L'essentiel
- La majorité des Français s'oppose à la suppression de l'abattement fiscal à 10% pour les retraités, selon un sondage YouGov pour MoneyVox.
- L'abattement de 10% pour les retraités coûte près de 5 milliards d'euros par an et sa suppression pourrait rendre certains retraités imposables.
- L'éventuelle suppression de cet abattement divise la société française, y compris au sein de la majorité gouvernementale et des syndicats.
« C'est non, non et non » Une majorité de Français s'oppose à une éventuelle suppression de l'abattement fiscal de 10% des retraités. C'est ce que révèle un sondage réalisé par l'institut YouGov pour MoneyVox
Alors que le gouvernement est à la recherche de 40 milliards d'euros d'économies en 2026 pour réduire le déficit public, la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, n'a pas écarté la possibilité de supprimer l'avantage qui permet aux retraités, comme aux actifs, de diminuer de 10% leurs revenus au moment de leur déclaration de revenus.
Un coût de près de 5 milliards d'euros par an
Selon les estimations réalisées par Bercy, cet abattement de 10% sur les pensions des retraités va coûter 4,96 milliards d'euros en 2025. Mis en place en 1978, « par souci d'équité » selon les syndicats, il vise à compenser la diminution du pouvoir d'achat qu'entraîne le passage à la retraite.
Selon notre sondage, 65% des personnes interrogées ne sont pas favorables à cette suppression. Seuls 23% sont pour et 12% ne se prononcent pas. Dans le détail, 85% des plus de 55 ans sont opposés à cette mesure. Un pourcentage qui passe à 65% pour les 45-54 ans (24% pour), 48% pour les 35-44 ans (34% pour), 42% pour les 25-34 ans (37% pour) et 41% pour les 18-24 ans (34% pour).
Au final, dans toutes les classes d'âge, le pourcentage de personnes opposées à la suppression de l'abattement de 10% pour les retraités est supérieur à celles qui y sont favorables. A noter tout de même que 25% des 18-24 ans ne se prononcent pas, contre 21% des 25-34 ans, 16% des 35-44 ans, 12% des 45-54 et seulement 5% des plus de 55 ans.
Si l'idée de supprimer cet abattement de 10% ne séduit aucune tranche de la population française, elle divise même au sein de la majorité gouvernementale. Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin a estimé jeudi sur Franceinfo que « ce n'est pas en faisant des rabots systématiques, y compris sur nos retraités(nouvelle fenêtre) », que d'importantes économies pourront être réalisées.
Une mesure qui divise la société
Si jamais le gouvernement décidait de supprimer cet abattement automatique, de nombreux retraités non imposables risqueraient de devenir imposables, comme le montrent les simulations réalisées par MoneyVox, avec des conséquences en cascade, notamment sur les taux de CSG.
Foyer fiscal | Revenus annuels déclarés | Impôt actuel | Impôt après suppression de l'abattement |
---|---|---|---|
Retraité seul | 14 400 € (soit 1 200 € par mois) | ||
Retraité seul | 17 460 € (soit 1 455 € par mois) | 0 € | 64 € |
Retraité seul | 19 944 € (soit 1 662 € par mois) | 142 € | 460 € |
Couple de retraités | 19 944 € chacun (soit 1 662 € par mois chacun) | 593 € | 1 229 € |
Source : simulateur officiel 2025 sur impots.gouv.fr + simulations MoneyVox avec des RFR équivalents aux revenus annuels déclarés pour mesurer l'impact de la suppression de l'abattement, sur la base du barème 2025 portant sur les revenus 2024.
Précision : situations simplifiées. Sans aucune autre déduction ni abattement fiscal supplémentaire.
Dans ce contexte, cette piste ne passe pas non plus, à gauche, tout comme chez LR ou au Rassemblement national. Idem chez les syndicats CGT, FO et Solidaires. La CFDT, estimant de son côté par la voix de Marylise Léon, sa secrétaire générale, que la suppression de l'abattement « se regarde ».
Du côté du Medef, cet abattement fiscal est jugé « aberrant » et le patron de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) a dénoncé samedi « un manque de courage, pour des raisons électorales ». La France est « le seul pays (où) les retraités ont un meilleur niveau de vie que les actifs » au sein de l'Union européenne, selon lui.
Si ce n'est pas l'abattement des retraités... quelle niche fiscale faut-il raboter ?
Au-delà d'une éventuelle suppression de cet abattement, il a été demandé aux personnes interrogées laquelle des six niches de l'impôt sur le revenu les plus coûteuses il faudrait supprimer pour réduire le déficit de l'Etat.
Impôt sur le revenu - Dépenses fiscales les plus coûteuses | Coût 2025 * | |
---|---|---|
1 | Crédit d'impôt emploi à domicile | 6,86 milliards € |
2 | Abattement de 10% sur les pensions de retraite | 4,96 milliards € |
3 | Exonération « épargne salariale » | 2,75 milliards € |
4 | Réduction d'impôt pour les dons caritatifs | 1,99 milliard € |
5 | Exonération des heures sup' | 1,79 milliard € |
Source : tome II de l'annexe « voies et moyens » de la loi de finances pour 2025
* Estimation réalisée par Bercy : « Chiffrage pour 2025 »
A savoir. L'abattement forfaitaire de 10% pour frais professionnels, qui profite à tous les actifs, n'est pas considéré par Bercy comme une « dépense fiscale » mais comme une « simplification » pour éviter à chacun de déclarer ses frais réels. Raison pour laquelle elle ne figure pas dans ce classement.
Là encore, pas de consensus. Loin de là. 9% citent l'exonération d'impôt sur les heures supplémentaires et l'abattement fiscal de 10% sur les pensions de retraite ; 8% la réduction d'impôt de 66 à 75% pour les dons caritatifs ; 6% l'exonération d'impôt sur les prestations familiales et l'allocation aux adultes handicapés et l'exonération d'impôt sur l'épargne salariale tout comme le crédit d'impôt emploi à domicile.
Il semble plutôt que les Français ne veulent pas toucher à ces dispositifs fiscaux : 34% souhaitent les préserver et 21% ne se prononcent pas. « Dans chaque niche, il y a un chien qui mord », aimait à rappeler Gilles Carrez, l'ancien rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale.
« Dans chaque niche, il y a un chien qui mord »
Quid des petites niches fiscales ?
Et qu'en est-il des petites niches fiscales, le gouvernement ayant annoncé son intention de s'attaquer à celles qui bénéficiant à moins de 100 contribuables ? Nous en avons soumis cinq au panel de Français interrogés.
Ainsi 30% sont favorables à la fin de l'étalement sur 4 ans de l'imposition du montant des primes versées par l'Etat aux sportifs médaillés aux Jeux olympiques et paralympiques et à leur guide, mais aussi à en finir avec l'exonération d'impôt de l'indemnité de départ volontaire versée dans le cadre d'une restructuration ou d'une réorganisation du ministère de la Défense.
20% des sondés se déclarent aussi favorables à la suppression de l'exonération d'impôt sur les revenus générés par le nouveau plan d'épargne avenir climat (PEAC), avantage pourtant fraîchement créé ; 18% pour mettre un terme à l'exonération de droits des successions des policiers, des gendarmes et des agents des douanes décédés dans l'accomplissement de leur mission. Enfin, 15% ciblent la déduction d'impôt sur le revenu au titre des souscriptions au capital de jeunes entreprises innovantes.
Là encore, aucune niche ne se détache puisque, dans le même temps, 23% des sondés ne se prononcent pas et 14% ne veulent pas remettre en cause ces niches fiscales.
(1) L'enquête a été réalisée sur 1 004 personnes représentatives de la population nationale française âgée de 18 ans et plus. Le sondage a été effectué en ligne, sur le panel propriétaire YouGov France, du 25 au 28 avril.