Le tarif réglementé de l'électricité ou tarif réglementé de vente (TRV) séduit encore de nombreux consommateurs : 20,7 millions de sites résidentiels y sont raccordés, selon le dernier rapport trimestriel de la Commission de régulation de l'énergie (CRE). Mais pourquoi est-il plus stable que les prix de marché et comment est-il calculé ? On vous explique la recette. 

Le tarif réglementé de l'électricité ou tarif réglementé de vente (TRV) reste prisé par la majorité des consommateurs. Au 31 mars 2024, 20,7 millions de sites résidentiels avaient souscrit à une offre au tarif réglementé de vente, soit 57,7% d'entre eux.

Il n'y a que EDF et les Entreprises locales de distribution (ELD) qui ont le droit de mettre en avant des offres au TRV et uniquement pour les particuliers ou les petites entreprises. Les autres fournisseurs peuvent toutefois avoir des offres qui y sont indexées.

Le tarif réglementé est régulé, il est fixé par le gouvernement, sur proposition de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) et peut évoluer deux fois par an : en août et en février. Sa principale caractéristique est donc d'être beaucoup moins volatile que les prix du marché qui varient constamment. Pour comprendre pourquoi et comment il est calculé, voici les trois composantes qui se cachent derrière.

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1 - Le prix de la fourniture

En 2024, c'était la partie la plus importante du tarif réglementé : le prix de la fourniture, c'est-à-dire le prix de l'énergie en elle-même. Elle représentait plus de la moitié du TRV : 54%. Deux paramètres jouent principalement sur ce coût : d'abord, le droit à l'Accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh).

Le mécanisme est plutôt complexe : chaque année, les fournisseurs alternatifs débloquent le droit d'accéder à une partie de cette électricité qui provient du nucléaire, en fonction du nombre de clients. Pour eux, l'enjeu est important, car cette électricité est peu cher comparé aux prix de marché. Elle est vendue au prix de 42 euros le MWh alors que sur le marché de gros, les prix étaient par exemple deux fois plus élevés le 24 juillet et bien plus pendant la crise de l'énergie (1).

En 2024, les droits Arenh correspondaient environ à 45% du coût de fourniture, comme le montre Jacques Percebois, spécialiste de l'économie de l'énergie. Pour compléter, les fournisseurs doivent donc acheter de l'électricité sur le marché, l'autre composante du coût de la fourniture. Les prix de gros sont extrêmement volatiles et varient toutes les heures. Ils sont revenus à la baisse ces derniers temps, mais ont atteint des sommets pendant la crise de l'énergie.

Les factures d'énergie restaient hautes cette année parce qu'une grande part du calcul prend en compte la moyenne des prix de marché des 24 derniers mois. En 2024, la moyenne était poussée par les prix de 2022, qui étaient très hauts. En 2025 en revanche, ce ne sera plus le cas, ce qui rend très probable une baisse des factures pour les offres au TRV d'environ 15%. Enfin, les coûts commerciaux ainsi que la marge ou rémunération retenue par le fournisseur sont aussi à intégrer dans cette partie.

2 - Le coût réseau

Dans cette composante, sont inclus tous les coûts nécessaires pour entretenir les réseaux électriques. Elle représente 22% du TRV en 2024. On y trouve notamment le Tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE). Normalement, en août, cette partie aurait dû faire grimper les factures de 1% environ, mais le gouvernement a annoncé que la hausse ne s'appliquerait pas. Il est fort probable qu'elle soit intégrée à la nouvelle évolution des tarifs qui aura lieu en février 2025.

Autre point à noter, la part liée au coût du réseau pourrait bien augmenter dans les années à venir et ce dès août 2025. Les gestionnaires prévoient en effet de fortes augmentations de leurs investissements d'ici 2040 qui devraient être répercutés sur les factures.

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3 - Les taxes

La troisième « partie » du TRV comprend toutes les taxes. La plus importante, c'est la TVA (15% du TRV 2024). Elle est fixée à 5,5% du coût de l'abonnement et 20% du prix du KWh. Vient ensuite la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TIFCE, aussi appelée accise ou anciennement CSPE), qui représente 7% du TRV. La TIFCE est intégralement versée au budget de l'Etat.

Dans le cadre du bouclier tarifaire, la TIFCE avait été réduite à 1 euro pour les particuliers, puis remontée en février 2024, ce qui avait provoqué la hausse des factures d'environ 10%. En 2025, elle pourrait retrouver son niveau d'avant crise (32 euros le MWh).

Dernière taxe, la Contribution tarifaire d'acheminement (CTA), qui représente 2% du TVR. Elle permet de financer les droits spécifiques relatifs à l'assurance vieillesse des personnels relevant du régime des industries électriques et gazières, explique la CRE.

En 2024, le TRV se décomposait donc plus ou moins de cette manière. Cette structure devrait être modifiée en 2025, avec la baisse du coût de fourniture, notamment à travers la prise en compte de la diminution des prix de marché.

Pourquoi le tarif réglementé devient moins intéressant quand plus de clients se tournent vers les offres de marché

C'est une situation paradoxale : plus nombreux sont les clients des offres de marché, plus le TRV a tendance à devenir moins intéressant. Cela s'explique par un point de la réglementation : la part d'Arenh (donc l'électricité moins chère provenant du nucléaire) des offres au TRV doit être la même que les offres de marché, c'est le principe de contestabilité.

Le calcul est détaillé par Jacques Percebois (spécialiste de l'économie de l'énergie) dans un article pour Connaissance des énergies. Cette année, la part d'Arenh dédiée aux fournisseurs alternatifs était limitée à 100 TWh. Mais plus ces derniers ont de clients, plus ils peuvent y prétendre. Normalement, en moyenne, la part d'Arenh représente 58,85% de la facture des clients.

Mais en 2024, le niveau total des demandes des fournisseurs alternatives s'élevait à plus de 130 TWh d'Arenh. Comme le seuil de 100 TWh a été dépassé, le pourcentage de droit a été réduit à 45% environ, au lieu des 58,85% habituels. Et principe de contestabilité oblige, la part Arenh a également été réduite aussi à 45% pour les offres au TRV.

Ce système est très contesté, parce qu'il a donné lieu à des dérives (récemment, le fournisseur Ohm énergie a été sanctionné pour un abus de droits Arenh). On peut aussi se demander si ce processus ne risque pas d'entraîner un cycle peu vertueux : le tarif réglementé est moins intéressant, alors les consommateurs se tournent davantage vers les offres de marché, les fournisseurs alternatifs peuvent prétendre à plus de droits Arenh et donc le tarif réglementé devient donc encore moins intéressant, etc.

En 2026, le système Arenh doit disparaître, mais il est pour l'instant difficile de dire si la prochaine réglementation sera favorable pour les consommateurs.

(1) Par exemple, une simulation effectuée le 24 juillet 2024 estimait le MWh sur le marché de gros à 98 euros. Pendant la crise de l'énergie, deux ans plus tôt, ils étaient à 296 euros du MWh.