Une monnaie et une place de marché numériques au service de la solidarité : c'est le nouveau projet de Ryad Boulanouar, fondateur du compte Nickel. En gestation depuis 2020, « Mon Ami Poto » se lance officiellement en septembre. Son inventeur nous explique comment ça marche.

Ryad Boulanouar, Fondateur de Mon Ami Poto
Ryad Boulanouar
Fondateur de Mon Ami Poto
Ryad Boulanouar est ingénieur et serial entrepreneur depuis 2002. Il est notamment le fondateur de Nickel, le compte de paiement ouvert à tous distribué en bureaux de tabac. Depuis 2020, il s’est lancé dans une nouvelle aventure en créant Mon Ami Poto (MAP).
Ryad Boulanouar, comment en êtes-vous venus à créer « Mon Ami Poto » ?

Ryad Boulanouar : « Après avoir vendu Nickel à BNP Paribas [en 2017, NDLR], je me suis posé la question de ce que j'allais faire ensuite. Rapidement, je me suis intéressé à un marché qui me tient à cœur, mais qui ne fonctionne pas très bien : celui de la solidarité. Je me suis immergé dans le sujet pendant 3 ans, pour voir ce qui coinçait et ce que je pouvais apporter, en termes d'innovations. »

Quelle a été votre conclusion ?

Ryad Boulanouar : « La solidarité est un marché extrêmement vaste et qui ne manque pas de moyens : 5 milliards d'euros de dons sont déclarés aux impôts chaque année par les seuls particuliers. Si l'on rajoute le mécénat des entreprises, les legs, les donations, etc., on atteint certainement les 15 milliards. Mais il y a beaucoup de choses qui coincent. Cela commence par les donateurs. Ils sont beaucoup trop passifs : on se fait prélever et on considère qu'on a fait notre job.

« Les donateurs sont beaucoup trop passifs »

Mon idée est donc de leur donner des moyens de vérifier que leur argent est vraiment utile, et ainsi les encourager à donner plus. Il y a les associations ensuite. Elles sont très nombreuses et diverses. Mais une dizaine d'entre elles seulement attirent toute la lumière. Aux autres, qui restent dans l'ombre, il faut donner plus de visibilité et de moyens. Tout cela m'a amené à la conclusion qu'il fallait créer une monnaie numérique permettant de mesurer, fluidifier et flécher la solidarité, et une marketplace [place de marché numérique, NDLR] où échanger cette monnaie. »

Mon Ami Poto
Image fournie par Mon Ami Poto
Cette monnaie, vous l'avez appelée « Poto ». Comment fonctionne-t-elle ?

Ryad Boulanouar : « Elle reprend certains des principes les plus intéressants des cryptomonnaies. Elle est tokenisée, c'est-à-dire que chaque centime a un numéro de série unique. Elle est publique : chaque transaction est enregistrée en temps réel dans un registre inviolable. A la différence des cryptomonnaies, en revanche, elle est rematérialisée sous la forme de pièces et de billets, afin de faciliter son appropriation. Elle est aussi non spéculative : chaque Poto en circulation correspond à un euro que nous plaçons sur un compte de cantonnement. Une fois créé, chaque Poto peut être utilisé sur la marketplace, qui a vocation à rassembler les acteurs de la solidarité. Actuellement, elle en référence une soixantaine, dans le domaine du logement, de la santé, du transport, de l'éducation, de l'emploi etc. D'autres vont arriver, mais je ne souhaite pas aller au-delà de 200, quitte à encourager les associations qui exercent dans le même domaine à fusionner. »

« Une monnaie tokenisée, publique et non spéculative »

La principale promesse faite aux usagers est la capacité à suivre l'usage qui est fait de leur don. Comment ça marche ?

Ryad Boulanouar : « Le fait que le Poto soit une monnaie tokenisée lui donne une particularité très intéressante : on peut suivre facilement l'usage qui en est fait. On peut choisir de réserver son usage à certains sujets : je veux que mes 20 Potos servent à acheter de la nourriture. Je donne 50 Potos mais c'est pour payer une facture d'électricité. Cela permet au donateur de suivre facilement et précisément l'impact de son don. Nous l'accompagnons également avec une intelligence artificielle, qui autorise les interactions en langage naturel et permet, entre autres, de l'orienter vers l'association qui lui convient. L'IA a deux atouts : elle est désintéressée et elle n'est pas humaine, ce qui permet de tout lui dire. »

Mon Ami Poto
Image fournie par Mon Ami Poto
Comment les associations peuvent-elles utiliser les Potos qu'elles collectent ?

Ryad Boulanouar : « Elles peuvent les transformer en euros et les virer sur un compte pour les utiliser dans le monde réel. Dans ce cas, nous prélevons une commission de 5% du montant. Elles peuvent également générer une carte bancaire dématérialisée et l'utiliser pour régler des dépenses avec un smartphone. Dans ce cas, la commission est de 4%. »