La dégradation de la situation des banques de détail se confirme. Les bénéfices de cette activité plongent. Explications.

Un été chahuté pour les banques françaises. Elles viennent coup sur coup de présenter leurs résultats du premier semestre. Et ils sont loin de faire l'unanimité, concernant notamment les perspectives pour leurs activités de banque de détail. Les investisseurs ont lourdement sanctionné les publications de Société Générale, Crédit Agricole et BNP Paribas, qui ont perdu respectivement 5,9%, 5,6% et 2,9% la semaine dernière. Et la chute s'est encore aggravée ce lundi, sur fond de craintes de ralentissement aux Etats-Unis.

Si Société Générale a publié un bénéfice net de 1,1 milliard d'euros au deuxième trimestre, en progression de +23,7% sur un an, c'est principalement lié à la bonne santé de sa banque de financement et d'investissement. En revanche, des nuages planent au-dessus des activités de banque au quotidien, qui a vu son bénéfice net baisser de 15,4%, à 236 millions d'euros, malgré un chiffre d'affaires positif de 1,1% à 2,1 milliards d'euros.

Le crédit immobilier pèse

Une des explications vient de « l'environnement de marché atone » pour les crédits immobiliers, « en raison d'un environnement plus incertain et attentiste notamment après la dissolution », selon la directrice financière du groupe Claire Dumas.

Dans ce contexte, la marge nette d'intérêt qui mesure l'écart entre le taux appliqué par la banque à ses clients et son coût pour la banque est attendue désormais à 3,8 milliards d'euros cette année, contre 4,1 milliards d'euros auparavant. Un nouvel objectif sanctionné par les investisseurs.

La Banque Postale n'est pas en reste. « Dans un contexte de taux élevés et en ligne avec le marché immobilier toujours en contraction en France, la production totale de crédits immobiliers est en baisse de 32,8% sur un an..., le crédit à la consommation est en recul de 2,2% au premier semestre 2024 », souligne un communiqué. Selon l'AFP, l'activité de banque de détail en France de la Banque Postale est un gouffre financier qui s'est creusé l'an dernier avec une perte nette de 707 millions d'euros en 2023.

« En France, pour les grands groupes bancaires, la banque de détail, ça représentait 40% de leurs revenus en 2016, contre 28% aujourd'hui. »

« Les résultats des banques de détail sont vraiment alarmants et viennent après des résultats déjà effroyables en 2023. L'an dernier, le résultat net des banques de détail a chuté de 56% à la Société Générale de 24% chez BNP Paribas... On n'avait jamais vu de tels chiffres. Il y a le feu au lac. En France, pour les grands groupes bancaires, la banque de détail, ça représentait 40% de leurs revenus en 2016, contre 28% aujourd'hui », avertit Guillaume Almeras, fondateur du site de veille et de conseils Score Advisor.

Les difficultés de la banque de détail n'épargnent pas non plus le géant BNP Paribas. « Les résultats des activités commerciales restent affectés par deux maux déjà observés les trimestres précédents à commencer par le recul persistant de la marge d'intérêt dans la banque de détail en France (-9,5% sur le semestre à 1 638 milliards d'euros). Au total, le produit net bancaire de la banque de détail en France recule encore de 2,5% et son résultat avant impôt de 24,2% à 656 millions d'euros, indique Le Revenu.

Des réductions d'effectifs à venir ?

Selon Les Echos, BNP Paribas est en pleine réflexion pour rendre son réseau d'agences plus rentable :« Au cœur du sujet, la présence de clients qui ne génèrent pas assez de revenus face à l'importance des coûts. Les banques mutualistes (comme BPCE, Crédit Agricole ou Crédit Mutuel) répondent à cet enjeu par leurs importantes parts de marché ». Comme BNP Paribas n'a pas cette taille critique dans la banque de détail, elle mise sur le développement de sa banque en ligne Hello bank, qui a dépassé la barre du million de clients et qui pourrait encore grossir dans les mois à venir à la faveur de l'accord de référencement lui permettant d'accueillir les clients d'Orange Bank.

« En France, nous avons 29 000 agences bancaires en France, 2 fois plus par habitant qu'en Allemagne et en Espagne. Les effectifs ont baissé de 2% en France dans la banque depuis 2016, contre 13% dans le reste de l'Europe. Or si demain les banques commençaient à vraiment drastiquement réduire leur nombre d'agences et d'employés, il y aurait une casse sociale qu'elles n'ont pas envie de porter. Et le gouvernement ne souhaiterait surtout pas que cela se produise non plus. Pourtant, il faudra bien passer par des réductions d'effectifs car sinon les banques de détail vont continuer de s'enfoncer », analyse Guillaume Almeras.

De son côté, BPCE est aussi confronté à des difficultés. Le pôle Banque de proximité et assurance a vu son résultat avant impôts baisser de 11% sur la période, à 831 millions d'euros, pour un chiffre d'affaires en hausse de 2%, à 3,7 milliards d'euros. La marge de la banque est comprimée par la part de marché importante du groupe dans l'épargne réglementée. Rémunérés à 3% net cette année, les Livrets A et Livrets de développement durable et solidaire (LDDS) au bilan de BPCE représentent une charge proche de 2 milliards d'euros pour la banque.

Des provisions qui grimpent

Face à un environnement économique compliqué, BPCE a d'ailleurs provisionné 560 millions d'euros, un montant en hausse de 64% sur un an. Ce « coût du risque » est multiplié par deux au sein des deux réseaux français de banque de détail du groupe, les Banques populaires et les Caisses d'épargne, qui en supportent l'essentiel. Le résultat net de BPCE est ainsi en baisse de 17% sur un an au deuxième trimestre, à 806 millions d'euros, pénalisé par une hausse des sommes mises de côté en cas de défaut sur les remboursements de crédits.

De son côté, le Crédit Agricole se félicite quand même dans ce contexte d'avoir réussi à gagner 76 000 clients et de voir la baisse de la production de crédit se stabiliser au second trimestre. Actuellement, « il y a moins de clients pour emprunter à 3,5% que pour emprunter à 1% » (taux d'il y a un peu plus de deux ans, NDLR), reconnaît le groupe qui a vu la production de crédits à l'habitat chuter de -34% pour les Caisses régionales et -42% pour LCL par rapport au deuxième trimestre 2023.

L'offensive de N26 et Revolut

Les banques doivent également faire face au développement de nouveaux acteurs en ligne très agressifs et innovants comme Revolut et N26. « Or dans le même temps, les banques traditionnelles ont de lourds systèmes informatiques qui ne leur permet pas d'être aussi agiles. Alors oui, la banque de détail reste une activité rentable globalement, mais elles ne tiendront pas 5 ans à ce rythme sans devenir déficitaires. La situation est gravissime », insiste Guillaume Almeras.

Si l'activité de banque de détail a de nombreux défis à relever, le modèle de bancassureurs permet aux grands groupes de générer de confortables bénéfices. « Nous visons toujours fin 2024 un résultat supérieur à 6 milliards de bénéfice », a déclaré Philippe Brassac, directeur général de Crédit Agricole SA. Quant au Crédit Mutuel Alliance fédérale, entité qui rassemble notamment 14 des 18 fédérations régionales du groupe Crédit Mutuel, il a dégagé un résultat net semestriel historique de près de 2 milliards d'euros, en hausse de 3,4% sur un an, tiré par l'assurance vie. « C'est le meilleur premier semestre de l'histoire du Crédit Mutuel Alliance fédérale », selon Daniel Baal, le nouveau patron du Crédit Mutuel.

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