La fin du découvert autorisé ? Récemment, une directive européenne, qui sera transposée dans le droit français le 20 novembre 2026, a suscité la controverse, autour des nouvelles règles, plus strictes, qui vont encadrer l'octroi des petites autorisations de découvert. Une mesure interprétée, par certains politiques en particulier, comme une volonté d'interdire l'accès au découvert des ménages les plus modestes.
Un risque d'interdiction du découvert bancaire ? Le vrai du faux
La polémique, toutefois, a contribué à occulter certains apports d'un texte conçu pour mieux protéger les consommateurs contre le risque de « malendettement ». Parmi eux, la fin annoncée d'une pratique tarifaire légale, mais très contestée : la facturation des minimums forfaitaires d'agios.
Le ministre de l'Économie et des Finances, Roland Lescure, l'a confirmé, hier mardi 4 novembre, devant l'Assemblée nationale : « (...) Jusqu'à présent, une banque pouvait prendre un frais fixe pouvant aller jusqu'à 5 euros pour un découvert de quelques euros. (...) Ces forfaits fixes sont désormais interdits. »
C'est quoi, le minimum forfaitaire d'agios ?
Dans les brochures tarifaires, cette ligne ne brille pas par sa transparence. Elle est d'ailleurs désignée sous des noms différents selon les banques : « minimum forfaitaire d'intérêts débiteurs », « montant minimum forfaitaire trimestriel », « perception forfaitaire », « frais fixes sur calcul d'intérêts débiteurs », « commission minimum forfaitaire d'utilisation »...
Son principe, ensuite, est rarement expliqué. Il est pourtant simple : il s'agit du prix minimum que vous payez si votre compte courant passe en négatif, quelle que soit la durée ou le montant de votre découvert.
Un exemple. Imaginons qu'en fin de mois, votre compte courant passe dans le rouge de 50 euros pendant trois jours. Ce petit découvert, autorisé par votre banque, ne devrait vous coûter qu'une dizaine de centimes, au taux maximum autorisé (actuellement) de 23,49%. Mais le simple fait d'avoir utilisé votre autorisation de découvert va déclencher la facturation d'un montant forfaitaire, par exemple de 10 euros.
Quelles banques facturent ces minimums forfaitaires d'agios ?
Cette pratique est très répandue. Selon un relevé effectué le 5 novembre, le minimum forfaitaire d'agios est facturé dans les Banques Populaires, les Caisses d'Epargne (14 caisses sur 15), dans 13% des caisses du Crédit Agricole, dans 28% des fédérations du Crédit Mutuel, ainsi qu'au CCF, au CIC, à La Banque Postale et chez SG.
Son prix (et son mode de facturation) varie, selon les établissements, de 3€ à 12,50€, par mois ou par trimestre, selon les cas.
| Banques | Prix (au 5 novembre 2025) |
|---|---|
| Banques Populaires | de 3 à 12,50 € par trimestre selon les caisses |
| Caisses d'Epargne 14 caisses sur 15 | De 3,50 à 5,30 € par trimestre selon les caisses |
| CIC | 5 € par trimestre |
| Crédit Agricole 5 caisses sur 40 | De 1,5 € à 5,80 € par mois selon les caisses |
| Crédit Mutuel 5 fédérations sur 18 | De 4,30 à 13,50 € par trimestre selon les caisses |
| CCF | 10 € par trimestre |
| La Banque Postale | 3 € par trimestre |
| SG | 7 € par trimestre |
Voici ce que coûte le minimum forfaitaire d'agios, qui gonfle le prix des découverts
Pourquoi cela va disparaître ?
Voilà un moment que cette pratique tarifaire est contestée par les associations de consommateurs. L'UFC-Que Choisir est encore revenue à la charge en avril dernier. La perception du minimum forfaitaire, en effet, a pour conséquence de faire exploser le taux appliqué aux petits découverts, bien au-delà des seuils de l'usure, les taux maximums autorisés. Dans l'exemple détaillé en début d'article, le taux débiteur du seul découvert de 50 euros sur 3 jours atteint ainsi de 2 433% si l'on inclut le coût du minimum forfaitaire.
La pratique interroge, mais elle est aujourd'hui légale, autorisée par l'article R.314-9 du code de la consommation, qui dispose qu'« il peut être perçu pour chaque opération un minimum forfaitaire qui n'est pas pris en compte pour déterminer le taux effectif global » (TAEG). Cela ne sera plus le cas après la transposition de la directive dans le droit français, comme l'a confirmé Roland Lescure : ces frais fixes devront être intégrés au TAEG appliqué au découvert, ce qui revient à les interdire.
Un décret actuellement au Conseil d'État
Plus précisément, cette mesure sera inscrite dans un décret en Conseil d'Etat. Ce texte, nous a confirmé le ministère de l'Économie et des Finances, est actuellement au Conseil d'État, pour avis. Une fois cet avis donné, le décret pourra être signé et publié. Il entrera en vigueur en même temps que les mesures issues de la directive, en novembre 2026.