Rarement la France aura été dans une situation budgétaire aussi difficile, interrogeant sur les possibles conséquences d'une perte de confiance dans l'économie française. Tour d'horizon.

Les agences de notation prêtes à dégainer

Le premier rendez-vous à risque aura lieu vendredi avec la décision de Fitch, suivie de celle de Moody's le 25 octobre et S&P Global le 29 novembre, les trois plus grosses agences de notation internationales.

Les projecteurs sont braqués sur Moody's qui note la France un cran au-dessus de ses consœurs et pourrait, selon plusieurs experts interrogés, s'aligner sur elles en abaissant la note, bien qu'elle soit accompagnée d'une perspective « stable » aujourd'hui. « Pour faire une analogie médicale, la France n'a pas de crise cardiaque. Ce qui ne veut pas dire qu'elle est en pleine forme », relève un spécialiste de la dette souveraine interrogé par l'AFP.

Elle est néanmoins déjà sous tension en raison de l'envolée des déficits et une dégradation de sa note risque de peser encore sur les taux auxquels elle emprunte sur les marchés.

Sur les marchés, le calme avant la tempête ?

Quelques signaux inquiètent déjà : le taux d'emprunt français à dix ans est passé devant celui de l'Espagne ces derniers jours, en clair les investisseurs se sont mis à faire davantage confiance à la dette espagnole que française, et l'écart avec le taux grec se resserre.

La suite va dépendre de la capacité du gouvernement à assainir ses finances. « Un rythme de consolidation trop lent (...) susciterait probablement des inquiétudes parmi les investisseurs », estime la banque américaine Goldman Sachs dans une note récente. De quoi tourmenter le Premier ministre Michel Barnier, qui a affirmé jeudi sur France Télévisions « ce que j'ai comme angoisse, c'est une crise financière », pour justifier les économies annoncées.

La France emprunte encore aisément sur les marchés financiers et sa dernière levée de fonds de 12 milliards d'euros à long terme jeudi a suscité un très fort appétit des investisseurs.

Bruxelles voit rouge, encore

La procédure pour dépassement de la ligne rouge bruxelloise limitant le déficit public à 3% et la dette à 60% est une arlésienne : elle a eu lieu 16 années sur les 25 dernières et interroge sur la crédibilité des sanctions financières associées.

Les experts s'accordent toutefois à dire que c'est désormais plus envisageable, après une réforme bruxelloise imposée cette année qui abaisse le montant des amendes encourues par un Etat trop dépensier. Si elle ne corrige pas sérieusement le tir, la France pourrait théoriquement être condamnée l'été prochain à payer jusqu'à 0,1% de son PIB sur un an, soit 2,8 milliards d'euros, a calculé un chercheur pour l'AFP.

Elle a annoncé 60 milliards d'euros d'effort dès l'année prochaine. Mais « la perspective d'élection présidentielle très importantes en 2027 est susceptible de réduire l'incitation de tout gouvernement à procéder à un assainissement budgétaire de grande ampleur », prévient Goldman Sachs.

L'attractivité française en question

Priorité du président Macron, l'attractivité française pour les investisseurs étrangers risque de pâtir de la hausse annoncée de la fiscalité sur les grandes entreprises et les riches ménages.

« Plus encore que le niveau d'impôts, c'est la lisibilité fiscale qui est importante pour les investisseurs », affirme Alexis Karklins-Marchay, directeur général délégué du cabinet de conseil financier Eight Advisory. « Là il y a beaucoup d'interrogations », poursuit-il, même s'il ne constate pas pour l'instant de ralentissement de l'élan des investisseurs étrangers.

D'autres facteurs jouent aussi dans l'intérêt des investisseurs : la disponibilité des terrains, la souplesse du droit du travail, l'accès à l'énergie décarbonée...

Le sommet Choose France, vitrine annuelle de l'attractivité française avec ses centaines de patrons étrangers invités au château de Versailles, n'a pas encore souffert d'annonces publiques d'annulations d'investissements depuis la dissolution de l'Assemblée nationale.

Mais le climat politique devient un point majeur d'attention. « Aujourd'hui, certains investisseurs français s'interrogent sur l'intérêt de créer de nouveaux fonds à vocation européenne directement au Luxembourg et non en France », confie Julien Wagmann, avocat associé au cabinet August Debouzy, auprès de l'AFP.

Il poursuit : « après la dissolution (de l'Assemblée nationale en juin), certaines entreprises avaient préparé un éventuel transfert de siège dans d'autres juridictions comme le Luxembourg. Nous n'en avons pas vu aller au bout jusque-là mais certaines restent prêtes » à le faire.