Réduire l'indemnisation des fonctionnaires en congé maladie pour redresser les finances publiques : poussée par l'administration et le patronat, l'idée a ressurgi ces derniers jours sans que l'efficacité de la mesure soit pour autant évidente.

« Il peut y avoir des abus sur les arrêts (maladie, NDLR) de courte durée », a estimé mardi sur RTL le président du Medef Patrick Martin. « C'est beaucoup plus vrai dans le secteur public que dans le privé », a-t-il insisté, quelques jours après la publication d'un rapport de l'administration qui appelait justement à durcir l'indemnisation des arrêts maladies des fonctionnaires pour faire des économies.

Selon ces travaux, des inspections générales des Finances (IGF) et des Affaires sociales (Igas), finalisés en juillet mais publiés début septembre seulement par le gouvernement sortant, « l'année 2022 marque un décrochage entre les secteurs public et privé ».

Cette année-là, un agent public s'est absenté en moyenne 14,5 jours pour raison de santé, contre 11,7 jours pour les salariés du secteur privé. Avant la pandémie de Covid-19, les fonctionnaires comme les salariés s'absentaient en moyenne huit jours par an pour raisons de santé.

Missionnées par le camp présidentiel pour trouver des moyens de résorber le déficit public, qui pourrait s'envoler à 5,6% du PIB en 2024 voire 6,2% en 2025 selon Bercy, les inspections suggèrent deux pistes d'économies - que le nouveau Premier ministre Michel Barnier n'a pas encore commentées.

La première consisterait à introduire pour les fonctionnaires en arrêt maladie un 2e ou un 3e jour de carence, comme dans le privé, de façon à ce que la Sécurité sociale ne commence à les indemniser qu'au 4e jour d'arrêt (jusqu'à 289 millions d'euros d'économies attendues). Un premier jour de carence pour les 5,7 millions d'agents publics avait été introduit en 2012, supprimé l'année suivante puis rétabli en 2018.

Deuxième piste avancée par l'administration : réduire l'indemnisation des fonctionnaires absents pour raison de santé à 90% de leur traitement (salaire de base), contre 100% actuellement. De quoi économiser 900 millions d'euros, selon les inspections. Pour FO, deuxième syndicat du secteur public, « ne plus rémunérer les fonctionnaires à plein traitement en arrêt maladie » serait « un scandale et une manipulation ».

« Pas significatif »

« En arrêt maladie, les fonctionnaires perdent déjà leurs primes dès le 1er jour d'arrêt, sachant que celles-ci représentent en moyenne 24,3% de leur rémunération. Donc vouloir baisser de 10% le traitement » équivaudrait à « une perte de plus d'un tiers de leur rémunération », tempête le syndicat dans un communiqué. Solidaires fonction publique (6e syndicat) juge les mesures envisagées « purement comptables ».

La Fédération des services publics CFE-CGC (7e) alerte elle sur les conséquences possibles de ces propositions, si elles étaient mises en œuvre : nouvelle baisse de l'attractivité des emplois publics, accélération des départs de fonctionnaires et réduction de leur pouvoir d'achat. Le syndicat souligne également qu'en cherchant à faire des économies sur les arrêts maladie de courte durée, un futur gouvernement pourrait s'exposer à une hausse des arrêts de longue durée.

Une étude publiée cet été par l'Insee relève que la réintroduction en 2018 d'un jour de carence pour les fonctionnaires a nettement réduit les absences de courte durée mais que son impact sur les arrêts longs est plus incertain.

Selon l'Institut national de la statistique et des études économiques, qui s'est concentré sur l'impact de la mesure dans l'Education nationale, le retour du jour de carence a fait baisser de 44% les arrêts maladie d´une journée, de 26% « les épisodes de deux jours, de 25% les épisodes de trois jours, de 12% (ceux) de 4 à 7 jours et de 4% » les arrêts de 8 à 14 jours.

Les arrêts de 15 jours à trois mois ont faiblement reculé (-1%), tandis que pour les arrêts de plus de trois mois, l'effet de la mesure « n´est pas significatif » statistiquement. L'Insee relève aussi que « l´augmentation des jours travaillés à la suite de l'application du jour de carence ne traduit pas nécessairement une réduction des absences qui seraient injustifiées ».

« En effet, l'introduction du jour de carence peut encourager les personnes malades à travailler », concluent les statisticiens nationaux.