Jusqu'à 110 milliards d'euros d'ici à 2027 : un mur d'économies attend la France pour ramener son lourd déficit public dans les clous européens, selon Bercy, un objectif qui semble de plus en plus hors d'atteinte malgré des pistes de coupes budgétaires sur la table.

S'affichant comme garant de l'orthodoxie budgétaire, le ministre démissionnaire des Finances, Bruno Le Maire, n'a cessé de répéter ces derniers mois sa détermination à réduire progressivement le déficit public de la France jusqu'à le faire passer en 2027 juste sous le plafond de 3% du produit intérieur brut (PIB) fixé par les règles européennes.

Pour assainir des comptes publics plombés par des crises ruineuses, l'hôte de Bercy depuis sept ans avait annoncé 25 milliards d'euros d'économies dès cette année, mais seuls 10 milliards avaient été concrétisés avant les élections législatives anticipées qui ont paralysé la vie politique.

Largement insuffisant, a prévenu la Direction générale du Trésor dans une note datée de juillet et consultée par l'AFP. Sans mesure supplémentaire, le déficit public devrait connaître de nouvelles dérives, après le dérapage qui l'a porté à 5,5% en 2023 et a valu à Paris une procédure pour déficit excessif par la Commission européenne.

Ce déficit pourrait atteindre 5,6% du PIB cette année (contre 5,1% prévus actuellement), en raison de l'envolée inattendue des dépenses des collectivités et de recettes fiscales décevantes. Toujours dans l'hypothèse de l'absence de mesures de redressement, il dériverait ensuite à 6,2% en 2025 (contre 4,1% prévus) et même 6,7% en 2026 (contre 3,6%) puis 6,5% (contre 2,9%) en 2027.

« Un retour dès 2027 du déficit sous les 3% », comme prévu dans la trajectoire pluriannuelle des finances publiques transmise par la France à Bruxelles au printemps, « supposerait de réaliser environ 110 milliards d'économies d'ici à 2027 », a prévenu le Trésor dans ce document adressé au gouvernement.

Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a également estimé cette échéance difficile à tenir. « Nous reviendrons progressivement sous 3% de déficit. Pas nécessairement cependant dès 2027 : il faudra un compromis réaliste sur le calendrier », a-t-il dit dans un entretien au Point.

Revues des dépenses

Dès 2025, les économies à réaliser seraient importantes, souligne le Trésor, alors que les délais deviennent serrés pour la préparation du budget.

Il estime ainsi la cible de déficit pour 2025 (4,1%) « très difficile à atteindre », puisqu'elle implique de trouver « plus de 60 milliards d'euros d'économies » dans le projet de budget, censé être déposé au Parlement le 1er octobre au plus tard.

Même en cas de respect « a minima » des nouvelles règles budgétaires européennes, et si la France est autorisée par Bruxelles à étendre sa période d'ajustement à sept ans au lieu de quatre, plus de 30 milliards d'euros d'économies seraient nécessaires en 2025 et environ 100 milliards à horizon 2028.

Dans ce cas de figure, le retour du déficit public sous les 3% ne serait atteint qu'en 2029, « un horizon qui risque d'être jugé trop lointain par la Commission et le Conseil », alerte le Trésor.

Des pistes de coupes budgétaires ont été identifiées, formulées dans le cadre de revues de dépenses commandées par l'exécutif sortant et qui visent plusieurs domaines.

Concernant les aides aux entreprises, un rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) consulté par l'AFP estime que 3 milliards peuvent être dégagés sur le Crédit d'impôt recherche (CIR), en supprimant les tarifs réduits d'accise sur les biocarburants ou le gazole utilisé par le transport collectif routier, ou encore en renonçant au financement des missions d'accompagnement des entreprises par les chambres de commerce et d'industrie. Supprimer certains taux réduits de TVA et remonter le taux réduit de 10% à 12,5% rapporterait 7 milliards d'euros.

Un autre rapport identifie 2,5 milliards d'euros d'excédents de trésorerie en examinant 180 opérateurs de l'Etat sur 408. Concernant l'absentéisme dans la fonction publique, l'instauration d'un deuxième et d'un troisième jours de carence permettrait d'économiser presque 300 millions d'euros.

« La toute première tâche du futur Premier ministre sera de conserver la crédibilité économique et financière de notre pays », a déclaré un ministre démissionnaire à l'AFP.

Le Trésor a également abaissé ses hypothèses de croissance économique à 1% pour 2025 (contre une prévision gouvernementale de 1,4%) et 1,5% en 2026 et 2027 (contre respectivement 1,7% et 1,8%).