S'il peut être intéressant de rembourser intégralement ou en partie son crédit immobilier lorsque les taux sont hauts, les économies sont forcément moins intéressantes quand on dispose d'un taux bas, surtout en période d'inflation.

Des crypto-actifs en chute libre, une baisse de 9,4% depuis le début de l'année pour le CAC 40... Dans cette période particulièrement incertaine, la pierre garde son image de « valeur refuge ». Une question peut alors se poser : faut-il, en cas d'entrée d'argent importante, comme un héritage par exemple, rembourser son crédit immobilier de manière anticipée ou bien placer son argent sur un produit d'épargne ?

« Aucune raison de rembourser par anticipation »

Pour Maël Bernier, porte-parole du courtier Meilleurtaux, la réponse ne fait aucun doute : « Si vraiment vous êtes anxieux, vous pouvez rembourser un peu par anticipation, mais c'est quelque chose que je ne recommande pas, ce n'est pas une bonne idée. » Un avis largement partagé par Albert d'Anthoüard, directeur de la clientèle privée de Nalo, plateforme de conseil et d'investissement en ligne, pour qui « il n'y a presque aucune raison de rembourser un crédit par anticipation. »

Pourtant, faire un remboursement partiel anticipé permet de faire baisser aussi bien ses intérêts que le coût de son assurance emprunteur, comme le montre l'exemple ci-dessous.

Exemple de crédit sans et avec remboursement anticipé VS épargne

Pour acheter leur appartement, Mathieu et Claire ont souscrit fin octobre 2020 un crédit immobilier de 200 000 euros, à un taux nominal de 1,1% sur 20 ans. Leurs frais de dossiers et de garantie s'élèvent à 3 000 euros, tandis que leurs taux d'assurance sont respectivement de 0,15% et 0,20%. En novembre 2022, ce couple dont la mensualité est de 928,74 euros a remboursé 22 897,21 euros d'intérêts et 13 999,20 euros d'assurance, pour un coût total du crédit de 39 896,41 euros.

Imaginons maintenant que le couple dispose, en octobre 2022, d'une somme de 40 000 euros venant d'un héritage. Doivent-ils, après deux ans de remboursement classique, réduire leur crédit ou bien placer cette somme sur un produit d'épargne ?

1. Option « réduire le crédit ». Pour un remboursement anticipé partiel de 40 000 euros au 1er novembre 2022, après deux ans de remboursement donc, le couple voit les intérêts de son crédit baisser à 15 258,18 euros sur la durée totale du crédit. Les frais d'assurance sont également en baisse, à 9 098,82 euros. Pas de frais de dossier supplémentaires à régler mais tout de même 200 euros d'indemnités de remboursement anticipé (IRA). Le coût total du crédit passe donc à 27 557 euros, soit une différence de 12 339,41 euros par rapport au crédit de base. La durée restante du crédit passe de son côté de 18 ans à 13 ans et 9 mois, soit un gain de 4 ans et 3 mois.

2. Option « épargner ». Imaginons maintenant que le couple décide de ne pas faire de remboursement anticipé mais de placer ces 40 000 euros sur un produit d'épargne. Pour que Mathieu et Claire récupèrent 12 339,41 euros d'intérêts en 13 ans et 9 mois, ils doivent trouver un produit d'épargne au taux de 1,97% net de toute fiscalité. Autrement dit, s'ils placent cette somme sur un produit rapportant 2% nets, ou plus, ils sont financièrement gagnants. Une mission atteignable aujourd'hui, ne serait-ce qu'en remplissant les livrets A et LDDS du couple.

Cet exemple a été réalisé avec les calculatrices Calcamo en se basant sur le coût du crédit simple. Pour un exemple plus complet, il est possible d'utiliser le coût du « crédit corrigé », comme l'explique Aristide, l'un de nos contributeurs réguliers, dans un article de blog.

Néanmoins, rembourser par anticipation quand on dispose d'un taux bas et alors que l'inflation est en hausse n'est pas forcément avantageux. Car certains produits d'épargne sont revalorisés en fonction de l'inflation, à l'image du livret A, passé de 0,5% à 2% en quelques mois. « Les personnes ayant emprunté ces deux dernières années ont quand même de grandes chances actuellement d'avoir un crédit inférieur à 2%, juge Maël Bernier. Hors aujourd'hui même le livret A est à 2%. Donc n'importe quel produit d'épargne réglementé rapporte désormais plus d'argent que ce que ne coûte le crédit. »

Mais pourquoi alors ne pas décider de rembourser de manière anticipée une partie de son crédit pour ensuite injecter l'argent économisé dans son épargne ? « Si vous remboursez 40 000 euros de manière anticipée, avant de pouvoir mettre ces 40 000 euros en épargne, cela va prendre du temps », estime Maël Bernier. En clair : mieux vaut profiter de la somme au moment où on l'a, que d'espérer la récupérer plus tard en se disant qu'on finira par l'investir dans son épargne. De plus, conserver une liberté financière est très important. En cas d'héritage, il vaudrait donc mieux en placer une partie sur un produit de long terme (type assurance vie par exemple) et une partie en épargne de précaution, comme un livret A, accessible à tout moment pour faire face à n'importe quel besoin.

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Profiter de la sécurité de l'assurance emprunteur

Albert d'Anthoüard livre un autre avantage à ne pas rembourser directement son crédit. Non seulement les mensualités représentent une sorte « d'épargne forcée », puisque vous êtes obligé chaque mois de rembourser une somme fixe, mais votre emprunt de plus est « couvert » par votre assurance : « Comme il y a une assurance de prêt, il y a une sorte de prévoyance. En fonction de votre couverture, en cas de décès ou d'invalidité, c'est l'assureur qui payera le bien. Pourquoi alors le rembourser par anticipation ? Grâce à l'assurance emprunteur, vous et votre famille êtes à l'abri en cas d'accident de la vie. » Mieux vaudrait donc placer cet argent pour laisser, en plus du logement, une épargne à ses héritiers en cas de problème.

Le directeur de la clientèle privée de Nalo voit quand même une raison d'effectuer un remboursement anticipé partiel : « Si vous sentez que chaque mois, c'est compliqué de rembourser votre mensualité et que cette dernière a un impact négatif sur votre train de vie, en effet vous pouvez vous poser la question. »

« Le crédit est un outil à utiliser dans une bonne gestion de patrimoine »

Et même dans ce cas, Albert d'Anthoüard conseille plutôt une autre méthode : « Rien n'empêche de mettre de l'argent sur un produit d'épargne avec une facilité d'accès, comme un livret A. Ainsi, vous pouvez par exemple, sur une mensualité de 1 000 euros, rembourser 700 avec vos revenus et 300 en piochant sur le livret A les mois où vous en avez besoin. » Cela vous permet de toujours préserver vos liquidités le plus possible plutôt que de les donner à l'établissement de crédit.

Un conseil d'autant plus vrai si vous avez encore plusieurs années de crédit devant vous : votre salaire peut en effet augmenter dans le futur, ce qui rendra les mensualités de crédit moins difficile à supporter. Pour Albert d'Anthoüard, une chose est donc sûre : « le crédit est un outil à utiliser dans une bonne gestion de patrimoine tant qu'il est utilisé dans la limite de sa capacité d'emprunt et qu'on ne se met pas en difficulté pour rembourser. »

Remboursement anticipé : ce que vous pouvez essayer de négocier

Au moment de signer son crédit immobilier et quand vient la question du remboursement anticipé, la première possibilité de négociation porte sur les indemnités de remboursement anticipé (IRA). S'il est difficile d'obtenir la suppression totale des IRA, vous pouvez cependant négocier la durée d'application. Certains établissements bancaires acceptent par exemple de n'appliquer des IRA que sur les 7 premières années du crédit.

Si vous ne parvenez pas à négocier ces indemnités de remboursement anticipé, le Code de la consommation donne toutefois deux limites à ce que peuvent faire les banques. Le montant des indemnités ne doit donc pas dépasser « un semestre d'intérêt sur le capital remboursé au taux moyen du prêt » ni « 3% du capital restant dû avant le remboursement ».

L'autre négociation possible porte sur le montant du remboursement anticipé. Certains établissements interdisent ainsi les remboursements « égaux ou inférieurs à 10% du montant initial du prêt, sauf s'il s'agit de son solde. » Soit 20 000 euros pour un prêt de 200 000 euros par exemple. Vous pouvez toutefois tenter d'abaisser ce seuil pour le porter à un équivalent de 2 ou 3 mensualités par exemple. Mais cela doit bien être inscrit dans votre contrat.

Enfin, si votre crédit comporte plusieurs lignes, vous pouvez demander un remboursement anticipé sur la ligne de crédit au taux le plus élevé.