Réduire le déficit, quitte à rogner sur la croissance ? Dans son projet de loi de finance (PLF) et de financement de la sécurité sociale (PLFSS), le gouvernement affiche une ambition d'économies drastiques, au point d'affaiblir un peu la perspective de croissance pour 2025.

Baisse des dépenses, hausse des recettes : l'exécutif actionne les deux leviers des comptes de l'Etat pour trouver les 60 milliards d'euros censés lui permettre de ramener le déficit à 5% du Produit intérieur brut (PIB) en 2025, mais « toute réduction du déficit public a des effets négatifs sur l'activité à court terme », note François Ecalle, président du site spécialisé Fipeco et ex-magistrat à la Cour des comptes.

L'effort budgétaire, qui représente, en tendance, 60 milliards d'euros et 2 points de PIB, « est une énorme cure d'austérité », commente pour l'AFP Gabriel Zucman, économiste, professeur à l'Ecole normale supérieure, pour qui « en général » ce genre de mesures « se traduit par des effets récessifs notables ». L'exécutif lui-même concède que les mesures proposées dans le PLF pourraient coûter 0,1% à 0,2% à la croissance du PIB, qu'il anticipe à 1,1% pour 2025.

Vendredi matin, devant la commission des finances de l'Assemblée nationale, le ministre de l'Economie Antoine Armand a affirmé essayer « de réduire autant que possible l'impact sur l'activité ». Mais selon un avis du Haut conseil des finances publiques (HCFP) publié jeudi, le gouvernement « suppose que, sans ajustement budgétaire, la croissance aurait été en forte hausse en 2025, à un niveau de 1,7% », soit une différence de 0,6% avec l'anticipation actuelle.

Pour déterminer l'impact du PLF sur la croissance, « les modalités importent. En particulier le choix entre la fiscalité et les dépenses », explique Denis Ferrand, directeur général de l'institut Rexecode. Choisir de réduire les dépenses de prestations sociales a par exemple « un effet immédiat » sur la croissance, mais « beaucoup moins sur le long terme », estime François Ecalle. A l'inverse, la fiscalité sur les entreprises « n'a pas tellement d'effets immédiats mais beaucoup plus sur le long terme », complète le spécialiste, notamment sur la décision des entreprises d'investir ou non.

A Bercy, Antoine Armand considère que les effets du budget 2025 seront « réduits » en raison « des personnes et des acteurs » concernés. Pour appuyer son propos, le ministre met en avant deux des mesures phare du PLF : les contributions « exceptionnelles » demandées aux ménages les plus riches et aux 400 plus grosses entreprises. Des mesures temporaires, et circonscrites, censées limiter « l'impact sur la croissance », selon M. Armand.

Des « hypothèses favorables »

« Si c'est vraiment exceptionnel, les agents ne modifient pas leur comportement », confirme François Ecalle. « Le problème est : est-ce crédible ? Je ne suis pas sûr », nuance le spécialiste, pour qui, d'expérience, les hausses d'impôts présentées comme temporaires finissent par s'inscrire dans le temps.

La prévision de croissance du gouvernement pour 2025, anticipée à 1,1%, « apparaît en premier lieu un peu élevée », écrit le Haut conseil des finances publiques, notamment en raison du « repli de la demande publique et des mesures de hausse des prélèvements obligatoires » prévus par le PLF.

L'institution considère que, pour compenser l'impact du budget, le gouvernement a choisi de retenir des « hypothèses favorables » dans son anticipation de croissance, notamment sur « l'investissement des entreprises et la baisse du taux d'épargne des ménages ». Autrement dit, concernant ce dernier point : le gouvernement mise un rebond de la consommation, en berne en 2024.

L'incertitude politique et fiscale pourrait « conduire certains ménages à épargner »

Mais l'incertitude politique et fiscale du moment pourrait au contraire « conduire certains ménages à épargner », affirme François Ecalle. Selon Gabriel Zucman, pour stabiliser la dette publique, « l'essentiel est d'augmenter la croissance ». Or sur les 60 milliards d'euros d'efforts budgétaires prônés par le gouvernement, 40 milliards reposent sur des réductions de dépenses publiques, pourtant « l'un des moteurs essentiels de la croissance », indique Zucman.

« Si on réduit les dépenses dans l'éducation, dans les infrastructures, dans la santé », alors que la dépense publique est « l'un des moteurs essentiels de la croissance, on risque de se tirer une balle dans le pied », insiste l'économiste. « Pensant réduire le déficit, on risque de casser la croissance et d'exacerber les problèmes de dettes publiques auquel on fait face aujourd'hui », conclut Gabriel Zucman.