Le projet de budget pour 2025 tourne à l'épreuve de force : des responsables de la commission des Finances de l'Assemblée nationale se rendent à Matignon mardi pour y réclamer des documents clés qui tardent à leur être transmis, dans un calendrier de plus en plus serré.

Le président LFI de la Commission des Finances, Eric Coquerel, a annoncé à l'AFP qu'il se rendrait à Matignon à 12H30 (10H30 GMT) avec le rapporteur général de cette commission, Charles de Courson (Liot), pour obtenir les lettres-plafonds, qui fixent les crédits des ministères pour l'année prochaine.

Ralentie par les élections législatives anticipées puis la nomination d'un nouveau Premier ministre sur le tard début septembre, la préparation du prochain budget revêt un enjeu d'autant plus important cette année que les finances publiques de la France sont exsangues, reléguant le pays parmi les mauvais élèves européens.

Dans un courrier adressé « très tard » lundi soir à M. Coquerel, le nouveau Premier ministre Michel Barnier a expliqué que le budget serait « construit sur la base des lettres-plafonds », arrêtées par le gouvernement sortant et communiquées aux ministères le 20 août, a expliqué le député.

Attelé à constitution d'un gouvernement, Michel Barnier y promet de lui communiquer pour la fin de la semaine « une version provisoire » du « tiré à part », rapport récapitulant le montant des crédits par mission et les orientations générales du budget, élaboré sur base de ces lettres-plafonds et dont la transmission était prévue avant le 15 juillet en vertu des dispositions de la loi organique.

« Deux mois de retard »

C'est trop tard, a tranché M. Coquerel, alors que l´horloge tourne pour déposer au Parlement le projet de loi de finances (PLF). Michel Barnier, qui doit détailler sa feuille de route dans une déclaration de politique générale « début octobre », envisage de présenter le texte volumineux devant l'Assemblée nationale le 9 octobre, au lieu du 1er, comme le recommande pourtant la loi organique.

« Je considère donc que mon devoir n'est pas d'attendre une semaine de plus pour obtenir un document sur la base de travail du budget envoyée dans les ministères depuis près d'un mois ! J'irai donc (...) à Matignon pour les obtenir », a lancé le député de Seine-Saint-Denis.

« Nous avons déjà deux mois de retard » sur le calendrier prévu par la loi organique, « on nous promet un retard de huit jours pour déposer le budget, ce avec quoi je ne suis pas d'accord », a-t-il prévenu.

Le Parlement doit disposer ensuite de 70 jours pour se prononcer et le Conseil constitutionnel de cinq jours pour étudier les probables recours, avant publication d'ici au 31 décembre. Avant l'étape parlementaire, le projet de budget doit être présenté en conseil des ministres et, au préalable, impérativement passer sous les fourches caudines du Haut Conseil des Finances publiques et du Conseil d'Etat.

D'après une source au sein de l'exécutif, Matignon conserverait les crédits qui ont été fixés par le gouvernement sortant, soit 492 milliards d'euros et une dizaine de milliards d'économies, ce montant n'étant pas indexé sur l'inflation.

Début septembre, Éric Coquerel et Charles de Courson, ainsi que leurs homologues au Sénat, avaient obtenu du ministère de l'Économie et des Finances un certain nombre de documents relatifs à la préparation du projet de loi de finances.

Parmi ceux-ci figurait une note du Trésor prévenant d'un risque de dérapage du déficit public par rapport aux prévisions du gouvernement, à 5,6% du PIB en 2024 et à 6,2% en 2025, à politique inchangée.

A la suite d'un premier décrochage du déficit à 5,5% du PIB en 2023, le ministre démissionnaire de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, avait annoncé 25 milliards d'euros d'économies dès 2024, mais seuls 10 milliards ont été concrétisés avant les élections législatives, par des annulations de crédits.

Largement insuffisant, selon la note du Trésor, qui estime à 110 milliards d'euros les économies nécessaires pour atteindre l'objectif du gouvernement sortant de réduire le déficit à 3% du PIB en 2027, une cible considérée comme hors d'atteinte pour la Cour des comptes.

Dans un discours d'au revoir à Bercy jeudi, M. Le Maire avait plaidé pour l'assainissement des comptes publics durablement dans le rouge, assumant toutefois les dizaines de milliards d'euros de soutien dépensés durant les crises.