Le nouveau Premier ministre Michel Barnier a annoncé sa volonté de créer un livret d'épargne industrie, avec l'objectif de flécher l'abondante épargne des Français vers la « dynamique industrielle », les PME et usines françaises. S'ajoutera-t-il à la longue liste des promesses de livret sans lendemain ? Voici 5 projets tombés aux oubliettes... ou qui se sont soldés par un flop.

1 - Livret vert

Aux oubliettes. « Transformer le Livret de développement durable et solidaire (LDDS) en un Livret Vert ». Proposition numéro 18, sur 29, du récent rapport déposé à Bercy pour plancher sur ce qui était alors un projet de loi industrie verte. L'idée ? Deux compartiments pour ce « livret vert » : l'un correspondant à l'actuel LDDS (rémunéré à 3% comme le Livret A et sans aucun impôt), l'autre compartiment étant de l'épargne plus risquée, « un univers d'investissement large et labellisé par l'Etat, en bénéficiant d'un régime fiscalo-social incitatif ». Finalement, la loi « industrie verte » a bien débouché sur la création d'un nouveau placement. Mais il s'appelle le Plan d'épargne avenir climat, n'a rien à voir avec un livret d'épargne classique et est réservé aux moins de 21 ans.

Surprise, en remontant dans les archives de MoneyVox (donc en se concentrant sur une actualité limitée au 21ème siècle), le projet d'un « livret vert » a évoqué deux autres fois : par la candidate écologiste Eva Joly lors de la présidentielle 2012, et en 2015 via des sénateurs UDI et LR qui cherchaient à « drainer l'épargne populaire vers l'agriculture » avec un livret vert très agricole cette fois.

2 - Livret E

Aux oubliettes. Flash-back en novembre 2014. Emmanuel Macron, alors ministre de l'Economie, sous la présidence Hollande, porte ce qui se présente alors comme une ambitieuse réforme de l'épargne salariale. Le Conseil d'orientation de la participation, de l'intéressement, de l'épargne salariale et de l'actionnariat salarié (Copiesas) rend un rapport avec de nombreuses propositions. Dont le « livret E », dédié entreprises de moins de 11 salariés. Objectif : permettre à cette petite entreprise de conserver en trésorerie, pendant 5 ans, les sommes dédiées à l'épargne salariale des employés, tout en assurant au salarié un rendement « un peu au-delà du taux du Livret A ».

En décembre 2014, interrogé par MoneyVox (cBanque à l'époque), celui qui était vice-président du Copiesas, Christophe Castaner reconnaît les limites du projet : « Je ne sais pas si cela va fonctionner. Sur le fond, les critiques sont légitimes : ils ont raison de s'interroger sur la sécurité de l'épargne placée sur le Livret E. Cet argent, il est au salarié ! » L'idée n'est jamais ressortie des oubliettes, même lorsque le président fraîchement élu Emmanuel Macron, en 2017, a annoncé vouloir « revisiter » intéressement et participation.

3 - Livret d'épargne entreprise (LEE)

Flop. Flash-back beaucoup plus lointain, pour un livret qui a bel et bien été créé, qui existe encore aujourd'hui (il rapporte 2,25% avant impôt et est plafonné à 45 800 euros)... mais qui brille par son éternelle discrétion. Voyage en juillet 1984. Le Journal officiel annonce la création du Livret d'épargne entreprise (LEE), un produit d'épargne défiscalisé « destiné à financer la création ou la reprise d'entreprises ». Le LEE prend alors la suite du livret d'épargne au profit des travailleurs manuels (LEM), imaginé 7 ans plus tôt pour aider les jeunes à créer ou acquérir une « entreprise artisanale ». Ceux qui ont un LEM peuvent le transformer en LEE.

Saut dans le temps, en septembre 2013 : le projet de loi de finances pour 2014 fait la chasse aux économies et vise les exonérations fiscales jugées inutiles. Parmi les « dépenses fiscales inefficientes ou inutiles », le LEE : finie l'exonération d'impôt sur le revenu des intérêts. C'est la fin de vie (à petit feu) annoncée d'un placement déjà en mal de notoriété. Scandale ? Pas vraiment. Sollicitée à l'époque, la direction générale des statistiques de la Banque de France nous avouait ne disposer d'aucune information sur l'encours de ce livret en France. L'indice d'un succès très (très) confidentiel.

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4 - Livret d'épargne industrie (versions 1 et 2)

Aux oubliettes. L'idée esquissée par le nouveau Premier ministre Michel Barnier n'est pas nouvelle. Version 1 : elle a émergé une première fois lors des états généraux de l'industrie organisés en 2010, sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Porté en particulier par le ministre de l'industrie de l'époque, Christian Estrosi, ce LEI devait s'inspirer du fonctionnement du Livret de développement durable. L'idée s'est finalement évaporée.

Version 2, quelques mois plus tard, suite à l'élection présidentielle 2022 : le nouveau Premier ministre d'alors, Jean-Marc Ayrault, lance lors de sa déclaration de politique générale : « Il n'est pas acceptable que nos entreprises, et en particulier nos PME, continuent d'être confrontées à des difficultés de financement. La création du Livret d'Epargne Industrie permettra de drainer l'épargne disponible à des fins productives. » Ce projet connaîtra un écho en novembre 2012 via le « paquet compétitivité » puis tombera aux oubliettes.

Ce que l'on sait du nouveau livret d'épargne dédié à l'industrie annoncé par Michel Barnier

5 - Livret d'épargne défense souveraineté (LEDS)

Aux oubliettes. La question du financement de l'industrie de la défense est revenue à de nombreuses reprises au Parlement ces deux dernières années, principalement via l'idée d'un fléchage d'une partie du Livret A vers les PME de la défense. Le sénateur socialiste Rachid Témal a lui porté une proposition de loi intitulée « Livret d'épargne défense souveraineté », reprenant l'idée développée dans le rapport d'information de Pascal Allizard (LR) et Yannick Vaugrenard (PS).

Objectif : face aux freins bloquant le fléchage du Livret A vers la défense, créer un livret dédié. Nom proposé : nom pas « Livret A(rmée) » mais « Livret d'épargne défense souveraineté (LEDS) ». Déposée au Sénat en février 2024, cette proposition de loi est finalement restée lettre morte.

Ce projet de nouveau livret d'épargne qui évite de piocher dans le Livret A pour financer l'armée