Particuliers et petits entrepreneurs seront aussi touchés par certaines mesures du projet de budget du gouvernement présenté jeudi, destiné à dégager un « effort » de 60 milliards d'euros sur les finances publiques. 

Ainsi, Daniel, plombier à Strasbourg, voit d'un très mauvais œil la baisse des aides au recrutement d'apprentis qui s'annonce : celle-ci, entre autres scénarios, pourrait passer de 6.000 euros annuels par apprenti à 4 500 euros. « Quand on est une petite entreprise, même quand on travaille comme un bourrin, on n'arrive pas à s'en sortir à la fin du mois. On nous prend déjà 46% de nos revenus. Alors si on veut nous enlever ce petit avantage, il y a un vrai problème », tempête cet entrepreneur, dont la société, Eldan Sanitaire, emploie un nouvel apprenti tous les deux ans.

Il devra sans doute payer désormais des charges sociales sur le salaire, supérieur à 0,5 Smic, alors que les salaires inférieurs à 0,79 Smic en sont pour l'instant exonérés. Ses apprentis, des garçons de 16 à 18 ans « généralement en échec scolaire », « apprennent un métier et sont contents de l'expérience », assure-t-il. Et leur présence lui a permis d'accepter des chantiers qu'il aurait autrement été incapable de mener seul. « On ne change pas un chauffe-eau tout seul, il faut être deux », observe-t-il. S'il y a des baisses d'aides, « je ne prendrai plus d'apprenti, c'est aussi simple que ça », envisage-t-il.

Un Smic par mois

Angy (prénom modifié), architecte d'intérieur de 29 ans, loue un petit T2 dans le centre de Nice sur AirBnb. Elle en a hérité et a décidé de le louer à des touristes, car, auto-entrepreneure, elle juge son activité « aléatoire ». « J'ai opté pour la location saisonnière parce que cela rapporte beaucoup plus (que la location classique, NDLR), grâce à la très forte demande pendant les mois d'été », explique Angy, qui retire de sa location en moyenne « un Smic par mois » et gère elle-même réservations, accueil des clients et nettoyage. « Si la fiscalité est modifiée, tout cela pourrait tomber à l'eau », craint-elle.

Le budget présenté jeudi ne prévoit pas de hausse d'impôts sur les revenus de la location. En revanche, une modification fiscale, censée rapporter 200 millions d'euros par an, devrait augmenter le montant de la plus-value si Angy décide de revendre : les amortissements qu'elle aura éventuellement déduits de ses recettes pendant la location de l'appartement seront désormais pris en compte dans le calcul de la plus-value immobilière de son bien.

Pour justifier cette nouvelle disposition, le texte souligne le risque que l'avantage actuellement accordé ne favorise la location de meublés, en particulier touristiques, au détriment de l'offre de résidences principales classiques.

« Problème de succession »

Dans la famille Thel, à Lille, on possède l'entreprise de vente et réparation d'appareils ménagers du même nom depuis cinq générations. Jean-Jacques, 74 ans, le père, possède 75% des parts de la SARL et son fils Jean-Christophe 25%. « On a un gros problème de succession », raconte ce septuagénaire à la retraite depuis dix ans, tout en travaillant encore, sans se payer de salaire, pour l'entreprise qu'une faible marge empêche de transmettre à Jean-Christophe.

Une modification du pacte Dutreil, qui exonère de 75% les successions d'entreprises familiales, serait pour eux une catastrophe. Évoquée çà et là car la loi suscite parfois des abus, la réforme ne figure toutefois pas dans le budget présenté jeudi. Le gouvernement ne semble finalement pas favorable à une modification du dispositif, mais tout peut arriver pendant le débat parlementaire. « Un petit artisan ne devrait pas payer de droits de succession du tout », s'agace M. Thel, qui juge qu'il y a « une incompréhension de ce qu'est l'entreprise ».