C'est une réforme d'ampleur qui se profile pour les millions de Français qui ont, ou vont avoir, un crédit immobilier. Dès le 1er juin, après le feu vert définitif du Parlement, elle va revoir en profondeur le fonctionnement de l'assurance de prêt. Avec à la clef, des milliers d'euros d'économies en perspective pour les emprunteurs et la fin, sous conditions, du questionnaire de santé.

Coup de tonnerre. La semaine dernière, contre toutes attentes et après un long feuilleton législatif, l'Assemblée et le Sénat se sont mis d'accord pour réviser en profondeur le fonctionnement de l'assurance de prêt immobilier. Mardi 15 février, les députés doivent donner leur feu vert final au compromis trouvé en commission mixte paritaire. Les sénateurs feront de même le 17 février. Ce texte va entraîner des bouleversements dont on mesure encore mal les répercussions, pour les 7 millions de foyers qui remboursent un emprunt. Voici ce qui vous attend dès le 1er juin.

1 - Le droit de changer d'assurance emprunteur à tout moment

Ce nouveau droit est au cœur de la proposition de loi de la députée Patricia Lemoine, adoptée par l'Assemblée nationale dès le mois de novembre à la quasi-unanimité. Malgré l'intense lobbying du secteur bancaire et le rejet de cette mesure dans un premier temps par les sénateurs, les particuliers vont avoir finalement la possibilité de changer plus facilement d'assurance emprunteur. Quasi-obligatoire, elle prend en charge tout ou partie des échéances en cas de sinistre (décès, incapacité-invalidité, chômage...). Son coût est d'ailleurs souvent bien plus élevé que le montant des intérêts du crédit à rembourser.

Jusqu'ici, il est théoriquement possible de refuser l'assurance de sa banque pour en choisir une moins chère ailleurs - ou avec de meilleures garanties -, lors de la souscription d'un crédit immobilier ou au cours de la première année de son prêt. Un droit qui se renouvelle tous les ans à la date anniversaire du contrat. Mais les banques sont accusées de mettre des bâtons dans les roues de leurs clients en profitant de la complexité de la législation. Selon l'UFC-Que-Choisir, l'assurance de prêt est une manne pour elles avec une marge évaluée à 68%. Résultat, elles détiennent près de 90% de ce marché, qui pèse 7 milliards d'euros de chiffres d'affaires par an. Seuls les plus aisés et les plus avertis arrivent à imposer à leur banque le changement d'assurance emprunteur, selon Maël Bernier, porte-parole de Meilleurtaux.

Pour changer la donne, et simplifier le recours à la concurrence, le texte prévoit l'entrée en vigueur de la résiliation à tout moment dès le 1er juin 2022 pour les nouveaux prêts immobiliers, et surtout à partir du 1er septembre 2022 pour les emprunteurs qui remboursent déjà leur crédit. Selon les estimations de l'association UFC-Que Choisir, l'adoption de la résiliation à tout moment va permettre de redistribuer quelque 500 millions d'euros aux emprunteurs dès la première année.

« En moyenne, un emprunteur économisera 50 euros chaque mois en dénonçant le contrat bancaire pour souscrire une formule alternative moins chère, à garanties au moins équivalentes, souligne Astrid Cousin, porte-parole du courtier Magnolia. Sur la durée restante d'un crédit immobilier, le gain peut grimper jusqu'à plusieurs milliers d'euros. Un couple de quadragénaires, détenteur d'un prêt de 250 000 euros, peut réduire de 31 500 euros le coût de son crédit tout simplement en changeant d'assurance au bout de 3 ans. »

Comment demander à changer d'assurance ?

La demande de substitution d'assurance n'aura plus à se faire seulement par lettre recommandée ou par envoi recommandé électronique. L'article L113-14 du Code des assurances prévoit ainsi qu'elle puisse se faire :

  • par lettre ou tout autre support durable ;
  • par déclaration faite au siège social ou chez le représentant de l'assureur ;
  • par acte extrajudiciaire (par huissier donc) ;
  • lorsque l'assureur propose la conclusion de contrat par un mode de communication à distance, par le même mode de communication ;
  • par tout autre moyen prévu par le contrat.

Le destinataire devra ensuite confirmer par écrit la réception de la notification.

Concrètement, une fois la demande envoyée par l'emprunteur, la banque est en droit de la refuser dans les dix jours ouvrés suivant sa réception pour insuffisance de niveau de garantie. La réforme prévoit que l'assureur doit dans ce cas faire figurer l'intégralité des motifs de refus, et éventuellement les informations et garanties manquantes.

En cas d'acceptation, le banquier a 10 jours ouvrés, à compter de la réception de la demande de substitution, pour rédiger son avenant. Dans les faits, pour une demande de substitution d'assurance dans l'année suivant l'octroi du prêt, l'assuré changera d'assureur dans le mois qui suit sa demande. En revanche, pour tout changement d'assurance plus d'un an après le début du prêt, il y aura un délai de 2 mois avant la mise en place de la nouvelle assurance.

Des sanctions prévues

En cas de réponse hors délai, d'absence de réponse ou de tentative d'induire le client en erreur, les prêteurs et assureurs s'exposent à une amende de 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale selon la réforme en cours.

Autre nouveauté : les obligations d'information des assurés sur leur droit à résiliation sont renforcées. Les assureurs devront ainsi les informer chaque année de l'existence de ce droit et de ses modalités de mise en œuvre.

Economisez sur votre assurance de prêt

2 - Le questionnaire médical en partie supprimé

À l'initiative des sénateurs, le volet santé de la proposition de loi a été musclé. Le questionnaire médical est ainsi supprimé pour plus de la moitié des crédits immobiliers. Le questionnaire de santé, c'est ce document qu'il faut remplir pour conclure le contrat d'assurance du prêt. Il permet aux assureurs d'établir le profil de leurs clients, d'évaluer les risques et d'appliquer une tarification adaptée voire de refuser la couverture. « Pour les personnes avec un risque aggravé de santé, cela se traduit par l'exclusion ou par une surtarification, qui peut elle aussi les empêcher de concrétiser leur projet immobilier », explique Astrid Cousin.

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Cette suppression du questionnaire de santé dont l'entrée en vigueur est prévue au 1er juin concerne les prêts dont le montant de la quotité assurée est inférieur à 200 000 euros et dont le terme intervient avant le 60e anniversaire de l'emprunteur. Le plafond de 200 000 euros s'entend bien par quotité assurée. « Un couple peut donc emprunter 399 999 euros si la quotité est de 50% sur chaque tête. Il faut toutefois que la situation financière des co-emprunteurs soit similaire pour que la répartition soit égale. En fonction des revenus de chacun, la quotité est ajustée, pour obtenir un total de 100% minimum du montant emprunté. Dans tous les cas, celui qui supportera la quotité la plus élevée ne pourra pas emprunter plus de 200 000 euros », explique Astrid Cousin.

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La réglementation actuelle fixant en principe la durée de remboursement de tout crédit immobilier à 25 ans maximum, la fin de la sélection médicale concernera en premier lieu les jeunes de moins de 35 ans. Mais le fait de supprimer le questionnaire de santé « est aussi une excellente nouvelle pour les candidats plus âgés disposant d'un apport personnel conséquent qui n'ont pas besoin d'emprunter plus de 200 000 euros », poursuit Astrid Cousin.

« La suppression du questionnaire médical va permettre à ceux qui ont un problème de santé – ou qui en ont eu un ces dernières années - de ne pas subir d'exclusions de garantie ou de surprimes qui viendraient faire augmenter fortement le taux de l'assurance, avec toutes les conséquences induites sur le coût du crédit bien sûr, mais aussi le taux d'endettement et le TAEG (taux annuel effectif global) qui, s'il est trop élevé, peut conduire à un refus de prêt à cause du niveau très bas des taux d'usure » abonde Sandrine Allonier, porte-parole de Vousfinancer.

Quelles conséquences pour les fumeurs et les sportifs ?

La suppression du questionnaire médical est-elle une bonne nouvelle pour les fumeurs qui peuvent payer jusqu'à deux fois plus cher leur assurance que les non-fumeurs ? Idem pour les personnes pratiquant un sport à risque qui se voient appliquer aussi des surprimes et des limites de garantie ? La réforme prévoit bien qu' « aucune information relative à l'état de santé ni aucun examen médical de l'assuré ne peut être sollicité par l'assureur ».

Mais selon un spécialiste interrogé par MoneyVox, le fait de fumer, ou d'avoir une pratique sportive, relèverait plus de l'habitude de vie que d'une question de santé à proprement parler. Autrement dit, la fin du questionnaire médicale, sous réserve de respecter les critères de cette suppression, ne changerait rien pour eux. L'assureur pourrait ainsi continuer à leur demander s'ils fument ou s'ils font un sport à risque. Résultat, ils devraient continuer à payer plus cher leur assurance de prêt.

3 - Le délai du droit à l'oubli révisé

Pour les personnes malades qui ne rentreront pas dans les critères de la suppression du questionnaire médical, la réforme prévoit une autre avancée de taille. Le délai du droit à l'oubli pour les cancers et l'hépatite C est réduit de 10 à 5 ans.

Le droit à l'oubli permet aujourd'hui aux anciens malades de cancers de ne plus avoir à déclarer leur maladie à leur assureur 10 ans après la fin de leur protocole thérapeutique et donc à ne pas payer de surprime. Ce délai est donc divisé par 2, comme c'est déjà le cas déjà, depuis peu, pour les cancers survenus avant l'âge de 21 ans.

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Mais ce n'est pas tout : dans les 3 mois suivant la promulgation de la loi, des discussions doivent êre engagées par l'Etat, les fédérations professionnelles des organismes d'assurance et des établissements de crédit, et les associations représentant les personnes malades et les consommateurs, et ce afin d'élargir le nombre de bénéficiaires du droit à l'oubli qui souffrent de pathologies autres que cancéreuses. En l'absence d'accord, le gouvernement aura la main pour décider, par voie de décret, les maladies chroniques auxquelles pourrait être étendu le droit à l'oubli.