CB, le réseau de paiement par carte français, fait actuellement sa publicité, à travers une campagne d'affichage et un slogan : « Le made in France, c'est mieux si on paye in France ». Que signifie ce « paye in France » ? Et pourquoi en faire la promotion maintenant, 40 ans après sa création ?

Que signifie le logo CB qui figure (certainement) sur votre carte bancaire ? Posez la question à vos proches et vous aurez certainement toutes sortes de réponses. Sert-il simplement à décrire l'objet, ce petit rectangle de plastique, équipé d'une puce électronique, qui nous permet de payer et de retirer de l'argent au quotidien ? Pas vraiment. Les deux lettres renvoient-elles à la fameuse « Carte Bleue », cet ancêtre des cartes actuelles désormais disparu, mais dont le souvenir reste dans le langage courant ? Il y a bien un lien, mais ce n'est pas ça. Si votre carte porte le logo CB, c'est tout simplement qu'elle est conçue pour utiliser le réseau domestique de paiement par carte géré par le Groupement des cartes bancaires, un consortium réunissant les principales banques françaises.

4O ans d'interbancarité

Ce réseau, justement, fête cette année ses 40 ans. C'est en 1984, en effet, que Pierre Bérégovoy, ministre de l'Economie, demande aux banques françaises de se rassembler pour créer un réseau unique d'acceptation des paiements par carte bancaire sur l'ensemble du territoire. Car, à l'époque, ils sont plusieurs à coexister. Le principal est celui de la « Carte Bleue », utilisé par les grandes banques commerciales (BNP, Crédit Lyonnais, CIC, SG, CCF) en partenariat avec Visa. Mais il existe aussi, entre autres, une « Carte Verte » proposée par le Crédit Agricole en partenariat avec Mastercard.

Cet éparpillement, en effet, complique la vie des usagers et des commerçants. Vous voulez retirer du cash à un distributeur de la BNP avec une carte émise par le Crédit Agricole ? Impossible. Vous êtes commerçants et vous voulez accepter toutes les cartes ? Vous devez posséder plusieurs terminaux de paiement, un par réseau. Difficile, dans ce cadre, de développer massivement l'usage de la carte, comme le souhaitent les pouvoirs publics, avec l'objectif de valoriser une filière industrielle, celle des paiements électroniques, où la France est à la pointe.

C'est donc dans ce contexte que naît, début 1985, le Système national de paiement par carte (SNPC). Un réseau interbancaire unique, une première mondiale à l'époque, matérialisés sur les cartes par l'apposition des lettres CB sur fond bleu et vert.

Pour marquer ce 40e anniversaire, CB a justement choisi de modifier ce logo, pour adopter le bleu blanc rouge du drapeau national. Une évolution qui s'accompagne d'une campagne publicitaire mettant en avant le « Paye in France », où le paiement via CB est présenté un « acte citoyen ».

Campagne de pub CB
Image fournie par CB

CB, un actif souverain

Le rapprochement entre paiement et citoyenneté peut évidemment étonner. Il tombe pourtant sous le sens pour Philippe Laulanie. « CB est un succès industriel français, au même titre que le nucléaire, Ariane ou Airbus. Nous pesons aujourd'hui pour près de 20% des paiements par carte en Europe. Quel autre secteur peut en dire autant ? », explique le directeur général de CB. « Ce succès, pourtant, s'est fait sans que ça se sache. Nous devons expliquer aux Français que choisir CB, c'est faire un geste citoyen. » »

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De fait, nous payons souvent avec CB sans le savoir. 40 ans durant, CB, dont l'objectif n'est pas mercantile, a peu investi pour faire connaître sa marque. Infiniment moins que les mastodontes que sont les deux réseaux états-uniens à portée internationale, Visa et Mastercard. Longtemps, cela n'a pas vraiment posé problème : CB, réseau domestique souverain, opérait près de 100% des paiements effectués avec des cartes émises en France.

La situation a changé : cette part de marché est aujourd'hui en repli, de l'ordre de 80% désormais. Car CB est de plus en plus concurrencé sur son propre territoire.

Au consommateur, le choix du réseau

L'impulsion est venue des instances européennes. Plus précisément d'un règlement adopté en juin 2016 qui, entre autres mesures, donne aux consommateurs la capacité de choisir le réseau qui va opérer leur paiement.

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Les cartes émises en France, en effet, sont le plus souvent cobadgées, c'est-à-dire capables de fonctionner sur 2 réseaux différents. A l'origine, le deal était le suivant : en France, tous les paiements sont opérés via CB ; à l'étranger, Visa ou Mastercard prennent le relais. « Le cobadging, c'est le meilleur des deux mondes », estime Philippe Laulanie. « Vous êtes en France ? Vous profitez de l'efficacité, de la sécurité et du moindre coût de CB. Vous partez à l'étranger ? Vous avez tous les bénéfices de Visa ou de Mastercard. » Un partage des rôles remis en cause par le règlement de 2016, au nom de la libre concurrence.

Ce règlement a finalement eu peu d'impact pour les paiements de proximité, dans les points de ventes physiques. Les commerçants conservent la possibilité de choisir le réseau de paiement à utiliser par défaut. Dans l'immense majorité des cas, ils choisissent CB. Rares sont, par ailleurs, les usagers qui prennent la peine de modifier ce choix par défaut.

Ce n'est pas le cas, en revanche, pour les paiements effectués sur internet. Là, le choix du réseau est plus simple : sur les pages de paiement, les marchands en ligne affichent généralement les différents logos. Le changement se fait donc d'un clic, souvent au profit de Visa ou Mastercard, les deux principaux concurrents états-uniens de CB, dont les marques sont bien mieux connues. Alain Lacour, président du prestataire de paiement Lyra, souligne dans une tribune que « CB représentait 94% des transactions e-commerce contre 6% pour Visa et Mastercard [en 2019] ; aujourd'hui en 2024, selon nos chiffres, CB ne représente plus que 67% en e-commerce ! »

Le cobadging affaibli

L'autre phénomène qui a conduit à réduire la part de marché de CB est le recul des cartes bancaires cobadgées. De plus en plus de banques, y compris parmi les adhérentes du système, émettent des cartes dites Visa ou Mastercard Only, c'est-à-dire utilisant uniquement un de ces deux réseaux, y compris en France. C'est le cas, par exemple, de banques en ligne comme BoursoBank (propriété de Société Générale) ou BforBank (Crédit Agricole), de néobanques étrangères (Revolut, N26) ou encore d'établissements de paiement français (Nickel, Sumeria, etc.). Des acteurs qui ont en commun de conquérir de très nombreux nouveaux clients, grâce notamment... à l'absence de frais sur la carte bancaire.

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