A-t-on déjà vu un budget plus chaotique ? Le projet de loi de finances pour 2025 a été présenté tardivement, début octobre, par le gouvernement Barnier. Puis... Amendements votés contre l'avis du gouvernement. Absences de vote, question de délai, à l'Assemblée nationale. Rejets en série. Texte remanié par le Sénat... Et censure sur l'autre budget, celui de la Sécurité sociale. Cette subtilité, d'une censure sur l'autre texte, a permis au Premier ministre François Bayrou de reprendre la copie du gouvernement Barnier pour l'amender sans perdre de temps en recommençant tout de zéro.
Résultat : après le vote du Sénat et avant la commission mixte paritaire (CMP) ce jeudi, peu de surprises. Mais le suspense demeure sur le risque de censure à l'Assemblée nationale. D'où l'importance de signer une copie équilibrée, du moins acceptable pour le camp socialiste, lors de cette CMP...
1 - Le nouveau barème de l'impôt sur le revenu... qui attend validation
Tout les groupes politiques sont d'accord. Reste à voter la mesure. Or la solution d'une texte consensuel avec toutes les mesures « pressées » - dont l'indexation du barème - avant un budget plus ambitieux n'a pas été retenue. L'indexation à 2% ne sera pas modifiée. Le seul suspense est de savoir si le texte finira par passer. En jeu : 619 000 contribuables qui pourraient payer des impôts alors qu'ils n'en paient pas aujourd'hui.
Tranche de revenu par part fiscale | Taux applicable pour la tranche |
---|---|
Jusqu'à 11 294 € | 0% |
De 11 294 € à 28 797 € | 11% |
De 28 797 € à 82 341 € | 30% |
De 82 341 € à 177 106 € | 41% |
Plus de 177 106 € | 45% |
Barème inscrit dans la loi de finances pour 2024.
Tranche de revenu par part fiscale | Taux applicable pour la tranche |
---|---|
Jusqu'à 11 520 € | 0% |
De 11 520 € à 29 373 € | 11% |
De 29 373 € à 83 988 € | 30% |
De 83 988 € à 180 648 € | 41% |
Plus de 180 648 € | 45% |
Source : projet initial de loi de finances pour 2025, déposé par le gouvernement Barnier
2 - Crédit immobilier : extension du prêt à taux zéro toujours dans les tuyaux
Comme pour l'indexation du barème, l'élargissement du prêt à taux zéro (PTZ) fait consensus. Actuellement, le PTZ ne concerne que les zones tendues, pour l'achat ou la construction d'un logement neuf dans un bâtiment d'habitation collectif. Le projet initial de loi de finances pour 2025, « version Barnier », prévoyait pour faciliter l'accession à la propriété, d'étendre le PTZ à l'acquisition et la construction d'un logement neuf, que ce soit une maison individuelle ou un appartement, mais également à tout le territoire pour les primo-accédants.
Au Sénat, les critères géographiques ont été supprimés dans le neuf et dans l'ancien. Et le plafondu du fincement à taux zéro a été revu à la hausse. Suspense, donc, sur la copie qui sera retenue en CMP pour le PTZ, celle du texte initial ou celle du Sénat.
Prêt à taux zéro 2025 : un espoir subsiste pour de nombreux emprunteurs
3 - Des impôts en plus pour les grandes fortunes... voire un nouvel ISF ?
L'idée d'une contribution ciblant les très hauts revenus, comme souhaitée par le gouvernement Barnier avec la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR), plaît au gouvernement Bayrou. Même si l'idée développée par la nouvelle ministre chargée du Budget Amélie de Montchalin est de changer de formule dès le prochain texte budgétaire : « Pour l'instant, nous allons garder dans le budget la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR), c'est-à-dire l'impôt plancher à 20% des revenus des ménages aisés. Mais, nous proposons de la remplacer le plus vite possible par un dispositif anti-optimisation sur lequel nous allons concerter les acteurs », expliquait-elle mi-janvier dans Le Figaro. « Ce dispositif permettra que la somme de l'impôt sur le revenu, de prélèvement forfaitaire unique et de l'impôt sur la fortune immobilière payés par les contribuables les plus aisés ne soit pas inférieure à un seuil minimal. Ce dernier sera calculé sur le patrimoine hors outil de travail. »
« Ma boussole, c'est de ne pas augmenter les impôts existants et de ne pas en créer de nouveaux »
Et un retour de l'ISF ? Ce n'est pas la volontée du gouvernement. Voici le principe exposé par Amélie de Montchalin : « Ma boussole, c'est de ne pas augmenter les impôts existants et de ne pas en créer de nouveaux. En revanche, il faut que les impôts qui existent pour les Français les plus aisés soient effectivement payés. » Au Sénat, pourtant avec une majorité à droite, un impôt sur la fortune improductive a été adopté. Le seuil de patrimoine à partir duquel cet impôt serait perçu pourrait être doublé par rapport à l'actuel impôt sur la fortune immobilière. Mais le champ d'imposition irait bien au-delà du patrimoine immobilier, en intégrant les livrets, actions et autres placements financiers, compte courant ou encore bitcoin et crypto-actifs y compris, tout comme les objets précieux, les voitures, les biens de luxe tels que les yachts et avions, etc.
Et aussi... Ces mesures qui figurent toujours dans le texte
La navette parlementaire est cette année si particulière que le texte servant de base de discussion en CMP est finalement assez proche de la copie initiale du gouvernement Barnier. Du moins sur les mesures qui touchent les finances des particuliers. Y sont encore...
- La hausse de 0,5 point, pour 3 ans, des droits de mutation (à tort appelés « frais de notaire ») pour vos achats immobiliers ;
- Des évolutions pour la fiscalité des logements meublés locatifs (dans une formule incertaine, puisque le Sénat a modifié la copie sur ce point) ;
- Et toute surprise envisageable lors de la CMP. Les amendements adoptés au fil des semaines de discussions allant parfois dans des directions si divergentes, la copie de la CMP pourrait réserver des surprises. Négociation oblige.
Un budget 2025 adopté rapidement ?
A partir de ce jeudi 30 janvier, sept députés et sept sénateurs se retrouvent en conclave pour s'accorder sur une version commune du budget. Les membres de la coalition gouvernementale seront majoritaires dans cette instance, ce qui présage d'un accord.
Les conclusions éventuelles de la CMP sur le budget de l'Etat seront examinées lundi à l'Assemblée nationale, selon une source parlementaire, avec sans doute à la clé l'utilisation pour la première fois par François Bayrou de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution. Si le texte ne provoque pas de censure, le Sénat pourrait lui se prononcer définitivement sur le budget de l'Etat le 7 février.