Le gouvernement qui espère voir l'économie repartir de plus belle réclame des hausses de salaire dans le privé. MoneyVox vous explique comme aborder le sujet avec votre direction en mettant toutes les chances de votre côté.

Animé par des prévisions de croissance meilleures que prévu, le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire a allumé la première mèche en demandant « une meilleure rémunération pour ceux qui ont les revenus les plus faibles ». Sera-t-il entendu ? Selon l’enquête annuelle du cabinet de conseil Deloitte (1) publiée mercredi, un salarié sur deux n'a obtenu aucune évolution de sa fiche de paie depuis 2019, une année pré-Covid 19 où le salaire moyen dans le privé était de 2 494 euros nets par mois. Les plus chanceux et/ou méritants ont pu obtenir seulement + 0,6% en moyenne cette année. Mais les perspectives sont bonnes et ce chiffre pourrait passer à 1,8% en 2022.

Si des disparités fortes existent entre les métiers, les régions et les statuts (cadre, non cadre), MoneyVox vous explique comment préparer vos négociations à venir. Pour préparer cet échange avec votre supérieur, choisissez minutieusement les arguments les plus pertinents pour formuler une demande crédible et obtenir gain de cause.

1 - Connaître le contexte global

Si la France table sur une croissance de 6% cette année selon l'Insee, après un décrochage de 8,3% en 2020, celle-ci s’accompagne d’une hausse des prix qui devrait atteindre 1,5% d'après la Banque de France. En effet, partout dans le monde, le prix des matières premières agricoles comme le sucre ou le blé est en hausse à l’instar du bois, du PVC ou de l’acier. Acheter des pâtes comme réaliser des travaux à son domicile s’annonce plus coûteux. Le coût de l'énergie augmente aussi de manière spectaculaire : pour le troisième mois consécutif, les tarifs réglementés du gaz sont en hausse de près de 10% en France. En juillet, ceux de l’électricité ont aussi augmenté. Quant aux prix du carburant, ils grimpent aussi. Résultat, ces hausses de prix rognent de facto votre pouvoir d'achat. Par ailleurs, dans certains secteurs (hôtellerie-restauration, bâtiment...), il existe des difficultés de recrutement qui peuvent jouer en votre faveur.

L'ensemble de ces facteurs ne sont pas des arguments à utiliser de but en blanc mais doivent être connus avant de négocier une augmentation.

2 - Connaître son entreprise

« La règle courante dit qu’il faut toujours proposer plus pour avoir moins », souligne Virginie Foyard, directrice associée chez Robert Half, un cabinet de recrutement spécialisé. Pour autant, ne demandez pas la lune. Il est essentiel de connaître la politique salariale de votre entreprise. Cela permet souvent d’obtenir un résultat plus satisfaisant car la demande est jugée crédible et réaliste.

Connaître le niveau de rémunération de ses collègues, « c’est la base », juge l’experte, même si les questions d'argent restent taboues en France. Cette information doit nourrir votre demande mais pas à être utilisée telle qu’elle. Même si vous connaissez le montant de la fiche de paie de votre voisin de bureau, vous n’avez pas forcément une connaissance fine de ce qui justifie sa rémunération.

Au-delà du montant en euros du salaire, les hausses de rémunération se font souvent en pourcentage. Pareil, il est nécessaire de savoir ce qui se pratique dans l’entreprise où vous travaillez… comme chez les concurrents. Pour autant, si vous mentionnez d’autres employeurs, évitez le chantage qui aura pour effet de voir l'augmentation vous passer sous le nez et d’écorner votre image.

S’il est prévu une augmentation collective des salaires, tenez en compte dans votre demande.

Enfin, votre entreprise peut aussi récompenser ses salariés les plus méritants avec des primes ponctuelles ou même des avantages en nature (voyages pour les commerciaux par exemple).

3 - Connaître son travail… et évaluer ses résultats individuels

Pour défendre votre demande, lister d’abord vos compétences techniques et opérationnelles : logiciels maîtrisés, langues étrangères, management, fonctions occupées au sein de l’entreprise dans le passé. Quand vous ferez le bilan de vos réalisations, insistez sur vos succès mais n’oubliez pas vos échecs ! On peut aussi parler « d'axes d'améliorations » à définir avec le supérieur. Le passé n’est pas tout : projetez-vous dans le futur en termes de missions ou de postes. Cette attitude positive doit rassurer votre patron et lui permettre d’envisager l’avenir avec vous.

Au même titre que faire une demande financière crédible renforce votre position, se montrer lucide sur son travail dénote un recul appréciable. Quand vous vous valorisez, n’oubliez pas de montrer comment cela a été profitable au collectif.

Si votre travail a débouché sur une promotion, relisez le paragraphe « Connaître son entreprise » pour faire une demande réaliste et cohérente avec les pratiques en vigueur. Généralement, dans ce cas de figure la hausse demandée est plus importante. Une somme pouvant atteindre dans ce cas 10% de la rémunération annuelle quand les autres augmentations se situent plutôt autour de 3%.

4 - Connaître son interlocuteur

Lors d’un entretien annuel ou d’un rendez-vous spécifique pour une demande d’augmentation, votre interlocuteur vous jauge aussi en direct. Il est important de trouver le bon ton, de garder son calme en toutes circonstances et de se montrer assuré dans son argumentaire, sans être arrogant.

Il est conseillé de ne pas attaquer « bille en tête » sur la question du salaire pour ne pas crisper son interlocuteur, sans pour autant attendre la toute fin de l'échange. Echanger des généralités sur le travail en introduction permet de se détendre et de trouver le bon moment pour rentrer dans le vif du sujet.

5 - Connaître ses droits

L'employeur n'est pas tenu d’augmenter ses salariés, sauf si ceux-ci sont embauchés au salaire minimum, le SMIC, revalorisé chaque année en fonction de l'inflation. Les augmentations collectives comme individuelles sont à sa libre appréciation.

Une promesse orale n’a pas de valeur légale. Si par exemple, on vous promet d’étaler votre augmentation sur plusieurs années, demandez à ce que l’offre soit écrite noire sur blanc. Un courrier ou un mail vous permettra d’argumenter en ce sens et de faire valoir vos droits.

Métier, localisation, genre... ces éléments qui influent sur la rémunération

Pour bien négocier, le premier atout de certains est le risque pour votre employeur de vous perdre. Ainsi selon l’étude du cabinet Deloitte, les métiers de l’informatique, du numérique et de la santé sont les plus recherchés. Ils sont de fait souvent mieux rémunérés que la moyenne avec les emplois dans la finance.

Où travailler ? Paris n’est pas plus l’alpha et l’omega pour obtenir des revenus attractifs même si la capitale concentre toujours un maximum de hauts revenus. L’écart entre l’Ile-de-France et les grandes villes de province (Marseille, Lyon, Lille, Bordeaux, Nantes…) tend à se restreindre sous l’impulsion du télétravail. En effet, en cas de déménagement, des cadres interrogés dans l’étude disent maintenir leurs émoluments.

A l’inverse, l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes à poste équivalent se maintient à 3,7%. Les secteurs touchés par la crise sanitaire présentent notamment des emplois majoritairement occupés par des femmes, selon les conclusions du cabinet.

(1) Etudes sur les rémunérations 2021, 10ème édition