Donner de l'argent à vos enfants, votre famille, vos amis ou autres proches, c'est possible. Et il n'est pas toujours nécessaire de le déclarer au fisc. Mais où est la limite ? Et existe-t-il véritablement une limite à ce « don d'usage » ? La règle tacite des 1% à 2% du patrimoine existe-t-elle vraiment ? Réponse(s) à ces questions récurrentes avec l'aide précieuse de la notaire Nathalie Couzigou-Suhas.

Questions de Vir, Gencle14, Hertell, Chris, Mme M., etc.

Vir : « À partir de quel montant de don (pour ses enfants) s'applique l'obligation de déclarer ce don aux impôts ? »

Gencle14 : « Combien on peut donner à ses enfants en don d'usage ou présent d'usage sans déclarer aux impôts ? »

Chris : « A partir de quelle somme, de parent à enfant, doit-on déclarer aux impots ? Et quand paie-t-on des droits de succession ? »

Hertell : « Notre maman a plus de 700 000 euros de patrimoine immobilier et financier. A Noël, elle a donné 10 000 euros à chacun de ses 3 enfants. Devons-nous le déclarer en dons ou ne pas le déclarer (present d'usage) ? »

Mme M. : « Mes parents me donnent 300 euros chaque mois depuis plusieurs années. Mais maintenant je travaille. J'ai des revenus. Doit-on déclarer ces dons ? »

Un simple florilège des multiples questions que MoneyVox reçoit sur les dons d'argent en famille. Et nous nous limitons ici à une sélection de questions reçues en 2024, alors qu'elles sont récurrentes, année après année ! Alors, attaquons nous à cette question centrale : jusqu'à combien peut-on considérer qu'un don d'argent n'est qu'un présent d'usage ? Oui, soyons précis dans le vocabulaire utilisé. « Présent d'usage », le terme a son importance, car c'est bien ce « mot magique » qui vous exonère de déclaration aux impôts.

En clair : un présent d'usage passe à côté des radars pour les droits de donation, les droits de succession, mais aussi pour le partage de l'héritage entre enfants ou ayants-droits. Un présent d'usage peut ainsi bénéficier à un enfant mais aussi à une nièce, un oncle, une amie, etc. Alors... combien ?

Que vaut la règle des 2% du patrimoine ?

Jusqu'à combien, ce présent d'usage ? Question insoluble. Car voici la définition du présent d'usage dans le Code civil : « Le caractère de présent d'usage s'apprécie à la date où il est consenti et compte tenu de la fortune du disposant. » Aïe... Pourtant, si jamais vous avez mené des recherches sur cette épineuse question sur Internet, alors vous êtes forcément tombé sur une définition tacite : 1% à 2% des revenus ou du patrimoine de celui qui donne. Vrai ou pas vrai ? Cette définition au doigt mouillé ne plaît pas au ministère de l'Economie et des Finances : « aucun seuil maximal, que ce soit en pourcentage ou en valeur absolue, permettant de distinguer présent d'usage et autres donations », a répondu Bercy à la députée bretonne Annaïg Le Meur voici quelques années...

« Il ne s'agit donc pas d'une règle en tant que telle, mais plus d'un moyen de faire prendre conscience que tout présent d'usage ne doit pas être disproportionné par rapport aux revenus ou au patrimoine »

« La règle tacite de 1% ou 2% ne figure pas dans le Bofip-Impôts [la documentation fiscale, NDLR] », explique Me Nathalie Couzigou-Suhas, notaire et chargée d'enseignement à l'Ecole nationale de la magistrature. « Il ne s'agit donc pas d'une règle en tant que telle, mais plus d'un moyen de faire prendre conscience que tout présent d'usage ne doit pas être disproportionné par rapport aux revenus ou au patrimoine. »

Probablement évoqué au détour d'un article de presse, ou lors de discussions pédagogiques en étude notariale, cet exemple de 1% à 2% s'est petit à petit ancré dans les mémoires... sans en devenir une règle pour autant. Mais alors... combien ? Ça dépend... à condition que ce don d'usage se limite à « une proportion très limitée du patrimoine du donateur », expliquait l'avocat Xavier Rohmer à MoneyVox avant les fêtes de fin d'année.

Un montant raisonnable... à une occasion particulière !

Surtout, la notion de présent d'usage ne repose pas QUE sur la question du montant raisonnable. Il ne faut pas oublier « la date à laquelle il est consenti », dans la définition légale. La notaire parisienne Nathalie Couzigou-Suhas insiste fortement sur ce point : « Le présent d'usage doit être proportionnel à la fortune et au revenu et, surtout, surtout, il doit être donné à l'occasion d'un événement. Il faut que cela soit un événement socialement admis : cela peut être à un anniversaire, la réussite à un examen, un Pacs, des fiançailles, un mariage, etc. Il est même conseillé de faire un libellé se rapportant à cet événement en cas de virement bancaire. »

« Il est même conseillé de faire un libellé se rapportant à cet événement en cas de virement bancaire »

Nathalie Couzigou-Suhas s'attarde ainsi sur les dons mensuels. 300 euros par mois ? Attention, prévient la notaire spécialiste des questions successorales : « Plutôt que de verser 300 euros par mois à des enfants adultes, je conseillerais de donner 1 800 à l'anniversaire et 1 800 pour les fêtes de fin d'année. Ainsi, vous vous rattachez à une occasion et cela peut être considéré comme un présent d'usage. » A condition bien entendu que les 1 800 euros évoqués soit un montant « raisonnable » au regard des ressources des parents.

Impôts : combien pouvez-vous donner chaque mois à vos enfants ?

Dans le doute... mieux vaut déclarer !

À défaut de déclarer ces « petits » dons mensuels, ou ces dons difficiles à définit ou non comme présent d'usage, que risquez-vous ? Si jamais le fisc se penche sur votre cas, « les impôts pourraient imposer votre enfant au titre des revenus, voire au titre d'une donation, si ces versements ne sont pas justifiés par un état de besoin de votre enfant et ainsi d'une aide alimentaire », développe Me Couzigou-Suhas.

« Les impôts pourraient imposer votre enfant au titre des revenus, voire au titre d'une donation »

Par exemple, dans le cas de Hertell, dont la « maman » a un appartement de 300 000 euros, plus de 300 000 euros sur ses Livret A, LDDS, PEL et autres comptes bancaires, et 80 000 euros en assurance vie, le don de 10 000 euros à chaque enfant peut sembler dans les clous d'un don « raisonnable » (moins de 2,5% du patrimoine) puisque ponctuel, à Noël. Toutefois, dans le doute, dans un cas comme celui-ci où le don flirte clairement avec les limites du don d'usage, mieux vaut déclarer. Surtout que ces 10 000 euros sont très loin du seuil de 100 000 euros d'abattement pour les droits de donation aux enfants.

« Tant que les choses sont claires, on s'évite des risques pour plus tard »

L'autre risque d'un présent d'usage surdimensionné n'est pas fiscal, vis-à-vis du Trésor public, mais successoral, vis-à-vis du partage futur de l'héritage : « Tant que les choses sont claires, on s'évite des risques pour plus tard, juge Nathalie Couzigou-Suhas. Il faut savoir que des donations, tant que vous ne les avez pas déclarées, restent déclarables au décès. Il n'y a pas de prescription. » Exemple : si vous avez reçu un très généreux cadeau financier de vos parents qui n'a jamais été déclaré... un autre héritier pourra pointer cette donation déguisée au moment de la succession. Et ce « cadeau » non déclaré va alors venir réduire la part qui vous revient. Et sera prise en compte pour le calcul des droits de succession. Une bonne raison pour balayer toutes les zones de flou.

Exonérations et abattements cumulables pour les donations en famille
Qui reçoit l'argent ?Combien ?Quand ?Déclaration nécessaire ?
Présent d'usage
Tous (quel que soit
le lien de parenté)
Sans limite précise
mais d'un montant raisonnable1
Pour un événement ponctuel
(anniversaire, Noël, mariage, naissance, etc.)
Exonération pour dons d'argent en famille
Enfant, petit-enfant,
arrière-petit-enfant2
31 865 €
par bénéficiaire3
Plafond valable sur 15 ans
Abattements de droits de donation

Époux ou
partenaire de Pacs

80 724 €Plafond valable sur 15 ans
Enfant100 000 €
pour chaque enfant
Petit-enfant31 865 €
pour chaque petit-enfant
Arrière-petit-enfant5 310 €
par bénéficiaire
Frère ou sœur15 932 €
par bénéficiaire
Neveu ou nièce7 967 €
par bénéficiaire

1 Montant devant rester infime vis-à-vis des revenus ou du patrimoine de la personne qui donne.
2 Voire neveu ou nièce en l'absence de descendant.
3 Sous conditions : donateur de moins de 80 ans, et bénéficiaire majeur ou mineur émancipé.

Impôts : ce pactole que vous pouvez donner à vos enfants sans rien payer