Plus de 20,7 millions de particuliers ont souscrit au tarif réglementé de l'électricité, au premier trimestre de l'année 2024. Comment va évoluer ce tarif dans les mois à venir ? On fait le point avec Jacques Percebois, professeur émérite à l'Université de Montpellier, spécialiste de l'économie de l'énergie.

Quand et de quelle manière le tarif réglementé de l'électricité va-t-il évoluer ?

Le tarif réglementé de l'électricité (TRV) peut varier à deux moments de l'année : en août et en février. Le 1er août, il évolue en fonction du Tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE). Cela aurait dû être le cas cette année, selon la proposition de la Commission de régulation, mais le gouvernement a annoncé qu'il n'y aura pas de variation le mois prochain. En février, l'évolution prend en compte le prix de la fourniture et des différentes taxes.

Le gouvernement a annoncé une baisse des tarifs d'environ 15% en février 2025, mais peut-on en être sûr ?

« C'est très probable, considère Jacques Percebois, surtout parce que les prix sur le marché de gros ont diminué ces derniers mois. » Pour bien comprendre, il faut revenir sur le mode de calcul du tarif réglementé TRV. Il se décompose en trois parties : le coût du réseau, les taxes et le prix de la fourniture, c'est-à-dire de l'électricité en elle-même. En 2024, cette composante représentait plus de la moitié de la facture d'électricité. « Avant, c'était 1/3, mais l'envolée des prix pendant la crise de l'énergie a augmenté la proportion », explique Jacques Percebois.

Ce prix de la fourniture du tarif réglementé varie en fonction de deux paramètres : l'Accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), qui représentait en 2024 environ 45% du coût fourniture. Il permet aux fournisseurs d'obtenir des prix très intéressants, puisque le MWh est vendu par EDF à 42 euros. Deuxième paramètre, les prix sur le marché de gros, qui représentent 55% des prix de fourniture. Contrairement au prix Arenh, ils sont très volatiles : par exemple, une simulation effectuée le 24 juillet 2024 estimait le MWh à 98 euros. Pendant la crise de l'énergie, deux ans plus tôt ils étaient à 296 euros du MWh.

Or, pour le TVR, une grande part prend en compte la moyenne des prix de gros des 24 mois précédant le calcul. « En 2024, on a donc tenu compte des prix de gros très élevés observés en 2022 », explique l'économiste. Ce ne sera plus le cas à partir de 2025, seules les années 2023 et 2024 seront prises en compte, périodes où les prix de gros ont beaucoup diminué.

Électricité : pourquoi la baisse des prix sur le marché de gros ne se voit pas sur vos factures

Ces diminutions devraient compenser les hausses probables de certaines composantes du TVR en février 2025. La taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TIFCE, aussi appelée accise) pourrait en effet revenir à son niveau d'avant crise, à 32 euros du MWh (elle avait été abaissée à 1 euros du MWh, pour enrayer la hausse des prix en 2021 et avait été remontée à 21 euros en février 2024). S'y ajoute la hausse de 1% due au TURPE qui pourrait être répercuté en février 2025.

Concrètement, que changerait une baisse de 15% en février prochain ?

Actuellement, le kwh au TRV s'élève à 0,2516 euro TTC. Pour une personne ayant souscrit à l'offre base de EDF consommant 2 400 kwh par an et qui dispose d'un compteur de 9 kva, une facture annuelle au TRV s'élève à 793 euros (0,2516 euros fois 2 400 + 189,47 euros d'abonnement). Avec un TRV en baisse de 15%, la facture annuelle serait alors de 674 euros, soit près de 120 euros d'économie.

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Logiquement, les économies seraient encore plus importantes pour un client consommant davantage. Par exemple, toujours avec un compteur de 9 kva, pour une consommation de 8 500 kwh par an, et une formule base, la facture annuelle passerait de 2 328 euros à 1978 euros, donc 360 euros de moins.

En août 2025, quelle pourrait être la dynamique ?

« Ce qu'on peut dire c'est qu'a priori, dans les mois qui viennent, il n'y aura pas d'envolée des prix, mais il est très difficile de prévoir ce qu'il pourrait se passer par la suite. Personne n'avait anticipé la guerre en Ukraine qui a été un des déclencheurs de la crise de l'énergie, avec une forte augmentation des prix de marché, couplé au fait que le parc nucléaire était moins disponible en France. Des incidents en mer Rouge ou sur le parc nucléaire pourraient par exemple à nouveau tirer les prix à la hausse », estime Jacques Percebois.

Autre point à prendre en compte : la demande. « Si les prix baissent actuellement, c'est aussi parce que beaucoup de personnes ont fait des efforts face à la flambée des tarifs. Mais la demande pourrait bien repartir dans les prochains mois / années. »

En août 2025, il faut surtout anticiper une probable hausse du TURPE, portée par les besoins d'investissement pour entretenir le réseau électrique. « Avec les investissements prévus par RTE et Enedis, et ceux pour développer le réseau européen et les interconnexions, c'est près de 240 milliards d'euros qui sont évoqués d'ici 2040. Les répercussions sur la facture des consommateurs pourraient commencer en août 2025 », indique Jacques Percebois.

Et en 2026 ?

Il y aura sans doute du changement en 2026, puisque cette année marquera la fin du dispositif de l'Arenh. Un accord a été signé entre l'Etat et EDF fin 2023, mais il pourrait bien être revu, car il est critiqué.

« Il prévoit une sorte de prix-plafond mais sans prix-plancher (...). Le consommateur a la garantie qu'au-delà de 78 euros du MWh, une partie de la rente (50%) sera prélevée par l'État et lui sera rétrocédée l'année suivante ; si le prix de gros dépasse 110 euros par MWh, le prélèvement sera de 90% et le consommateur ne supportera que 10% du prix au-delà de cette limite », détaille Jacques Percebois.

Problème pour le consommateur, avec un tel système « des simulations montrent que le système sera moins favorable pour lui que le mécanisme de l'Arenh si les prix de gros sont plus élevés que les prix actuels. On ne pourra plus compter sur le facteur de stabilité que constituait une part importante d'Arenh dans le coût de fourniture ».

Est-ce mieux de rester au tarif réglementé ou faut-il opter pour une offre de marché ?

Selon Jacques Percebois, tout est une question de gestion du risque : « Si on préfère la stabilité, mieux vaut rester au tarif réglementé puisqu'il est régulé. A l'inverse, si le risque n'effraie pas, il est possible de souscrire à une offre de marché, mais dans ce cas-là, il faut savoir suivre ses factures, faire les calculs. »

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Un conseil pour cela, bien surveiller les communications de votre fournisseur. A chaque modification tarifaire non prévue dans le contrat, il a l'obligation de vous avertir un mois à l'avance. Après comparaison, si vous vous rendez compte que les prix augmentent beaucoup, il est toujours temps de retourner au tarif réglementé.