Les plus de 60 ans travaillent de plus en plus en France, une tendance qui s'accélère avec la réforme des retraites, mais retrouver un emploi à cet âge, souvent pour répondre à une nécessité financière, peut rester une « galère » selon des seniors interrogés par l'AFP.

Le taux d'emploi des 60-64 ans a progressé en 2023 de 2,7 points de pourcentage pour passer à 38,9%, après une augmentation de 0,7 point un an plus tôt, a rapporté ce mercredi la Dares, la direction des statistiques du ministère du Travail. « Cela peut s'expliquer par l'entrée en vigueur de la dernière réforme des retraites : depuis le 1er septembre 2023, les personnes nées à partir du 1er septembre 1961 » doivent travailler trois mois de plus, jusqu'à 62 ans et 3 mois, indique la Dares.

Avec le relèvement progressif et controversé de l'âge de départ, la hausse devrait s'accélérer. Elle s'inscrit dans une tendance longue : en 2001, alors que l'âge légal était fixé à 60 ans, seuls 10,8% des 60-64 ans travaillaient.

Rester en emploi est souvent une nécessité financière

Malgré cette hausse, la part des 60-64 ans en emploi reste encore 12 points en-dessous de la moyenne européenne, l'écart étant plus important pour les hommes que pour les femmes. Fin 2023, le gouvernement avait affirmé que le taux d'emploi à ces âges allait mécaniquement augmenter sous l'effet de la réforme des retraites autour de 60%, souhaitant même le porter à 65% « à l'horizon 2030 ».

Rester en emploi est souvent une nécessité financière, selon une enquête récente de l'Insee, notamment chez les ouvriers, employés et professions intermédiaires qui perçoivent une pension qui ne couvre pas leurs besoins.

Retraite : ils sont plus de 10% à travailler, et ce n'est pas (toujours) pour une question d'argent

« La retraite est beaucoup trop basse et la vie a fait qu'à 50 ans j'ai dû acheter une maison et que j'ai encore quatre ans à payer », rapporte à l'AFP Béatrice Brevière. Elle complète sa pension avec un travail de dame de compagnie auprès d'une femme de 98 ans atteinte de la maladie d'Alzheimer. « C'est un boulot très pénible et moralement c'est très fatigant parce qu'il n'y a aucune conversation possible, aucun lien social », déplore cette retraitée née en 1961.

Des entreprises « frileuses »

Si le taux de chômage des 55-64 ans est à 5,4%, plus bas que celui de l'ensemble des actifs (7,3%), retrouver un emploi pour ceux qui le perdent relève souvent du parcours du combattant. « Je vais sur 62 ans, ça fait des mois que je réponds à toutes les annonces que je vois passer sur Cadremploi, sur Indeed, etc. Et dans le meilleur des cas on me répond, mais pas positivement », témoigne de son côté François Moret.

« Les quelques personnes qui ont accepté de me recevoir m'ont clairement dit que j'étais trop vieux », ajoute cet ancien patron de groupement de laboratoires d'analyses. « Ça fait trois ans que je galère », ajoute-t-il en précisant devoir se contenter de dix-huit heures par semaine à s'occuper d'enfants autistes.

« Il y a encore beaucoup d'entreprises qui sont frileuses pour recruter des seniors », même si certaines d'entre elles, notamment des TPE, « commencent à s'intéresser à des profils plus expérimentés », explique Valérie Gruau, fondatrice de la plateforme seniorsavotreservice.com.

« Il faut être indépendant pour pouvoir travailler, je suis sûre que je n'aurais jamais été embauchée » comme salariée, affirme de son côté Fabienne Testevuide, qui a pris sa préretraite à 59 ans avant de se former comme gestionnaire de patrimoine et de travailler comme prestataire pour diverses entreprises.

Bientôt une réouverture des discussions ?

Syndicats et patronat ont tenté de trouver un accord pour mieux maintenir les seniors en emploi et améliorer leurs conditions de travail, mais la négociation, encadrée par le gouvernement, s'est soldée par un échec au mois d'avril.

Le président du Medef, Patrick Martin, a proposé fin août de rouvrir ces discussions, sans que les syndicats ne ferment la porte. Mais les engagements que pourraient prendre les patrons restent à préciser, alors qu'ils ont refusé jusqu'ici les propositions contraignantes faites par les syndicats, comme le droit à une retraite progressive.