Le shutdown à l'américaine n'aura pas lieu. Un projet de « loi spéciale » sur le budget, permettant notamment à l'Etat de lever l'impôt à partir du 1er janvier, a été présenté en conseil des ministres ce mercredi 11 décembre.
Les divers groupes politiques ont déjà tous annoncé qu'ils ne s'opposeront pas à ce texte d'urgence, qui se limite au strict minimum. Reste uniquement à savoir si - comme le souhaite en particulier le président LFI de la commission des finances, Éric Coquerel - un amendement y est inséré pour indexer le barème de l'impôt sur le revenu. Ou non.
L'ensemble des forces politiques semble s'accorder sur le bien-fondé d'indexer le barème sur l'inflation, afin d'éviter une hausse d'impôt globale. Il faudra toutefois pour qu'ils y parviennent qu'ils se mettent d'accord sur un nouveau projet de loi de finances pour 2025, débattu en toute fin d'année ou début d'année prochaine.
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La rétroactivité fiscale, possible mais risqué
Si jamais un nouveau gouvernement se dessine et si les groupes parlementaires cherchent le compromis sur un nouveau budget, alors des mesures fiscales consensuelles pourraient ressurgir. Sur le papier, un consensus semble s'être noué sur la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR). Elle pourrait donc revenir dans ce nouveau budget.
Mais un nouveau projet de loi de finances pour 2025, voté courant 2025, pourrait-il créer de nouveaux impôts ? Puisque cette CDHR est un nouvel impôt. Et pourrait-il même aller plus loin avec d'autres changements notables ? Là encore, le conditionnel est de mise.
Réponse « plutôt négative », pour Vincent Dussart, professeur de droit public à l'Université Toulouse Capitole. Le risque ? L'inconstitutionnalité : « La décision du Conseil constitutionnel en date du 5 décembre 2014 a empêché une rétroactivité d'une contribution exceptionnelle votée en 2012 pour les revenus de 2011. »
« La rétroactivité est envisageable à partir du moment où cela est conforme à l'intérêt général »
Réponse plutôt positive, a contrario, pour Richard Chalier, directeur de l'expertise patrimoniale au sein d'Harvest : « Cette nouvelle loi de finances pourrait avoir des effets rétroactifs. Il peut y avoir de nouvelles mesures fiscales, comme cette contribution exceptionnelle. La rétroactivité est envisageable à partir du moment où cela est conforme à l'intérêt général. Ceux qui pensent que la CDHR disparaît avec l'actuel projet de budget et à partir du moment où l'on passe la fin d'année... attention ! »
Bercy prend des pincettes sur la rétroactivité fiscale
Du côté du gouvernement démissionnaire, on prend des pincettes dès qu'il est question du futur budget 2025 « bis », qui sera piloté par un nouveau gouvernement. Le cabinet du ministre des Comptes publics reconnaît que le sujet de la rétroactivité fiscale - car il s'agit de voter des nouveaux impôts pour 2025 alos que l'année est déjà engagée - est « juridiquement délicat ». Bercy a évidemment relevé l'aspect clé de « l'intérêt général » pour qu'une mesure rétroactive puisse passer l'étape du Conseil constitutionnel...
« En cette période troublée, est-ce que le Conseil constitutionnel ne pourrait pas changer de jurisprudence ? »
Suspense. Le professeur en droit public Vincent Dussart confirme d'ailleurs que le suspense est de mise malgré sa réponse « plutôt négative » faisant référence à la décision du Conseil constitutionnel datant de 2014 : « En cette période troublée, est-ce que le Conseil constitutionnel ne pourrait pas changer de jurisprudence ? » Le feuilleton est loin, très loin, d'être fini.