L'essentiel
- Chaque mois, les banques prêtent 10 milliards d'euros, environ, aux particuliers cherchant à financer leur achat immobilier.
- La marge nette des banques sur ce crédit immobilier est désormais négative, ce qui signifie que prêter est en ce moment une perte pour les banques.
- Pour compenser ces pertes, certaines banques augmentent les frais de dossier. Et elles utilisent le crédit immobilier comme un produit d'appel pour vendre d'autres produits.
9,1 milliards d'euros prêtés par les banques en janvier 2024, et une progression continue depuis, jusqu'à près de 15 milliards d'euros en juin 2025 (1) : depuis la fin de la hausse des taux de prêt immobilier, le marché du crédit a repris des couleurs. C'est en tout cas ce que montre une étude de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) intitulée « Le financement de l'habitat en 2024 » publiée fin juillet. Mais ce document livre une autre vérité : les marges déclarées par les banques sur le crédit immobilier sont aujourd'hui négatives. En clair, votre banque perd de l'argent au moment de vous en prêter.
Ainsi, toujours selon le même document, la marge brute s'élève aujourd'hui à -0,04%, plombée en large majorité par le coût de refinancement qui n'a cessé de s'accroitre ces derniers mois. En effet, pour obtenir l'argent qu'elle va vous prêter, la banque a deux solutions : puiser dans ses ressources internes, notamment à travers l'épargne de ses clients, ou bien l'acheter sur le marché.
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« L'épargne est utilisée dans la gestion ALM [la gestion entre actifs et passifs des banques, NDLR] », explique Hervé Phaure, responsable de l'activité Credit Risk Advisory au sein du cabinet Deloitte. « Plus une banque dispose d'épargne contrainte, c'est-à-dire une épargne bloquée sur plusieurs années, que le client ne peut pas sortir comme il veut (comme un PEL ou un PER par exemple), plus cela aide les banques à optimiser leurs TCI (taux de cession interne, qui définit le coût de la ressource). À l'inverse, les banques qui n'ont pas beaucoup d'épargnants sont clairement défavorisées dans un marché où les taux remontent et où il faut aller se financer à l'extérieur. »
Une marge nette aujourd'hui négative
Selon l'ACPR, la marge nette des banques, c'est-à-dire la marge de l'établissement sur ce produit qu'est le crédit immobilier, s'est établi en 2024 à -0,30%. Ce qui signifie une perte sèche de 600 euros sur un crédit de 200 000 euros. Face à cela, les établissements bancaires s'adonnent donc à un exercice d'équilibrisme depuis plusieurs mois : difficile en effet de proposer des taux de crédit plus hauts que la concurrence, au risque de faire fuir les clients. Mais pas question non plus de perdre trop d'argent.
« De nombreuses banques ont augmenté leurs frais de dossier, pour ne pas augmenter leurs taux de crédit mais rester rentables »
Certaines banques font donc le choix de se rattraper sur un autre volet : les frais de dossier. « De nombreuses banques ont augmenté leurs frais de dossier, pour ne pas augmenter leurs taux de crédit mais rester rentables », assure Sandrine Allonier, porte-parole du courtier Vousfinancer.
Combien vous coûtent les frais de dossier immobilier ? *
* Calculs effectués sur la base des tarifs "à la carte" de la banque sélectionnée (offres groupées de service non prises en compte)
« Les banques ont vu qu'elles perdaient de l'argent sur les taux de crédit, elles ont essayé de récupérer leurs marges notamment en augmentant les frais de dossier. Il y a une tendance généralisée à la hausse », abonde Laura Martino, directrice des partenariats bancaires chez Cafpi.
Un produit toujours largement proposé par les banques
Malgré tout, selon l'ACPR, la marge nette augmentée des revenus accessoires est de -0,03% en 2024. Si les banques peuvent donc décider de se montrer plus strictes sur les profils à financer dans les mois à venir, la donne ne devrait pas changer du jour au lendemain. Car le crédit immobilier reste avant tout un produit d'appel.
« En fidélisant un client avec le crédit immobilier, la banque peut donc utiliser l'épargne positive de ce dernier et lui proposer des offres supplémentaires »
« Si le client domicilie ses comptes, la banque peut également disposer de dépôts courants et d'une partie de son épargne », estime Hervé Phaure. « Potentiellement, la banque va aussi récupérer des informations sur le client et va pouvoir lui proposer d'autres produits complémentaires ainsi que des crédits, comme des crédits à la consommation, avec des marges plus élevées. En fidélisant un client avec le crédit immobilier, la banque peut donc utiliser l'épargne positive de ce dernier et lui proposer des offres supplémentaires qui vont permettre de dégager de la rentabilité. »
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(1) Suivi mensuel de la production de crédits à l'habitat, ACPR.