« On anticipe un examen cauchemardesque », mais « on y est prêt »: le gouvernement se prépare à des discussions ardues sur les textes budgétaires à l'Assemblée, face à une gauche hostile, un Rassemblement national louvoyant et un « socle commun » qui multiplie les « lignes rouges ».

Le gouvernement doit présenter jeudi soir en Conseil des ministres ses projet de loi de finances (PLF) et de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), avec un retard inédit de neuf jours, point de départ d'un parcours législatif semé d'embûches qui devrait normalement s'achever au plus tard le 22 décembre.

Déterminé à peser sur les choix du Premier ministre Michel Barnier, son prédécesseur Gabriel Attal doit dévoiler mercredi au cours d'une conférence de presse les propositions du groupe Ensemble pour la République qu'il préside. Une présentation qui intervient au lendemain d'une réunion houleuse du groupe EPR avec M. Barnier, faisant dire à un député que les discussions budgétaires seront « très difficiles », avec un socle commun LR/camp présidentiel « très fragile ».

Pour le PLF comme pour le PLFSS, nul n'imagine que le gouvernement puisse s'exonérer de faire usage du 49.3, cette arme constitutionnelle qui permet de faire adopter un texte sans vote : face à une assemblée fragmentée en trois blocs, et alors que le gouvernement s'est fixé pour ambitieux objectif de réduire le déficit de 60 milliards d'euros, ce scénario semble inévitable.

La question étant de savoir combien seront nécessaires : dix (cinq pour chaque texte) comme avait dû le faire en 2022 et 2023 Élisabeth Borne ? Ou deux seulement, dans l'hypothèse où PLF et PLFSS seraient d'abord adoptés en commission mixte paritaire, avant une validation dans l'hémicycle ? La commission mixte paritaire, composée de sept sénateurs et sept députés, devrait être dominée par l'alliance LR-camp présidentiel.

Un budget « en trompe-l'œil »

« Ce qui change (...) c'est que nous disposons au Sénat d'une majorité sur laquelle on peut s'appuyer », souligne un conseiller gouvernemental, qui pointe le caractère « coûteux politiquement et usant psychologiquement pour le Premier ministre » d'une litanie de 49.3. A l'Assemblée, le Premier ministre Michel Barnier devra composer avec l'opposition frontale de la gauche, qui a défendu sans succès mardi une motion de censure contre lui.

Dans son discours, le premier secrétaire du PS Olivier Faure a dénoncé un budget « en trompe-l'œil », avec « vingt milliards demandés aux puissances de l'argent », de manière « temporaire », quand des efforts pérennes seront demandés à « tous les autres ». Le Nouveau Front populaire doit présenter prochainement ses propres propositions, inspirées de son programme des législatives.

Le Rassemblement national se montre plus conciliant, ayant refusé de joindre ses voix à celles de la gauche pour faire tomber le gouvernement. Ce qui ne l'empêche pas de fixer ses exigences : sa cheffe de file Marine Le Pen a rejeté la semaine dernière le décalage de six mois au 1er juillet de l'indexation des retraites, une mesure qui permettrait d'économiser quatre milliards d'euros.

Mme Le Pen avait aussi affirmé en réponse à la déclaration de politique générale du gouvernement que « toute hausse d'impôt sur les plus fortunés devra(it) être compensée par du pouvoir d'achat sur les plus modeste ». Mardi, le député RN Jean-Philippe Tanguy s'est aussi montré inquiet auprès de la presse des projets du gouvernement sur la taxation de l'électricité. Pour le reste, le RN ne dévoile pour l'instant guère son jeu.

Le camp présidentiel ne devrait pas non plus économiser ses flèches, singulièrement les députés EPR. L'ancien ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin n'a eu de cesse ces derniers jours de dénoncer les hausses d'impôts prévues, allant jusqu'à dénoncer un projet de budget « inacceptable ».

De manière plus nuancée, Gabriel Attal a appelé dimanche à ne pas « charger trop la barque sur les impôts », invitant une nouvelle fois à reprendre la réforme de l'assurance chômage qu'il avait lancée, quand Michel Barnier a préféré redonner la main au patronat et aux syndicats pour négocier.

Le MoDem devrait à son habitude se montrer favorable à des mesures allant dans le sens de plus de « justice fiscale » (taxation des superdividendes, des rachats d'action, fiscalité sur le capital).

Le président du groupe LR, Laurent Wauquiez, avait mis sur la table la semaine dernière un plan pour dégager cinquante milliards d'économies, dénonçant au passage la « situation catastrophique » des finances publiques après sept ans de macronisme.