Parmi les entreprises, seules les plus grandes verront leur impôt augmenter en 2025 mais les autres participeront certainement aussi à l'effort national, en recevant moins d'aides publiques qu'actuellement.

Pour trouver 20 milliards de recettes supplémentaires en 2025 et contribuer à ramener le déficit public de 6,1% du PIB à 5%, l'impôt sur les sociétés (IS) taxant les bénéfices sera rehaussé « pendant un an ou deux », selon Michel Barnier. Une mesure censée rapporter huit milliards d'euros l'an prochain. Le taux de l'IS a été progressivement abaissé de 33,3% à 25% depuis 2017, le soutien aux entreprises étant une priorité économique d'Emmanuel Macron.

Selon Les Echos, la mesure figurant dans le projet de budget qui sera présenté jeudi équivaudrait à porter à 30% en 2025 le taux d'IS pour les sociétés réalisant entre un et trois milliards d'euros de chiffre d'affaires, et à 35,25% au-delà. Une redescente serait ensuite prévue en 2026, respectivement à 27,5% et 30%. Environ 300 grandes entreprises seraient concernées.

Patrick Martin, le président du Medef qui représente beaucoup d'entreprises concernées, est « prêt à discuter » d'une telle mesure, mais à condition que le gouvernement « considère » d'abord une série d'économies.

« Pas très grave »

Cependant, de nombreux députés du groupe macroniste Ensemble pour la République, notamment Gérald Darmanin, s'y opposent. « Toucher à l'IS serait une véritable erreur économique », risquant « d'affaiblir ces entreprises à l'international », affirme à l'AFP le député du Bas-Rhin Charles Sitzenstuhl.

Philippe Bruneau, président du Cercle des Fiscalistes régulièrement consulté par les pouvoirs publics, estime au contraire que « si ce n'est que ça » qui attend les entreprises, « ce n'est pas très grave ».

Car elles devraient avoir aussi leur part dans les 40 milliards d'euros d'économies qu'il va falloir réaliser l'an prochain dans les dépenses publiques, en plus des 20 milliards de hausses d'impôts. « Il y aura des efforts (d'économies) sur les aides aux entreprises », a confirmé mercredi une source gouvernementale.

Dans son discours de politique générale, mardi, le Premier ministre a déjà indiqué qu'il voulait éviter « les effets d'aubaine » que représente pour certaines le financement public de l'apprentissage, dont le nombre d'élèves a triplé depuis 2018. « S'en prendre à l'apprentissage serait une erreur », s'inquiète la CPME, autre organisation patronale représentative.

Michel Barnier a sous la main un véritable catalogue d'économies possibles, grâce au rapport sur les « aides aux entreprises » commandé, en novembre, à l'Inspection générale des Finances (IGF) par l'ex-Première ministre Elisabeth Borne. Réparties en 380 dispositifs, elles ont coûté 88 milliards d'euros en 2022 à l'Etat et à la Sécurité sociale.

« Opposition farouche »

Outre des pistes fiscales comme la suppression ou le relèvement du taux réduit de TVA dans certains secteurs d'activité, l'IGF propose de resserrer le périmètre des bénéficiaires du Crédit impôt recherche (CIR), qui soutient les dépenses de R&D (recherche et développement).

Elle suggère aussi de mieux cibler les biens éligibles au pacte Dutreil, qui exonère largement d'impôt les transmissions d'entreprises familiales. « Nous défendons bec et ongles le Pacte Dutreil » pour sauvegarder le tissu économique français, prévient Philippe Bruneau, tout en reconnaissant certains abus par les bénéficiaires.

La CPME annonce aussi une « opposition farouche à (...) une remise en cause des allègements de charges ». « Ca, ça embêterait un peu plus » les entreprises, confirme Philippe Bruneau.

Or, vendredi la ministre du Travail a semblé aller dans ce sens en évoquant avec les partenaires sociaux le rapport des économistes Antoine Bozio et Etienne Wasmer, rendu public la veille : pour éviter aux salariés d'être confinés au Smic, celui-ci propose une nouvelle répartition des allègements de charges sociales consentis aux entreprises sur les salaires les moins élevés.

Mais là où les auteurs raisonnent à coût constant (ces allègements représentent quelque 75 milliards annuels d'argent public par an), Astrid Panosyan-Bouvet a indiqué viser avec cette mesure un « objectif de rendement » de quelque 5 milliards d'euros par an pendant trois ans, selon des sources syndicales.

Les entreprises ont reçu « 100 milliards » d'argent public « entre la crise Covid et celle de l'inflation », rappelle la source gouvernementale, comme pour parer aux possibles protestations.