1 - Combien de foyers risquent de devenir imposables, en 2025, si aucun budget n'est adopté à temps ?
« Si le budget est voté au plus tard fin février début mars, le barème sera automatiquement réindexé pour la déclaration de revenus du printemps. Passé ce délai, sans budget, 600 000 nouveaux contribuables risquent de payer l'impôt sur le revenu selon nos derniers chiffres, et l'impôt de ceux qui le paient déjà augmentera. » Extrait d'un long entretien accordé par la nouvelle ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin au quotidien Le Parisien. Il s'agit bien de la dernière estimation de Bercy quant au nombre de foyers risquant de basculer dans l'impôt sur le revenu, si jamais le barème reste figé à son niveau de 2024, alors qu'il doit théoriquement être indexé sur l'inflation, à 2%.
Les services de Bercy ont même affiné leur estimation à « 619 000 nouveaux contribuables » en début de soirée ce lundi 6 janvier.
« Sans budget, 600 000 nouveaux contribuables risquent de payer l'impôt sur le revenu selon nos derniers chiffres »
Cette nouvelle estimation peut surprendre. Le prédécesseur d'Amélie de Montchalin à Bercy, Laurent Saint-Martin, avait évoqué 380 000 foyers. Un chiffrage inspiré d'une étude de l'OFCE, comme l'avait reconnu le cabinet de Laurent Saint-Martin. Cette estimation de 380 000 ménages avait même été reprise par l'ex Premier ministre Michel Barnier. Pourtant, mi-octobre, Bercy avait aussi - temporairement - estimé à 530 000 foyers le nombre de bénéficiaires d'indexation du barème de l'impôt.
Pourquoi ces écarts ? Bercy a promis une explication. Pierre Madec, l'économiste de l'OFCE à l'origine du chiffrage des « 380 000 », reconnaît un écart élevé tout en refusant de taxer Bercy de surestimation : « D'une part mon estimation est en “ménages” » et non en contribuables. « D'autre part, les données que j'ai mobilisées sont des projections pour l'année 2022. Autrement dit, il est possible que des chiffres plus récents fournissent des entrants plus nombreux. » Par conséquent, selon Pierre Madec, « de fait oui le [chiffrage de] 600 000 parait élevé mais pas forcément impossible ».
2 - Combien de foyers paient l'impôt sur le revenu aujourd'hui ?
Sur les près de 41 millions de foyers fiscaux recensés par le fisc en 2023, un peu moins de 18 millions de foyers paient l'impôt sur le revenu. Soit 44% de foyers réellement imposables à ce jour.
Faute de budget, si jamais 619 000 contribuables devenaient imposables, un peu plus de 45% des foyers français seraient imposables.
3 - Barème 2024 VS barème indexé à 2%, quelle différence ?
Voici le barème actuel de l'impôt sur le revenu, appliqué en 2024 et donc le barème 2025 en l'absence d'indexation.
Tranche de revenu par part fiscale | Taux applicable pour la tranche |
---|---|
Jusqu'à 11 294 € | 0% |
De 11 294 € à 28 797 € | 11% |
De 28 797 € à 82 341 € | 30% |
De 82 341 € à 177 106 € | 41% |
Plus de 177 106 € | 45% |
Barème inscrit dans la loi de finances pour 2024.
Voici le barème indexé, tel qu'il était prévu dans la version initial du projet de loi qui a été envoyé aux oubliettes suite à la censure du gouvernement Barnier.
Tranche de revenu par part fiscale | Taux applicable pour la tranche |
---|---|
Jusqu'à 11 520 € | 0% |
De 11 520 € à 29 373 € | 11% |
De 29 373 € à 83 988 € | 30% |
De 83 988 € à 180 648 € | 41% |
Plus de 180 648 € | 45% |
Source : projet initial de loi de finances pour 2025, déposé par le gouvernement Barnier
Voici en outre combien les foyers déjà assujettis à l'impôt paieraient en plus en cas de gel, à travers cinq profils.
Foyer fiscal | Gel du barème | Barème indexé à 2% | Impôt en plus en cas de gel |
---|---|---|---|
Manon, célibataire, sans enfant 1 400 € par mois | |||
Sabrina, célibataire, sans enfant 2 000 € par mois | 774 € | 721 € * | + 53 € |
Johan, célibataire, sans enfant 2 963 € par mois | 2 886 € | 2 752 € | + 134 € |
Amina et Gabriel, deux enfants environ 2 700 € par mois, chacun | 2 489 € | 2 355 € * | + 134 € |
Elisabeth et Jacques, sans enfant à charge environ 4 200 € par mois, chacun | 13 572 € | 13 303 € | + 269 € |
Source : simulateur officiel sur impots.gouv.fr pour le barème gelé + simulations MoneyVox pour le barème indexé à 2%.
* Estimation de la décote prenant compte de la revalorisation des seuils applicables.
Impôt sur le revenu : combien payerez-vous en plus en 2025 avec un gel du barème ?
4 - Quel seuil faut-il retenir pour savoir si vous risquez de devenir imposable ?
Faut-il comprendre que vous risquez de payer l'impôt sur le revenu si vous gagnez plus de 11 509 euros ? Non ! C'est l'entrée dans le barème, mais pour un revenu « fiscal », donc après abattements, notamment. Et, surtout, le complexe mécanisme de la décote permet à de très nombreux ménages modestes d'échapper à l'impôt sur le revenu.
Quels seuils retenir ? La DGFiP les a listés à l'occasion de la dernière campagne déclarative. L'entrée dans l'impôt se fait en réalité à 17 144 euros de « revenu fiscal ». Cela signifie que si votre revenu net imposable (notion proche du « RFR ») est de 17 140 euros, et que vous êtes célibataire, le fisc ne vous réclame aucun impôt.
Revenu net imposable | ||
---|---|---|
Parts fiscales du foyer | Pour une ou un célibataire ou une famille monoparentale | Pour un couple marié ou pacsé |
1 part (une personne seule) | 17 144 € par an de revenu net imposable | - |
1,5 part (soit 1 célibataire et 1 enfant) | 22 791 € | - |
2 parts (soit un couple, soit 1 parent avec 2 enfants) | 28 438 € de revenu net imposable pour une famille monoparentale avec 2 enfants à charge | 32 011 € de revenu net imposable pour un couple sans enfant |
2,5 parts | 34 085 € | 37 658 € |
3 parts | 39 732 € | 43 305 € |
3,5 parts | 45 679 € | 48 952 € |
4 parts | 51 026 € | 54 599 € |
4,5 parts | 56 673 € | 60 246 € |
5 parts | 62 320 € | 65 893 € |
5,5 parts | 67 967 € | 71 540 € |
6 parts | 73 614 € | 77 187 € |
Source : DGFiP, brochure pratique 2024 de la déclaration de revenus. Seuils de mise en recouvrement.
Attention : les montants renseignés sont en « revenu net imposable ». En cas de salaire déclaré au fisc, il faut retrancher les frais réels ou l'abattement forfaitaire de 10% pour parvenir au revenu net imposable.
Forcément, si le barème est gelé, les chiffres suivants resteront ceux qui vous font basculer ou non parmi les foyers payant l'impôt sur le revenu.
Ultime précision : les ressources ci-dessus sont un « revenu net imposable » très proche du revenu fiscal de référence (RFR). Or, si vous êtes salarié par exemple, le fisc retranche automatiquement 10% de vos revenus pour calculer le RFR. Selon nos calculs, pour un célibataire, tant que votre salaire net mensuel ne dépasse pas 1 586 euros, vous ne payez pas d'impôt.
Il vous reste à tester le simulateur officiel du fisc pour une estimation précise : le simulateur 2024 n'a pour l'heure pas été mis à jour, car le barème reste le même qu'en 2024, pour l'instant... En attendant une possible (probable ?) indexation à 2%.
5 - Faute de budget 2025, une indexation serait-elle tout de même possible ?
À ce stade, contrairement à la communication alarmiste des ministres, jeu politique oblige, la Direction générale des finances publiques (DGFiP) opte pour une tonalité très rassurante : « En l'absence de vote de loi de finances pour 2025 avant la fin de l'année 2024, le barème de calcul de l'impôt sur le revenu (“barème IR”) ne sera pas revalorisé selon le calendrier traditionnel », explique très sobrement la DGFiP dans une « foire aux questions » sur les « effets de la non revalorisation du barème de l'impôt sur le revenu » publiée fin 2024. La DGFiP insiste justement sur le très faible impact de l'absence de budget, à ce stade, pour les particuliers : il se limite à la non réévaluation de quelques taux de prélèvement à la source en ce début 2025.
Impôts : ce que change la censure pour votre prélèvement mensuel
Reste le jeu politique et parlementaire. Avec le début des négociations entre Bercy et les différents partis, Amélie de Montchalin pose les enjeux et met la pression. Il faudrait donc voter le nouveau projet de loi de finances « au plus tard fin février début mars ». Le gouvernement Bayrou n'a pas retenu la proposition du rapporteur général Charles de Courson et du président de la commission des finances Eric Coquerel d'un autre projet de loi budgétaire regroupant les mesures consensuelles. L'indexation du barème de l'impôt fait partie des mesures consensuelles. Les négociations ne font que commencer...