » d'avis le Medef : « ils ne veulent que des baisses de droits et récupérer de l'argent », dit-il. « Il faut recommencer sur de nouvelles bases avec bien évidemment un nouvel âge de départ à la retraite qui ne serait pas 64 ans mais 62 », plaide Michel Beaugas (FO). Il veut croire qu'en l'absence de majorité à l'Assemblée nationale, « le contexte a changé », dans un sens moins favorable au patronat qui « depuis sept ans n'avait pas besoin de négocier car avant même de demander on leur donnait ».