Commençons par un rappel : les banques de détail sont des commerces, libres de former leurs prix comme elles le souhaitent. Pourtant, de temps à autre, les pouvoirs publics décident d'encadrer cette liberté tarifaire : quand certaines pratiques pénalisent trop durement les clients les plus fragiles ; quand elles constituent un frein à la mobilité bancaire ; ou encore quand leur hétérogénéité — d'une banque à l'autre, parfois d'une région à l'autre au sein d'une même bancaire — laisse à penser que les prix pratiqués sont déconnectés des coûts réellement supportés.

Banque : le vrai bilan des tarifs imposés par l'Etat

Les prochains sur la liste de ces tarifs encadrés par la loi devraient être les frais de traitement des successions. Ils rémunèrent le travail de la banque pour clôturer les comptes d'un client décédé et en transférer les encours aux ayants-droit ou au notaire chargé de la succession. Une ligne de frais sensible, puisqu'elle touche des familles en deuil. Une ligne, surtout, pour laquelle les pratiques restent extraordinairement hétérogènes. Selon notre relevé au 1er novembre 2024, le prix facturé pour une succession simple de 15 000 euros (1) va de 0 euro (chez BoursoBank) à 450 euros (chez Allianz Banque au Crédit Agricole Martinique-Guyane).

Frais bancaires : dans certaines banques, mourir coûte toujours très cher

Une loi en préparation

Pour réduire ces disparités, la députée socialiste - et désormais questeure de l'Assemblée nationale - Christine Pirès-Beaune a déposé en début d'année 2024 une proposition de loi. Elle prévoit, dans sa version transmise en 2e lecture à l'Assemblée nationale, d'interdire la perception de ces frais pour les successions d'un montant inférieur à 5 909 euros et pour les défunts mineurs, et de les plafonner à 1% du montant de la succession pour les autres.

Interrompu en juin par la dissolution, le parcours législatif de ce texte devrait prochainement reprendre, sans doute début 2025, après le long intermède consacré aux lois de finances. Christine Pirès-Beaune nous a confirmé qu'elle allait demander à la présidence de l'Assemblée nationale de le remettre dès que possible à l'ordre du jour, dans le cadre d'une « semaine transpartisane », ces créneaux consacrés à l'examen de textes consensuels.

Deux banques sur 122 déjà conformes

Ce contretemps tombe plutôt bien pour les banques de détail. Rares sont celles, en effet, qui ont pris les devants. Rien ne les y oblige évidemment tant que la future loi n'est pas entrée en vigueur. Elle ne le sera pas, sans doute, avant de longs mois.

Nous nous sommes tout de même amusés à regarder combien d'entre elles seraient en conformité si les nouvelles règles devaient entrer en vigueur ce 1er novembre. D'après notre relevé (2), elles seraient seulement deux, sur les 122 enseignes incluses dans notre étude, à être dans les clous. Soit 1,64% du panel.

La première de ces 2 exceptions s'appelle BoursoBank. La banque en ligne ne facture aucuns frais lorsque les actifs à transmettre sont inférieurs à 25 000 euros, bien au-dessus du plafond d'exonération envisagé par la loi. Au-delà de cette somme, les frais, fixes, sont au maximum de 250 euros, donc au pire équivalent à 1% des actifs. Et, bien sûr, les familles des défunts mineurs sont exonérées de tous frais.

La seconde est le Crédit Agricole Nord de France, seule banque traditionnelle à respecter le (possible) futur cadre. La caisse locale ne facture aucuns frais sous 6 000 euros d'actifs, et 1% au-delà. Elle exonère également les mineurs.

Des banques qui s'en approchent

Selon notre décompte, 17 banques appliquent actuellement une gratuité pour à la fois les mineurs et les petites successions. Mais, dans la plupart d'entre elles, le seuil d'exonération est trop bas, bien inférieur aux 5 909 euros envisagés par la loi. Nombre échouent aussi à être conformes en raison de minimums de perception trop élevés.

Certaines banques, toutefois, semblent s'être déjà inspirées de la possible future règlementation. C'est le cas des différentes fédérations du Crédit Mutuel Alliance Fédérale. Ces dernières ont changé, en 2024, leur mode de facturation : le niveau d'exonération des petites successions (jusqu'à 10 000 euros) et le montant des frais proportionnels (1% sans minimum de perception) sont dans les clous. Mais elles ne précisent pas, sur leurs plaquettes tarifaires, que les défunts mineurs sont exonérés.

Une autre banque, enfin, sera conforme à partir du 1er janvier 2025, au moment de l'entrée en vigueur de sa nouvelle brochure tarifaire : le Crédit Mutuel de Bretagne. L'an prochain, le seuil d'exonération sera porté à 6 000 euros (contre 2 000 euros actuellement) et les frais proportionnels à 1% au-delà (contre 1,80%), sans minimum de perception. Le Crédit Mutuel du Sud-Ouest, qui appartient au même groupe (Arkéa), a également intégré l'arrivée probable de la loi, puisque son seuil d'exonération passera de 3 000€ à 5 909€ le 1er janvier prochain. Soit à l'euro près celui prévu par le texte. Mais elle a choisi de maintenir, au-delà, un minimum de perception de 75 euros, ce qui devrait l'empêcher d'être en totale conformité.

(1) Succession « simple » de 15 000 euros, concernant un défunt majeur, avec plusieurs produits bancaires, réglée en moins d'un an et dont les fonds sont envoyés dans un autre établissement que celui du défunt.

(2) Relevé effectué le 23 octobre 2024