Pressé de prendre une décision, le gouvernement a décidé de geler les prix réglementés du gaz et de contenir les tarifs bleus de l'électricité. Mais ce gel risque de se répercuter tout de même sur les factures du printemps. Les associations de défense de consommateurs plaident de leur côté pour une baisse durable des taxes.

+12,6% en octobre pour les tarifs réglementés du gaz, des hausses supérieures à venir d'ici la fin de l'année et des prévisions aussi catastrophiques pour les tarifs bleus de l'électricité en février 2022. Impensable pour Emmanuel Macron qui, s'il est candidat, entend faire campagne sur le pouvoir d'achat. Pour circonscrire une crise de l'énergie à quelques mois de la présidentielle, le gouvernement a bloqué la hausse des TRV du gaz de novembre à avril prochain. Ceux de l'électricité n'augmenteront que de 4%, soit un tiers de la hausse prévue par les associations de consommateurs, grâce à une baisse des taxes. Ces décisions complètent l'octroi à 6 millions de ménages d'un chèque énergie spécial de 100 euros.

Mais ce « bouclier tarifaire », selon l'expression du Premier ministre, Jean Castex, n'est pas sans risque. Les quelque cinq millions de ménages concernés par les variations du prix des TRV du gaz, et donc par ce gel, auront à payer les surcoûts hivernaux de façon plus étalée, à partir du printemps prochain, quand les cours baisseront selon l'hypothèse optimiste avancée par le gouvernement. Cette technique du lissage a déjà été utilisée dans un passé récent avec un succès très limité.

Que va dire le Conseil d'Etat ?

En 2011, pour faire face à des hausses massives des tarifs réglementés du gaz et de l'électricité, le Premier ministre François Fillon avait décidé un gel des prix. Le Conseil d'Etat avait contesté ce choix mais le gouvernement avait maintenu son cap à l'approche de la présidentielle de 2012. Résultat, deux mois après l'élection de François Hollande, la plus haute juridiction française avait imposé de réviser rétroactivement les tarifs et d'augmenter les factures sur la base des coûts passés. Sept millions de foyers chauffés au gaz avaient vu leur facture bondir de 40 euros par mois en moyenne.

En 2014, c'est Manuel Valls, fraîchement nommé à Matignon, qui publie deux arrêtés pour stopper la hausse des tarifs de l'électricité. Mais le Premier ministre se heurte à nouveau au Conseil d'Etat qui impose un lissage d'un milliard d'euros sur 18 mois, soit 30 euros par client. En 2021, le gouvernement Castex n'a pas donné les détails du rattrapage des prix mais « des garanties seront prises (...) On fait le pari que tout ça redescend après le printemps, et on rattrape par des hausses modérées pendant l'été », confie une source au Parisien.

Baisser la TVA pour éviter le rattrapage ?

« Les annonces du gouvernement sont des mesures d'urgence assez bienvenues, mais elles ne nous rassurent pas sur le long terme », juge le directeur général de la CLCV François Carlier. L'organisation de défense des consommateurs demande une révision de la TVA sur le gaz et une refonte du marché de l'électricité qui passe un retour aux TRV pour tous. « Une baisse de la TVA serait une mesure additionnelle simple et efficace », estime-t-il. Elle porterait sur les comptes de l'Etat plus que sur le porte-monnaie des ménages, à court terme.

Pour l'UFC-Que choisir, cette annonce « ne constitue en rien une mesure protectrice du pouvoir d'achat des consommateurs. (...) Les consommateurs ne tireront aucun bénéfice d'un gel des tarifs, ils paieront la note. » Alain Bazot, son président, estime que « l'Etat matraque les consommateurs avec des taxes et une TVA à 20%. Alors, aux grands maux les grands moyens : comme en Espagne, il pourrait au moins y avoir temporairement une baisse de la TVA pour compenser cette hausse historique. Et puis peut-être mettre fin à une aberration fiscale, qui est de prendre de la TVA sur les taxes », a-t-il déclaré sur France Info. La Taxe Intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN), la Contribution tarifaire d'acheminement (CTA) et la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA), prelévée sur les deux précedentes, représentent près de 25% du prix total de la facture. Pour lutter contre la hausse des prix, l'Espagne a baissé sa fiscalité de 50% sur l'énergie.

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