Voici un dossier dont le calendrier réglementaire vient percuter de plein fouet la campagne des législatives anticipées suite à la dissolution de l'Assemblée nationale. Le gouvernement n'a d'autre choix que de publier un décret posant les règles de l'assurance chômage. Mais en maintenant sa réforme prévue au 1er décembre 2024 ?

Pourquoi un décret sera publié en juin malgré les législatives

« Au plus tard jusqu'au 30 juin 2024 ». Extrait du décret du 21 décembre 2023 « prorogeant temporairement les règles du régime d'assurance chômage », lequel renvoie à un arrêté ou à un décret en Conseil d'Etat devant donc impérativement paraître au Journal officiel d'ici la fin du mois.

Le décret pris fin 2023 par le gouvernement était déjà un texte temporaire : en résumé les partenaires sociaux (syndicats et patronat pilotant l'Unédic) s'étaient mis d'accord sur une nouvelle convention d'assurance chômage, laquelle devait être validée par décret... mais le gouvernement ne l'a pas fait, publiant ce décret en attendant et réclamant une nouvelle copie aux partenaires sociaux... or les négociations n'ont pas abouti. Ce qui permettait au gouvernement d'imposer sa réforme de l'assurance chômage par décret. Problème : les élections législatives anticipées bousculent le plan établi.

« Sans décision de l'Etat, il n'y aura plus d'assurance-chômage au 1er juillet »

Que se passera-t-il si rien n'est publié d'ici la fin juin ? Il n'y aurait plus de cadre réglementaire au 1er juillet 2024. Autrement dit, zéro indemnité à partir de juillet (indemnité versée le 1er août 2024) pour les chômeurs...

« Cette réforme intervient car les partenaires sociaux ne sont pas parvenus à un accord », expliquaient les services du Premier ministre à la fin mai. « Sans décision de l'Etat, il n'y aura plus d'assurance-chômage au 1er juillet. » Peu importe si les élections législatives se tiennent les 30 juin et 7 juillet : le gouvernement doit acter le cadre réglementaire de l'assurance-chômage pour les prochains mois. Avec plusieurs scénarios possibles.

Scénario 1 : décret « d'attente » et réforme remise à plus tard

« Il faut de toute manière avoir une réponse au 30 juin, parce que le décret actuellement en application se termine au 30 juin », a rappelé hier, mardi, la ministre du Travail Catherine Vautrin sur France Info. Quel type de décret ? Avec ou sans la réforme ? « C'est le président de la République et le Premier ministre, qui est encore en activité jusqu'aux élections, qui prendront [la] décision. » Car elle a évoqué pour la première fois hier la possibilité de prendre « un décret de jointure », autrement dit des règles temporaires, « ce qui s'est déjà produit depuis le 31 décembre 2023 jusqu'au 30 juin 2024 ». De fait, le décret actuel est effectivement un cadre temporaire... en attente d'accord ou d'un texte gouvernemental. Il s'agirait alors de prolonger ce temps d'attente... Les règles d'indemnisation resteraient alors inchangées, du moins temporairement.

Charge ensuite à la nouvelle équipe gouvernementale, une fois les élections législatives passées, de reprendre le texte initial de la réforme de l'assurance-chômage tel que Gabriel Attal l'a présentée fin mai. Ou non.

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« Est-ce que ça doit passer par l'Assemblée ? Est-ce que ça doit passer par un décret ? »

Lors de sa conférence de presse de lancement des élections législatives, ce mercredi 12 juin, le président de la République Emmanuel Macron s'est voulu ouvert à plusieurs scénarios concernant le durcissement programmé des règles d'indemnisation chômage, en voulant respecter l'actuel « temps électoral » : « Est-ce que ça doit passer par l'Assemblée ? Est-ce que ça doit passer par un décret ? On le verra le lendemain [des élections législatives anticipées du 30 juin et 7 juillet, NDLR]. »

Scénario 2 : réforme maintenue pour être améliorée par un nouveau gouvernement

« Je pense que cette réforme est bonne et je l'assume », a déclaré Emmanuel Macron ce mercredi 12 juin, répétant plusieurs fois « je l'assume ». Mais il ouvert la porte à un assouplissement y compris en cas de gouvernement nommé avec une majorité axée autour du groupe Renaissance comme aujourd'hui : « On ne peut pas dire que c'est un intangible, sinon on ne peut pas dire “on va négocier des choses” et qu'on doit ouvrir [la majorité présidentielle, NDLR] ».

« Je ne veux pas préempter le jour d'après », a encore ajouté le président de la République. En clair : même avec un gouvernement Attal numéro 2, ou avec un gouvernement fidèle à la ligne politique d'Emmanuel Macron, cette réforme pourrait être retravaillée à l'Assemblée ou par décret. Selon un calendrier qui resterait toutefois à définir, à une échéance probablement plus lointaine que le 1er décembre 2024 comme prévu initialement.

Scénario 2 bis : réforme maintenue, point

Ce scénario n'est pas à exclure même si les déclarations de Catherine Vautrin hier mardi et d'Emmanuel Macron aujourd'hui mercredi la rendent plus improbable. Tout dépendra évidemment des forces en présence à la suite des élections. Mais le gouvernement peut toujours décider de reprendre sa réforme telle quelle après la phase de transition des élections.

Voire de publier le décret de la réforme tel qu'il était prévu fin juin : ce serait un signal délicat à gérer en période électoral mais cela reste une option pour le gouvernement de Gabriel Attal.

Scénario 3 : un nouveau gouvernement qui change tout

Impossible de devenir à ce jour à quoi ressemblera l'Assemblée nationale le 8 juillet 2024. Avec une majorité absolue ? Une majorité relative ? Aucune majorité claire ? Un nouveau gouvernement pourrait tout à fait revenir sur la réforme prévue par Gabriel Attal et son équipe. Et encore plus facilement si c'est un décret « de jointure », temporaire, qui est publié d'ici la fin juin.

Un nouveau gouvernement peut aussi décider de profiter d'une nouvelle transition de quelques mois (avec ce fameux décret « de jointure » pour la fin 2024) pour redonner la main aux partenaires sociaux gérant l'Unédic pour fixer eux-mêmes un nouvel accord. Dans un communiqué publié le 11 juin, l'Unédic souligne déjà la trajectoire financière positive du régime : « De 2,6 millions de personnes à fin 2024, le nombre de chômeurs indemnisés passerait à 2,3 millions fin 2027, sous l'effet de la pleine montée en charge de la réforme de l'Assurance chômage entrée en vigueur au 1er février 2023, ainsi que de la reprise de l'activité économique. » Concernant le projet de réforme annoncé fin mai, l'Unédic estime « à ce stade » les économies générées « entre 3,2 milliards d'euros et 4,4 milliards d'euros en 2027 ».