« Carte monofamille », garde alternée de principe : un rapport sénatorial veut renforcer les droits des parents solos et l'implication des deux parents dans l'éducation de l'enfant après leur séparation.

Après un rapport publié en mars par la délégation aux droits des femmes du Sénat, la piste d'une carte de « famille monoparentale » revient sur la table avec les conclusions d'une mission confiée au sénateur Xavier Iacovelli par l'ancien gouvernement.

Pour l'élu Renaissance des Hauts-de-Seine, les bénéficiaires de cette « carte dématérialisée » pourraient prouver leur statut aux collectivités locales ou entreprises publiques ou privées, susceptibles de leur accorder des prestations : logement, tarif de transport...

En France, une famille sur quatre est monoparentale (soit deux millions de familles et 3,1 millions d'enfants mineurs) et compte à sa tête une femme dans plus de 80% des cas. Selon l'Insee, la pauvreté touche 45% des enfants qui vivent seuls avec leur mère.

Une obtention anticipée pour les plus modestes

La « carte monofamille » serait obtenue par ceux qui cochent la case « parent isolé » sur la déclaration de revenus. Les plus modestes pourraient l'obtenir « de façon anticipée » lorsqu'ils actualisent tous les trois mois les formulaires du revenu de solidarité active ou de l'allocation de soutien familial (ASF).

L'ex-ministre chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, Aurore Bergé, s'était déjà engagée en faveur d'une telle « carte » pour améliorer la « reconnaissance plus spécifique que l'on doit aux familles monoparentales ».

Depuis plusieurs mois, les initiatives parlementaires visant à mieux accompagner les familles monoparentales se multiplient. A l'Assemblée nationale, le député socialiste Philippe Brun a ainsi lancé à l'automne 2023 un groupe transpartisan pour aboutir à une future proposition de loi.

Le sénateur Iacovelli souhaite lui aussi que ses mesures puissent nourrir des textes du camp présidentiel, propositions de loi ou amendements au prochain budget de la sécurité sociale.

« Coparentalité »

L'autre volet de son rapport concerne la « coparentalité ». La « garde alternée » de l'enfant, alternativement chez l'un et l'autre parent, devrait être envisagée « avant toute autre solution », préconise Xavier Iacovelli, qui souhaite inscrire ce principe « dans les textes ».

Une proposition de loi dans ce sens avait été votée au Sénat en décembre 2023. Ce mode de garde ne devrait être écarté qu'en cas d'« accord consensuel des deux parents », d'éloignement géographique ou « de comportements violents avérés » sur le conjoint ou l'enfant.

Actuellement, seuls 21% des pères demandent la garde alternée, qui leur est accordée dans 85% des cas, selon Xavier Iacovelli. Concernant la Contribution à l'entretien et l'éducation des enfants (CEEE), le rapport préconise un « barème unique et opposable », « minimal » : il devrait prendre en compte les revenus du parent, mais aussi les « besoins réels de l'enfant ».

180 euros de pension alimentaire en moyenne

Actuellement, les pensions alimentaires sont fixées selon les revenus du « parent non gardien ». Celui qui a la garde principale de l'enfant, la mère en général, « perd 25% de son pouvoir d'achat en cas de séparation », souligne Xavier Iacovelli.

En France, la pension alimentaire est, en moyenne, de 180 euros par mois. « Lorsque deux parents ont reconnu l'enfant, leur séparation ne doit pas conduire l'un d'entre eux à ne pas assumer l'enfant », estime le sénateur. Ainsi, même les titulaires de minima sociaux pourraient se voir prélever un « montant réduit ».

Actuellement, certains parents sont jugés « hors d'état » de payer ou insolvables et ne contribuent pas à l'entretien de l'enfant. Enfin, alors qu'une famille monoparentale le reste en moyenne 5,7 ans, le sénateur préconise de maintenir l'allocation de soutien familial (195,85 euros par mois et par enfant) pendant quelques mois quand le parent se remet en couple.

Par ailleurs, le complément de libre-choix du mode de garde (CMG, aide à la garde d'enfants) est censé être étendu pour les familles monoparentales jusqu'aux 12 ans de l'enfant (6 ans pour les autres) mi-2025. Alors que cette mesure coûtera aux finances publiques 400 millions d'euros, le sénateur espère que cette extension ne sera pas remise en cause, alors que le gouvernement cherche à faire des économies.