« Un mouvement inattendu de fraude aux réductions et crédits d'impôts », depuis 2020 : ce constat, c'est l'administration fiscale elle-même qui le fait, même si les termes sont ceux de la Cour des comptes, qui a publié cette semaine un rapport sur « la détection de la fraude fiscale des particuliers ».

7 070 virements suspects empêchés en l'espace d'un an, en 2022, pour 35 millions d'euros de fraude fiscale évitée. Soit environ 5 000 euros de tentative de fraude en moyenne pour chaque foyer rattrapé par la patrouille fiscale, comme le signale le quotidien Les Echos, qui a repéré ce chiffre dans le rapport sur « la détection de la fraude fiscale des particuliers », publié mercredi 15 novembre par la Cour des comptes. Elle y met en lumière « un mouvement inattendu de fraude aux réductions et crédits d'impôts » constaté depuis 2020 : « La DGFiP estime que la fraude aux réductions et crédits d'impôt s'est accrue en 2021 et 2022, sans produire d'estimation de son ampleur ou de bilan des actions de recouvrement des sommes irrégulièrement versées », pointe la Cour des comptes, avant de livrer les seules données chiffrées ci-dessous.

La confirmation d'une information publiée lors de l'été 2023 par MoneyVox : Anne Guyot-Welke, secrétaire nationale de Solidaires Finances Publiques, le premier syndicat de la DGFiP, affirmait avoir signalé « une certaine fraude » occasionnée par la télécorrection des déclarations, l'outil de correction ouvert jusqu'à la mi-décembre, « notamment avec la question des réductions et crédits d'impôt ».

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La Direction générale des finances publiques (DGFiP) avait alors choisi de relativiser, tout en confirmant dans une réponse apportée à MoneyVox sa lutte face aux « tentatives de fraude aux restitutions d'impôt » : la DGFiP y rappelait « que les parcours en ligne de dépôt des déclarations » initiales, au printemps, et correctives, chaque été et à l'automne, « ont été l'objet d'un renforcement significatif en 2022 par différents contrôles informatiques pour anticiper les tentatives de fraudes ».

Le rapport de la Cour des comptes ne livre pas le menu détail des fraudes aux crédits et réductions constatées, mais estime que « le phénomène de fraude aux réductions et crédits d'impôt s'est amplifié brusquement avec le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu et la mise en place du prépaiement de 60% des crédits d'impôts de l'année précédente en janvier [avance sur les crédits et réductions, NDLR] de chaque année ». Selon la Cour des comptes, « la fraude se déplace ainsi en amont de la déclaration fiscale annuelle. »

« Un montant important et non justifié de dépenses ouvrant droit à réduction d'impôt »

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La fraude plus particulièrement ciblée par la DGFiP se déroule toutefois bien lors de la déclaration annuelle, en ligne, au printemps : « La fraude s'effectue via la déclaration de revenus en faisant mention d'un montant important et non justifié de dépenses ouvrant droit à réduction d'impôt. » Pour rappel, la fraude moyenne ainsi détectée en 2022 était de 5 000 euros.

Certains fraudeurs ont des complices, afin de justifier les dépenses donnant droit à avantage fiscal : « La déclaration frauduleuse peut être déposée par un tiers avec le consentement de l'usager, le tiers se voyant rétribué par le reversement d'une part de la somme perçue illégalement ».

Autre cas de figure : la fraude s'opère « après piratage du compte en ligne d'un usager dont l'identité est alors usurpée (le compte bancaire de ce dernier, connu par l'administration fiscale, est également modifié pour détourner la restitution) ».

Troisième et dernière méthode détaillée par la Cour des comptes : les fraudeurs créent « un usager fictif permettant de saisir une déclaration en ligne ».

Quelles mesures de prévention face à cette nouvelle fraude fiscale ?

La Cour des comptes ne livre pas de détail sur la manière dont la DGFiP opère pour repérer les fraudeurs aux crédits et réductions d'impôt. Mais elle signale que les foyers ayant fraudé ne profitent plus par la suite de l'avance de la mi-janvier : depuis 2022 est opéré « un blocage de l'avance sur réduction et crédit d'impôt (RICI) en année N+1 pour les fraudeurs détectés en année N ».

La lutte face à la fraude fiscale des particuliers va s'amplifier, à travers de nouvelles méthodes. La Cour des comptes rappelle aussi que la DGFiP va œuvrer à mieux quantifier cette fraude : « Le gouvernement a annoncé, le 9 mai 2023, la création d'un conseil de l'évaluation des fraudes aux prélèvements obligatoires et le contrat d'objectifs et de moyens 2023-2027 de la DGFiP prévoit de définir une méthodologie permettant d'évaluer la fraude évitée ».

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