L'angoisse. Le trac. L'hésitation. Les sentiments s'emmêlent parfois à l'approche d'un entretien annuel ou d'un échange planifié avec votre employeur ou manager à propos de votre salaire. Voici 7 conseils, livrés par trois experts : un syndicaliste, un expert en rémunération et un recruteur. Conseil bonus : rangez les gants de boxe, c'était juste pour la photo !

1 – Ne pas hésiter à réclamer une augmentation

Déjà, parce que c'est la loi : « l'employeur est tenu d'engager chaque année une négociation sur les salaires effectifs, la durée effective et l'organisation du temps de travail ». Ce passage est extrait de l'article L132-27 du Code du travail et s'applique aux entreprises où un délégué syndical a été désigné, procédure évidemment plus automatique dans les entreprises de plus de 50 salariés que dans les autres. Voilà pour la théorie.

En pratique, le sondage OpinionWay pour Altaÿs réalisé en octobre dernier révèle que 48% des salariés ne comptent pas demander d'augmentation, le premier motif d'absence de réclamation étant « vous n'osez pas »... Or, Jérôme Blanc, senior manager au cabinet de recrutement Robert Half vous incite à ne pas hésiter, y compris si vous avez été gratifié récemment. « Bien entendu » que l'on peut demander chaque année, affirme-t-il : « On peut demander tous les 3 mois si l'on veut, même si cela risque de lasser l'employé et son manager... Du côté de l'employeur, il vaut mieux devancer les demandes, ou mener des négociations satisfaisantes afin d'éviter des demandes trop régulières. Ce sont les entreprises qui augmentent les salaires qui fidélisent leurs employés. »

2 - L'inflation 2021, c'est un argument pour une hausse 2022

« Oui cela faisait longtemps que l'on n'avait pas eu une inflation à ce niveau-là, note Luc Mathieu, secrétaire national de la CFDT. Oui c'est un repère mais il n'y a d'automaticité, hormis sur le Smic. » Si vous avez du mal à lancer la discussion avec votre supérieur hiérarchique, le retour de l'inflation est cette année un argument valable, ne serait-ce que pour amener le sujet de la revalorisation salariale...

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3 – S'intéresser à la santé de votre secteur et de votre entreprise

Combien réclamer, mis à part une compensation de l'inflation ? Question délicate et qui dépend du secteur, de l'entreprise, sans oublier évidemment votre situation professionnelle... Sachez que si vous travaillez dans l'industrie, la chimie, les énergies, la grande consommation, la santé, l'univers technologies-médias-télécoms, la finance ou la distribution dans son ensemble, alors le cabinet Deloitte désigne votre secteur parmi ceux où les budgets « augmentations de salaire » sont de 2% ou plus cette année. Dans certains secteurs, en revanche, comme l'agro-alimentaire, « l'essentiel des négociations repose sur des augmentations collectives », explique Luc Mathieu, de la CFDT.

4 – Se documenter, même si « c'est tabou »

Combien sont payés vos collègues ? Combien sont payés ceux qui exercent le même métier que vous, à même niveau de qualification ? Pas facile... « En France, c'est tabou, se désole Jérôme Blanc, du cabinet Robert Half. Et connaître la rémunération d'un ami ou un collègue ne sera pas forcément représentatif. Nous sommes un groupe américain... or, aux États-Unis les rémunérations sont affichées. » Pour compenser cette délicate transparence, en France, Jérôme Blanc conseille a minima de consulter les « guides des salaires », comme celui édité par son groupe Robert Half, ou ceux d'autres cabinets (Robert Walters, Michael Page, etc.), ou encore l'outil proposé par Linkedin, entre autres.

Et si vous vous posez la question des écarts de salaires entre régions, réels, sachez qu'ils tendent à s'amenuiser comme l'explique Deloitte dans sa dernière étude : « Entre l'Ile-de-France et les autres régions en France, un léger recul est à souligner (+5,2% en 2021 par rapport à +6% en 2020), qui pourrait se transformer en véritable tendance avec l'émergence du télétravail et des départs de nombreux cadres citadins. » Bref : un écart béant entre Paris et la « province » se justifie plus difficilement aujourd'hui.

5 - Ne pas se contenter de « j'ai de l'ancienneté » ou « j'ai un diplôme »

Vous avez de l'ancienneté ? Ou un autre argument (telle qualification ou tel diplôme, etc.) qui justifie selon vous d'être gratifié ? Certes. Mieux vaut toutefois présenter l'intérêt de votre ancienneté ou qualification pour l'entreprise que de présenter cela comme un dû. Le monde du travail est concurrentiel, aussi bien côté salarié (qui peut chercher un autre emploi) que côté employeur (qui a la main sur la rémunération), comme l'explique de façon très pragmatique Franck Chéron : « La rémunération fixe, c'est une logique d'offre et de demande sur le marché du travail, selon les secteurs ». Cet expert RH rappelle que tout salarié doit se poser la question suivante avant de s'attaquer à la négociation : « Ai-je rempli les objectifs ? »

6 – Jouer collectif... sans s'oublier

« Quand on est manager, les enveloppes ne sont jamais aussi grandes qu'on le souhaite », explique Luc Mathieu, de la CFDT, interrogé sur la question d'une enveloppe limitée allouée pour les augmentations à un service, une entreprise, bref à un collectif. « Le problème qui est posé au manager, c'est soit on n'augmente pas tout le monde, ou alors il décide de faire un saupoudrage, ce qui risque de faire que des mécontents. C'est une question stratégique pour un manager. »

Être conscient des contraintes collectives, sans s'oublier : difficile équilibre, comme le reconnaît ce syndicaliste : « Du point de vue du salarié, le but est de justifier son évolution personnelle », développe Luc Mathieu, en particulier en l'absence d'augmentation récente : « Le plus courant, c'est une augmentation tous les 2 ans voire 3 ans. Avec parfois des gens qui restent sur le bord du chemin... »

« Il faut que les individus résonnent en collectif, être conscient si votre secteur est en tension ou non, ajoute Franck Chéron, de Deloitte. Il faut prendre en compte le contexte et la conjoncture dans vos requêtes individuelles. »

7 – Savoir ce que vous voulez

Faut-il demander la lune afin d'avoir une chance d'atterrir dans les étoiles ? Ou être raisonnable et précis dans votre demande ? « Il n'y a pas de bonne méthode, reconnaît Jérôme Blanc. Le but est de ne pas être déçu à la fin. C'est le même jeu de négociation que quand vous achetez une voiture. » Les autres experts interrogés sont tout aussi hésitants sur la meilleure méthode. Demander peu ? Vous risquez d'avoir encore moins. Demander trop ? Votre employeur pourrait se braquer si cela n'a aucun rapport avec la réalité de votre secteur...

Jérôme Blanc estime toutefois qu'être précis, et surtout savoir ce que l'on veut, peut permettre d'éviter la déception d'une négociation menée à la louche. Quitte à avoir un objectif précis en tête, sans le dévoiler, en demandant légèrement (et raisonnablement) un peu plus.

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