Un homme ayant bénéficié à tort pendant des années d'une pension de réversion s'est vu obligé de rembourser 24 000 euros. Si le retraité plaide de son côté une erreur, la justice n'a rien voulu savoir.

Erreur ou fraude manifeste ? Quoi qu'il en soit, c'est une affaire, relevée par Le Monde, qui coûte très cher à ce retraité et également à tous les fraudeurs aux prestations sociales : la Cour de cassation oblige désormais les fraudeurs à rembourser l'intégralité des prestations indûment touchées, dans la limite de vingt ans.

Dans le cadre de cette affaire, tout commence en 2006. Monsieur X, veuf, est titulaire d'une pension de réversion. Dans le même temps, il demande que la Caisse nationale d'assurance-vieillesse (CNAV) lui verse sa pension de retraite personnelle (de 983 euros brut). Problème, il ne signale pas qu'il va toucher une pension complémentaire de 473 euros.

Mais, explique Le Monde, « pour continuer à percevoir la pension de réversion, il doit justifier de ressources annuelles n'excédant pas un certain plafond, qui va être dépassé en mai 2009. » Or, sa pension de retraite cumulée à la pension complémentaire fait que depuis cette date, Monsieur X touche une pension de réversion de 330 euros environ à laquelle il ne peut pas prétendre, chose que découvre la CNAV en 2014 lors d'un contrôle. La Caisse nationale d'assurance-vieillesse reproche donc à Monsieur X d'avoir dissimulé une partie de ses revenus pour continuer à toucher la pension de réversion.

24 000 euros à rembourser, soit 6 ans de trop perçu

En mai 2015, la CNAV demande donc au retraité de rembourser 24 000 euros au titre de la somme indûment perçue de mai 2009 à avril 2015. Elle commence à récupérer cette somme sur son compte, en lui laissant une somme égale au revenu de solidarité active (RSA). Monsieur X saisit alors la justice en affirmant que cette faute résulte d'une erreur. Son avocat sollicite l'application de la prescription courte que le code de la sécurité sociale (article L. 355-3) prévoit dans ce cas, et qui n'autorise la CNAV à réclamer que deux ans de prestations indues.

Mais la justice en a décidé autrement et s'est rangée du côté de la CNAV, estimant que Monsieur X avait menti et s'était donc rendu coupable de fraudre. Les magistrats ont donc écarté la prescription courte au profit de la prescription quinquennale prévue par le code civil (article 2224). Le point de départ est alors le jour de la découverte de la fraude, à partir duquel le créancier peut récupérer cinq ans de créances.

Face à cette décision, la CNAV se pourvoit en cassation, estimant que ce délai de cinq ans n'est pas suffisant. L'avocat de la CNAV soutient que, depuis la réforme de la prescription du 17 juin 2008, c'est un délai « butoir » de vingt ans (inscrit à l'article 2232 du code civil), qui limite la période recouvrable – de telle sorte qu'une action engagée après trente années de fraude ne peut permettre de recouvrer « que » vingt ans de créance.

Se basant là-dessus, la CNAV demande donc un recouvrement sur toute la période fraudée, soit un peu moins de 24 000 euros (330 euros par mois pendant 6 ans). De son côté, l'avocat de Monsieur X estime que réclamer à l'assuré vingt ans de prestations, ce serait vouloir sa « mort civile » – il n'aurait plus que le RSA pour vivre. De plus, celui-ci « se verrait appliquer le droit commun de la prescription des crimes », alors même que « sa mauvaise foi a été insuffisamment caractérisée ».

Néanmoins, dans une décision rendue le 17 mai 2023, la Cour de cassation a donné raison à la CNAV. Monsieur X devra donc rembourser l'intégralité de la somme, sauf si le législateur décide de limiter le droit de recouvrement des créanciers.