La flambée des tarifs de l'électricité, du gaz et du carburant affole les factures en cette fin d'année 2021 et ne laisse guère entrevoir d'amélioration début 2022. Résultat, les fournisseurs adaptent déjà leur offre. En Grande-Bretagne, acculés par les prix du marché, certains ont mis la clé sous la porte. Cela peut-il arriver en France cet hiver ?

Face à la flambée des prix du gaz en Grande-Bretagne, plusieurs petits fournisseurs d'énergie sur les quarante que compte l'île ont cessé leur activité en septembre, faute de pouvoir répercuter les prix du marché de l'énergie sur la facture. 1,5 million de clients, sur un total de 30 millions, ont ainsi été automatiquement basculés vers un autre fournisseur avec au final des prix souvent plus élevés. Si la situation n'est pas aussi dramatique en France pour le moment, plusieurs signes montrent que les différents acteurs se préparent à un hiver difficile.

Les fournisseurs renversent la table

Dans ce contexte, des fournisseurs d'électricité et de gaz font des choix drastiques et adaptent leur offre pour limiter la casse : certains refusent de nouveaux clients ou réduisent le nombre de contrats proposés, d'autres en changent les termes, parfois plusieurs fois par semaine et avec des hausses de tarifs importantes. « Nous ne sommes pas en mesure de prendre de nouvelles souscriptions pour le moment (...) Nos offres sont en cours de refonte », écrit par exemple sur son site Cdiscount. TotalEnergies a lui retiré de la vente son Offre Classique (-5% par rapport aux tarifs réglementés de l'électricité) comme son contrat Online pour promouvoir son offre verte et son programme « Heures super creuses ».

« Nous ne pouvons malheureusement pas vous proposer de contrat vous permettant de réaliser des économies intéressantes »

« Au vu de l'augmentation exceptionnelle et fulgurante des prix sur le marché de l'énergie, nous ne pouvons malheureusement pas vous proposer de contrat vous permettant de réaliser des économies intéressantes pour le moment », assume de son côté Mega énergie. Eni a aussi modifié son offre à jour du jour au lendemain : habituellement parmi les plus avantageuses du marché, « l'offre Webeo Eni évolue et s'engage à vous faire bénéficier de l'offre gaz/électricité à prix de marché fixe du kWh HT pendant 1 an » contre 24 ou 36 mois précédemment.

Chez Vattenfall, la démarche est identique : l'offre Électricité Eco à -10% disparaît et seule subsiste Electricité Eco + Green, 10% moins chère que le tarifs réglementé. Quant aux offres de gaz, elles disparaissent en attendant la publication d'un nouveau catalogue courant novembre.

Les consommateurs ont des droits

« Nos tarifs ultra-compétitifs nous ont fait gagner trop de clients », assume Alterna qui a supprimé une partie de ses offres. D'autres structures comme Wekiwi ou Mega proposent à leurs clients - notamment ceux qui bénéficient d'un contrat à prix bloqué - de changer de formule à la hâte. En effet, pour l'électricité des offres 50/50 sont proposées : la moitié à prix fixe et l'autre à prix variable et donc soumise aux variations du marché de gros qui flambe actuellement. Chez Mint Energie, les clients ont reçu un mail annonçant une hausse du tarif de 25%, soit 400 euros par an. De son côté, E. Leclerc Energies a préféré se mettre en retrait et perdre ses 140 000 clients. Le groupe s'est engagé à ne couper l'électricité que le 31 octobre, à la veille de la trêve hivernale, pour laisser un délai supplémentaire à ceux qui n'ont pas changé de fournisseur.

Le Médiateur national de l'énergie en recensait 53 pour l'électricité le 14 octobre, contre 94 le 12 août. Pour le gaz, on est passé de 63 à 33 offres disponibles sur la même période, selon un dé"compte transmis à l'AFP.

« Nos tarifs ultra-compétitifs nous ont fait gagner trop de clients »

Même, l'UFC-Que Choisir qui proposait une offre de marché avantageuse en partenariat avec ekWateur se retire. « Les uns après les autres, les fournisseurs d'énergie retirent leurs offres commerciales, voire matraquent leurs clients avec des hausses insensées », dénonce l'association de défense des consommateurs. Dans ce contexte troublé, l'association de consommateurs CLCV, qui insiste pour le retour au tarif bleu d'EDF pour tous les consommateurs face à un marché qui ne permet pas à la concurrence de s'exprimer, se dit « choquée d'apprendre que certains d'entre eux informent leurs clients de ces hausses par le simple envoi d'un courrier électronique ».

Néanmoins, les consommateurs ont des droits, a rappelé le Médiateur de l'énergie au début de la crise et les modifications de contrat ne peuvent se faire n'importe comment. Il recommande la plus grande vigilance. Ainsi, à la suite de plaintes de consommateurs, l'opérateur espagnol Iberdrola vient ainsi d'être sanctionné. Preuve que la situation est prise au sérieux, la Commission de régulation de l'énergie (CRE), très attentive aux fluctuations du marché de gros, recommande « de prévoir un dispositif complémentaire d'aide aux fournisseurs qui se trouveraient en grave difficulté financière » suite aux décisions prises par le gouvernement. En l'occurrence, le gel tarifaire décidé pour le gaz , en attendant peut-être un effort fiscal comme pour l'électricité en février 2022.

Les risques de faillite encadrés par la loi

Comment minimiser les risques si on craint de voir sa facture exploser ? « Ce n'est pas le meilleur moment pour faire jouer la concurrence, convient Julien Teddé, directeur général de Opéra Energie. En gaz, les tarifs réglementés sont amenés à disparaître en juin 2023. Il peut être intéressant de profiter du bouclier tarifaire durant l'hiver. En revanche, au printemps, quitter le tarif réglementé pourrait être une bonne option. (...) En électricité, il est toujours possible de revenir au tarif réglementé d'EDF, sans frais avant de, pourquoi pas, faire le choix d'un autre fournisseur alternatif au sortir de la crise actuelle. »

Et en cas de faillite, n'ayez crainte, la loi prévoit un fournisseur de secours, en plus de la trêve hivernale qui débutera le 1er novembre. « Les fournisseurs de dernier recours sont désignés par le ministre de l'Energie après un appel à candidature. Malheureusement, ces derniers n'ont pas encore été sélectionnés, précise Julien Teddé. Il s'agirait de toute façon d'une offre transitoire, le temps de souscrire une nouvelle offre de marché auprès du fournisseur de son choix. » Dans l'urgence, et pour éviter les coupures, l'Etat devrait faire appel aux... fournisseurs historiques.

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