Le Sénat vient d'adopter une proposition de loi qui pourrait amener les banques à justifier automatiquement leur choix de fermer un compte courant, voire à leur interdire les fermetures unilatérales dans certains cas. Un texte qui déplaît fortement au secteur bancaire. Il doit désormais passer l'obstacle de l'Assemblée nationale.

Les banques devront-elles bientôt se justifier lorsqu'elles décident unilatéralement de clôturer le compte courant d'un client ? Ce n'est pas le cas actuellement : elles sont uniquement soumises, sauf exception, au respect d'un délai de préavis de 2 mois.

Une proposition de loi, adoptée jeudi par le Sénat, ouvre la voie à une évolution dans le domaine. En séance publique, la chambre haute a même renforcé le texte déposé en avril dernier et déjà amendé, en juin, par la Commission des Finances.

Banques : vers une obligation de justifier les fermetures de comptes

Des fermetures interdites dans certains cas ?

Dans la version adoptée jeudi, l'information du client en cas de fermeture devient automatique, et non plus déclenchée à la demande du client éconduit. Une seule exception existe, lorsque cette information amène à contrevenir « aux objectifs de sécurité nationale ou de maintien de l'ordre public ». Une précision destinée à couvrir un cas de figure en particulier : les fermetures de compte liées à certaines obligations dans la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.

Le texte remanié interdit également à un établissement bancaire de clôturer le compte courant lorsque cette fermeture est uniquement motivée par l'absence de rentabilité du client, son refus d'accepter une modification de la convention de compte ou par des montants de retraits jugés trop importants.

Il étend enfin le délai de préavis à 4 mois pour les Français établis à l'étranger.

Un texte inapplicable selon les banques

Le texte est encore loin d'avoir terminé son voyage législatif. Il va désormais être examiné à l'Assemblée nationale, où il devrait susciter des réserves.

La proposition de loi rencontre également une forte opposition de la part des banques. La Fédération bancaire française récuse l'idée qu'il existe des fermetures de comptes abusives : « Les banques n'ont aucun intérêt à clôturer des comptes. [Lorsqu'elles le font], c'est dans le respect de la réglementation et du délai de préavis », explique l'organisation professionnelle.

Elle estime aussi que la proposition de loi est incompatible avec une autre obligation : celle de cacher à un client l'existence d'une déclaration de soupçon à Tracfin, l'organe chargé de la lutte contre le blanchiment. « Si le collaborateur d'une banque donne les raisons de la clôture, a contrario, lorsqu'il ne la justifie pas, il sera aisé pour la personne dont le compte est fermé d'en déduire qu'il s'agit d'un motif lié à la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. La personne dont le compte est fermé sera ainsi alertée et pourra prendre les dispositions pour faire disparaître des éléments de preuve ».