C'est le grand jour. Avec votre moitié, vous avez décidé de vous lancer dans un projet immobilier commun. Vous avez trouvé votre bien et la banque a validé votre crédit immobilier. Ne reste plus qu'à passer devant le notaire pour officialiser l'achat.

Reste alors à parler argent dans le couple. En fonction de vos revenus et de votre patrimoine, il est en effet possible que votre achat ne se fasse pas de manière complètement égalitaire, c'est à dire que l'une des parties finance plus que l'autre. Pourtant, de nombreux couples répugnent à aborder ces questions.

« Souvent, lorsqu'on achète un bien ensemble on est heureux, on pense à plein d'autres choses. On ne pense pas aux quotités d'acquisition, note Nathalie Couzigou Suhas, notaire à Paris. Les emprunteurs ont donc tendance à dire qu'ils achètent à 50-50, même quand l'un des deux financent plus. »

Ne pas hésiter à discuter du financement du bien

Si ces questions peuvent sembler futiles, voire triviales, quand l'amour est à son zénith, elles prennent toute leur importance en cas de séparation ou de décès d'un des deux emprunteurs, surtout si ce dernier a des enfants d'une précédente union, qui pourraient venir réclamer de l'argent au conjoint restant. « Ce n'est pas parce qu'on s'aime qu'il ne faut pas mettre les choses au clair pour savoir comment on finance son bien, confirme Nathalie Couzigou Suhas. Il faut donc se poser les bonnes questions : comment et par qui est financé le bien ? Est-ce qu'on fera des travaux ? Quel apport personnel chacun apporte-t-il ? »

Concrètement, comment faire ? « Le notaire va calculer les pourcentages d'acquisition en fonction de l'apport, mais également des possibilités de remboursement effectives, explique Nathalie Couzigou Suhas. On va réaliser un tableau, qui reprend tous les éléments du financement, afin d'attribuer à chacun un pourcentage sur le bien. »

Car en cas de séparation, le fait d'avoir mis plus que ce qu'on a indiqué n'est pas sans conséquence. « Si on déclare un achat à 50-50, même si un des deux a financé 70%, il n'est propriétaire que de 50%. La quotité détermine le pourcentage d'acquisition », rappelle la notaire. Une situation qui peut amener des animosités alors même que les choses sont déjà parfois tendues.

« Il est toujours préférable de coller à la réalité du financement »

Rassurez-vous : même si vous avez déclaré un achat à 50-50, il est parfois possible de faire valoir une réalité différente. Tout dépend, en fait, de votre situation. Pour les couples mariés sous le régime légal de la communauté réduite aux acquêts, l'un des deux époux peut toujours indiquer en amont, devant notaire, que le bien a été en partie financé avec de l'argent propre, afin de le faire valoir en cas de divorce. Sinon, tout ce qui est économisé et acheté pendant le mariage est censé être commun. Le bien appartient donc à la communauté.

La situation est différente en cas de contrat de mariage : « Aujourd'hui, dans le cadre d'un mariage sous le régime de séparation des biens, on peut toujours faire valoir cette créance, rassure Nathalie Couzigou Suhas. Mais le demandeur devra apporter une preuve, en montrant par exemple qu'il avait un apport plus important ou qu'il avait effectué un remboursement du prêt par anticipation par exemple. »

En revanche, la Cour de cassation considère que le remboursement échelonné est une contribution aux charges du ménage. Un emprunteur qui rembourserait, chaque mois, une part un peu plus élevée du prêt ne pourrait donc pas le faire valoir à la séparation.

Un délai de prescription de cinq ans pour les concubins

Attention cependant : si, dans un mariage, il est possible de faire valoir son droit en tout temps, les concubins sont soumis au délai de prescription de droit commun, fixé à cinq ans. Ainsi, le membre d'un couple en concubinage qui aurait financé une part plus importante du bien ne pourra pas réclamer de l'argent à son partenaire au-delà de ce délai.

« Il est toujours préférable que ce qui est indiqué colle à la réalité du financement, termine Nathalie Couzigou Suhas. Les bons comptes font les bons amants, et cela permet d'éviter de nombreuses difficultés. »

Comment faire alors, si vous pensez avoir fait une erreur ? Changer les quotités dans un second temps est possible, mais coûte cher, car le fisc va considérer cela comme une vente et prendre des frais, à hauteur de 6% environ, sur la part changée. L'autre solution est d'effectuer une reconnaissance de dettes auprès d'un notaire, pour quelques centaines d'euros. Cette dernière permettra à l'un des concubins, en cas de séparation, de récupérer son dû.