En France, les moins de 25 ans sont les plus touchés par la pauvreté. Un problème plus ou moins bien traité par les candidats à l'élection présidentielle, avec un net clivage entre les candidats marqués à gauche, globalement favorables à la mise en place de minima sociaux dès 18 ans, et les autres, qui cherchent à améliorer, souvent à la marge, le pouvoir d'achat des jeunes actifs.

C'est une des classes d'âge les plus touchées par la pauvreté, celle aussi pour laquelle sa progression a aussi été la plus forte sur les 15 dernières années. En France en 2019, selon l'Insee, 12,5% des 18-29 ans vivait sous le seuil de pauvreté, un chiffre qui monte à près de 20% chez les étudiants. Et la crise du Covid semble encore avoir accentué le phénomène : « (...) Selon le témoignage du secrétaire général des Restos du cœur, la moitié des personnes que l'association aide ont moins de 25 ans, et 40% d'entre eux sont mineurs », explique un rapport parlementaire de décembre 2020 sur le sujet (1),

Pour autant, la situation financière des jeunes Français est loin de figurer parmi les thèmes centraux de l'actuelle campagne présidentielle. Peut-être parce que les moins de 25 ans sont aussi ceux qui sont le plus tentés par l'abstention. Voici ce que nous avons trouvé dans les programmes de 12 candidats à l'élection des 10 et 24 avril prochains.

A gauche, la tentation d'un revenu de base dès 18 ans

C'est, de loin, le candidat de gauche favori des 18-24 ans, avec 24% d'intentions de vote (2). Sa volonté réaffirmée d'améliorer les conditions de vie de la jeunesse n'y est sans doute pas pour rien. Candidat de La France Insoumise (LFI), Jean-Luc Mélenchon a dédié un livret entier de son programme, « L'Avenir en commun », à la question de l'autonomie des jeunes. Il y promet notamment la mise en place d'une « garantie d'autonomie », à hauteur du seuil de pauvreté (1 063 euros), ouvert aux 18-25 ans à condition qu'ils soient détachés du foyer fiscal parental et en formation. Cette allocation remplacerait le système actuel des bourses et, contrairement à ces dernières, serait versée toute l'année, y compris pendant l'été. Objectif affiché : limiter la nécessité de cumuler études et salariat pour financer ces dernières. Pour les autres, ceux qui sont sans emploi et sans formation, le candidat LFI promet, en vrac, la création de 300 000 emplois spécifiques jeunes, l'augmentation des indemnités de stage ou la mise en place d'une aide à la recherche du premier emploi.

Comme Jean-Luc Mélenchon, le candidat écologiste Yannick Jadot souhaite créer un « revenu citoyen », versé automatiquement et garantissant que personne ne vive avec moins de 918 euros mensuels. Ce dispositif sera également ouvert aux jeunes, à partir de 18 ans, sans condition de formation. Un dispositif qui a des points communs avec ceux proposés par les candidats anti-capitalistes Philippe Poutou et Nathalie Arthaud, plus généreux toutefois. Le « présalaire d'autonomie » du candidat du NPA (Nouveau Parti anti-capitaliste), accessible dès 16 ans, serait fixé à 1 350 euros par mois, soit 75% d'un SMIC revalorisé à 1 800 euros. La porte-parole de Lutte Ouvrière, elle, annonce qu'« aucun salaire, aucune allocation, aucune pension ne doit être inférieur à 2 000 euros par mois. »

Présidentielle : qui veut instaurer un revenu de base universel ?

Certains candidats de gauche envisagent la mise en place de dispositifs plus spécifiquement fléchés vers les jeunes. Dans « La France des jours heureux », Fabien Roussel, candidat du Parti Communiste Français (PCF) propose la création d'un « revenu minimum étudiant », fixé à 850 euros par mois, pouvant aller jusqu'à 1 000 euros « pour les jeunes des milieux les plus modestes ». Une manière de décharger les familles, au profit « d'un financement mutualisé à l'échelle de la collectivité ». Pour les non-étudiants, le communiste propose notamment de créer un « nouveau service public de l'emploi et de la formation », avec formation qualifiante rémunérée à hauteur du revenu étudiant.

Candidate du Parti Socialiste, Anne Hidalgo évoque, elle, dans son programme la mise en place d'un « minimum jeunesse », sous conditions de ressources, sans fournir de montant. Elle promet aussi d'accorder 5 000 euros à tous les jeunes atteignant 18 ans, afin de « leur permettre de pouvoir envisager un projet professionnel ou d'éducation ».

Roussel et Lassalle pour une extension du RSA aux 18-25 ans

Le président sortant et candidat à sa réélection Emmanuel Macron l'a rappelé le 17 mars dernier, à l'occasion de sa conférence de presse programmatique : « Je n'ai pas voulu faire le RSA pour les 18-25 ans parce que je considère que c'est en quelque sorte nous satisfaire d'une idée qu'on traiterait la pauvreté ou la précarité uniquement à travers des prestations monétaires ». Il lui a préféré un « Contrat d'engagement jeunes », une allocation ouverte dès 16 ans et pouvant atteindre 500 euros par mois, en fonction des ressources et sous réserve de consacrer 15 à 20 heures par semaine à des activités tournées vers un projet professionnel et la recherche d'emplois. Il est entré en vigueur le 1er mars dernier.

Le RSA jeunes reste toutefois d'actualité pour deux candidats, Jean Lassalle et Fabien Roussel, qui se prononcent tous deux pour une extension du revenu de solidarité active aux 18-25 ans. Fabien Roussel y voit cependant une réponse à « l'urgence immédiate », le temps de créer suffisamment d'emplois, via notamment la réindustrialisation du pays. « Mon ambition pour le pays, ce n'est pas de proposer le RSA comme horizon aux jeunes », modère-t-il.

A droite, les jeunes actifs ciblés

A droite de l'échiquier, traiter le cas spécifique de la pauvreté des jeunes, notamment de ceux qui étudient, ne semble pas une priorité. Candidate de Les Républicains, Valérie Pécresse annonce bien la création d'un « revenu jeune actif ». Mais celui-ci est uniquement fléché vers les 18-25 ans acceptant de s'engager « dans une formation dans les métiers en tension ».

A l'extrême-droite, Marine Le Pen, candidate du Rassemblement national créditée de 18% d'intentions de vote chez les moins de 25 ans, cible également les jeunes actifs. Elle promet la création d'un chèque-formation mensuel de 200 à 300 euros pour les apprentis, les alternants et leurs employeurs, et une exonération d'impôt sur le revenu pour les jeunes actifs de moins de 30 ans. Même son de cloche chez son concurrent Eric Zemmour. Le polémiste veut favoriser le pouvoir d'achat des apprentis et leur embauche en CDI, mais de façon indirecte, en augmentant le niveau d'exonération des cotisations salariales et patronales.

Le projet de Nicolas Dupont-Aignan, enfin, évoque bien un revenu universel sans contrepartie, mais comme un exemple de ce qu'il ne faut pas faire. Le candidat souverainiste de Debout la France lui préfère un contrat de travail universel, à destination des jeunes et des chômeurs de longue durée, qui conditionnera l'accès aux allocations de réinsertion à la réalisation d'une « activité d'intérêt général à mi-temps au service des collectivités ».

(1) Rapport fait au nom de la commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse, décembre 2020. Source. (2) Sur cette classe d'âge, c'est Emmanuel Macron qui arrive en tête (28%) devant Jean-Luc Mélenchon (24%) et Marine Le Pen est 3e (18%). A gauche, Yannick Jadot est crédité de 7% et Anne Hidalgo de 4%. Source : baromètre Harris-Interactive Toluna pour Challenges, réalisé en ligne du 18 au 21 mars 2022 sur un échantillon de 2 344 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, dont 1 997 personnes inscrites sur les listes électorales.