Avec la forte remontée des taux de crédit immobilier, les emprunteurs doivent forcément piocher dans leur épargne pour mettre sur pied leur projet. Mais faut-il injecter toute son épargne dans son projet immobilier ? Entre obligations et volonté des banques, MoneyVox fait le point.

Comment emprunter en juin 2024 ? Première bonne nouvelle : les crédits à 4,5% ne sont aujourd'hui plus qu'un mauvais souvenir pour les emprunteurs. En juin, la plupart des banques ont baissé à nouveau leurs taux de crédit, de 0,10 à 0,30 point dans les nouveaux barèmes reçus par les courtiers. En moyenne, il est actuellement possible d'emprunter à 3,55% sur 15 ans, 3,75% sur 20 ans et 3,95% sur 25 ans, mais les taux les plus bas négociés atteignent 3,3% sur 15 ans, 3,4% sur 20 ans et 3,6% sur 25 ans.

Des taux qui restent néanmoins encore très hauts en comparaison de la période 2021-2022, durant laquelle il était possible d'emprunter autour des 1%, même sur les durées les plus longues. Des écarts qui se ressentent fortement sur le coût du crédit. « Le coût du crédit immobilier a quasiment été multiplié par 4 sur les deux dernières années, rembobine Sandrine Allonier, porte-parole du courtier Vousfinancer. Quand les taux étaient à 1%, emprunter 200 000 euros sur 20 ans coûtait environ 20 000 euros. Avec des taux à 3,80%, le même crédit coûte aujourd'hui 85 000 euros à l'emprunteur ».

Face au coût du crédit, quelle stratégie ?

Pour les emprunteurs, se pose alors la question suivante : est-il plus intéressant, financièrement, de mobiliser toute son épargne dans son projet immobilier, ou d'emprunter le plus possible tout en plaçant son argent à côté ? Difficile de répondre simplement à cette question. Encore faut-il avoir de l'épargne, mais également le choix.

Car avec la hausse des taux, la capacité d'emprunt des emprunteurs a également fondu. « Avec des taux à 1%, un couple qui gagnait 4 200 euros à 2 pouvait emprunter 300 000 euros, souligne Sandrine Allonier. Aujourd'hui, la banque ne prête plus que 235 000 euros. Or, les prix n'ont pas assez baissé pour compenser cette perte. Il y a alors deux solutions : soit le couple achète un bien plus petit ou plus éloigné, soit il doit compenser avec de l'apport personnel. »

Impossible cependant d'injecter la totalité de son épargne dans son projet immobilier. La banque demandera toujours à l'emprunteur de conserver une épargne de précaution, soit l'équivalent de trois mois de salaires, pour parer à un éventuel coup dur. Le choix de mobiliser ou non plus d'épargne dépendra ensuite de la politique des banques. « C'est au cas par cas, confirme Cécile Roquelaure, porte-parole du courtier Empruntis. Cela va dépendre du patrimoine de l'emprunteur bien sûr, mais également de ce que recherche la banque prêteuse. Certaines sont attachées à l'épargne résiduelle, car elles ont besoin de ressources. »

Crédit immobilier : l'épargne résiduelle, nouvelle condition pour décrocher un prêt ?

Or, se présenter avec de l'épargne après projet pourrait permettre de négocier un taux de crédit plus avantageux. « Même si théoriquement, il vaut mieux emprunter moins quand les taux sont hauts, il faut voir les efforts que la banque est prête à faire pour avoir de l'épargne en contrepartie du crédit, assure Cécile Roquelaure. C'est quelque chose qui doit vraiment se négocier. »

Maël Bernier, directrice de la communication du courtier Meilleurtaux, va encore plus loin : « Aujourd'hui, même si les taux sont plus hauts, mieux vaut toujours emprunter qu'investir toute son épargne quand on a le choix. L'idéal, pour un emprunteur, c'est d'apporter les 10% de frais annexes (frais de dossier, frais de notaire NDLR) plus 20% de la valeur du bien, avec l'équivalent en épargne résiduelle à côté. À ce moment-là, la banque fera un effort car c'est un excellent dossier. »

Selon Maël Bernier, il n'y a pas d'intérêt à investir plus d'épargne. Même les secundo-accédants disposant de la somme pour acheter leur nouveau bien cash auraient intérêt à emprunter une partie de la somme. « En empruntant, vous êtes couvert par l'assurance emprunteur. De plus, garder de l'épargne, c'est la possibilité d'investir ailleurs, ou de faire un apport pour un investissement locatif par exemple. En mettre plus que nécessaire sur un premier projet immobilier ce serait dommage, ça peut vous empêcher d'en faire un second. »

Situation différente pour l'investissement locatif

Un avis que tempère Stéphane van Huffel, conseiller en gestion de patrimoine et co-fondateur de Net Investissement. Tout dépend en fait du projet du ménage : « À partir du moment où un ménage décide d'acheter sa résidence principale, il faut mettre le maximum d'apport dans son projet immobilier, tout en gardant une épargne de précaution, car c'est le projet principal d'une vie. Encore plus avec des taux qui ne donnent pas une gratuité à l'argent comme c'était le cas il y a quelques années où le moindre placement rapportait plus que le coût de l'emprunt. Je conseillerai donc de mettre le maximum dans son projet, pour se donner un peu d'air sur les mensualités du crédit, ce qui permettrait de reconstituer une épargne et donc d'investir au fur et à mesure sur d'autres produits. »

La donne est en revanche différente pour un investissement locatif : « Comme il est possible de déduire les intérêts d'emprunt sur les loyers que vous allez percevoir sur votre location, le coût du crédit est minoré. Dans ce cas, mieux vaut effectivement emprunter au maximum et garder son argent sur des placements. »